Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
M

Martinique,

ancienne colonie française des Antilles, devenue département d'outre-mer en 1946.

C'est en 1635 que Belain d'Esnambuc, commandant de Saint-Christophe, prend possession de la Martinique pour le compte du roi de France. Les premiers planteurs de canne à sucre s'installent en 1644 et importent des esclaves de traite, tandis que des luttes avec les autochtones pour la confiscation des terres aboutissent à l'expulsion ou à l'extermination des derniers Caraïbes. La gestion de l'île est confiée un temps à la Compagnie des Indes occidentales, mais la faillite de celle-ci en 1674 entraîne une reprise en main par l'administration royale.

Siège du gouvernement général des îles du Vent, l'île tend à monopoliser l'activité commerciale des Petites Antilles et les « messieurs » de la Martinique ont tendance à dédaigner les « bonnes gens » de la Guadeloupe. L'insubordination des colons engendre de graves troubles, tel le « gaoulé » (tumulte) de 1717, qui entraîne l'expulsion du gouverneur et de l'intendant. À la veille de la Révolution, l'île compte quelque 100 000 habitants, dont 84 000 esclaves et 16 000 blancs et gens de couleur libres. Au cours de la guerre de Sept Ans, elle connaît une première et brève occupation anglaise (1762-1763), bien accueillie par les colons, situation renouvelée ensuite pendant les guerres de la Révolution et de l'Empire (1794-1802 et 1809-1815).

Le fait marquant du XIXe siècle est l'abolition définitive de l'esclavage en 1848 (74 500 affranchis). Pour pallier la pénurie de main-d'œuvre, on encourage alors l'immigration d'Indiens ; mais le déclin de l'économie sucrière s'accentue. Le 8 mai 1902, l'éruption de la montagne Pelée, qui détruit entièrement la ville de Saint-Pierre, fait 28 000 morts et entraîne la disparition de plus de la moitié de la population blanche, majoritairement urbaine.

Ralliée à la France libre en juin 1943, la Martinique devient département d'outre-mer en application de la loi du 19 mars 1946. Bénéficiant des crédits du Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM), elle est dotée d'infrastructures scolaires et hospitalières. Peuplée de 375 000 habitants (1993), l'île forme une Région monodépartementale ; elle est représentée au Parlement par quatre députés et deux sénateurs. Les formations autonomistes ont remporté quelques sièges aux élections locales, et un député indépendantiste a été élu en 1997. Aimé Césaire, maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, reste la figure politique marquante. On estime à 300 000 le nombre de Martiniquais vivant en métropole.

martyrs de la Liberté (culte des),

dévotion populaire, durant l'an II de la Révolution (1793-1794), à des personnages tombés sous les coups des contre-révolutionnaires : Marat, Le Peletier de Saint-Fargeau et Châlier, auxquels sont adjoints tardivement les jeunes Viala et Bara.

Ce phénomène, qui connaît son apogée durant l'hiver 1793-1794, alors que le mouvement de déchristianisation bat son plein, naît spontanément au lendemain de l'assassinat de Marat, « l'ami du peuple » (13 juillet 1793), dont on se partage les reliques : le Club des cordeliers remporte son cœur, qui est suspendu à la voûte de sa salle de séances.

C'est à l'initiative des sociétés populaires, des sections et des autorités révolutionnaires parisiennes que se multiplient, dans le courant d'août 1793, pompes funèbres, apothéoses et inaugurations de bustes associant Marat et Le Peletier, député régicide assassiné par un royaliste le 20 janvier 1793, à la veille de l'exécution de Louis XVI. Les cortèges qui promènent dans les rues les bustes des martyrs donnent l'image d'une sorte de syncrétisme associant pratiques du culte catholique et symbolisme patriotique et républicain. On parle parfois de « nouvelle trinité », au nom de laquelle se pratiquent des baptêmes républicains. Mais le culte de Châlier, guillotiné par les Lyonnais le 17 juillet 1793 (prélude au siège de Lyon), reste plutôt circonscrit à la région lyonnaise. Les montagnards laissent d'autant plus se développer ces pratiques, qui exaltent la foi républicaine et confortent, tout en les approfondissant, les nouvelles valeurs, qu'elles permettent la formation d'un consensus autour de l'hégémonie jacobine et de la solution de la Terreur légale, à un moment où l'unité révolutionnaire est gravement menacée par le fédéralisme et la révolte vendéenne. Cependant, afin d'évincer toute médiation politique (celle des cordeliers) entre eux et la population, les montagnards officialisent le culte, en lui adjoignant celui de héros-enfants : Viala, tué par les fédéralistes marseillais (8 juillet 1793), et surtout Bara, tombé sous les coups des vendéens (7 décembre 1793).

Quant au sens à donner au culte des martyrs - expression des relations complexes du politique et du sacré - les historiens demeurent partagés. S'agit-il d'une véritable religion révolutionnaire ? Les martyrs sont-ils des saints intercesseurs ou des héros laïcs ? Si les emprunts au culte catholique (processions et litanies) et les formes de religiosité populaire (vénération émotive et festive) sont évidents, il reste que le phénomène s'inscrit dans un processus général de « transfert de sacralité » (Mona Ozouf), du religieux vers le politique, qu'exprime l'ensemble des fêtes révolutionnaires.

Masque de fer (l'homme au),

mystérieux prisonnier du siècle de Louis XIV.

Bâtard d'Anne d'Autriche ? Fils de Mazarin ou de Buckingham ? Ministre ? Diplomate ? Prêtre, fils naturel de Charles II d'Angleterre ? Ou encore agent secret portant le nom d'Eustache Dauger de Cavoye ou comte Ercole Mattioli, secrétaire d'État du duc de Mantoue, agent double enlevé par Louvois près de Turin (1679) en violation du droit international ? Autant d'hypothèses. En fait, le Masque de fer n'existe que pour Alexandre Dumas, qui en fait le frère jumeau de Louis XIV, oubliant que la reine accouche devant toute la Cour. L'homme masqué, successivement enfermé à Pignerol (1679), au château d'If, à Sainte-Marguerite (île de Lérins), à la Bastille (1698), ne portait en réalité qu'« un masque de velours noir fixé en arrière par un cadenas » d'après le lieutenant à la Bastille qui l'accueille. Le 19 novembre 1703, l'homme masqué meurt subitement. Le 20, on l'enterre au cimetière de la paroisse Saint-Paul sous un nom d'emprunt. On brûle tout : vêtements, literie, mobilier, châssis de ses fenêtres ! On fond sa vaisselle. On gratte ses murs. On les reblanchit. On défonce le pavement de sa chambre, qui est remplacé.