Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cent Ans (guerre de). (suite)

Si l'exceptionnelle longueur du conflit a eu des conséquences et des répercussions à plusieurs niveaux, tous les historiens s'accordent à reconnaître qu'il est difficile de faire la part des choses : la guerre de Cent Ans a-t-elle déterminé des évolutions essentielles ou simplement précipité des mutations largement entamées ? Dans la France victorieuse, la monarchie sort renforcée de l'épreuve. Dès la libération de Paris, un effort de réorganisation administrative est entrepris. Le principe de permanence de l'impôt est désormais acquis et place le droit monarchique au-dessus des droits coutumiers. Institutions judiciaires et financières sont également réorganisées. Le redressement des structures sociales et économiques n'en sera pas moins long, et n'interviendra qu'à partir du règne de Louis XI. La guerre, en effet, a prolongé et aggravé la dépression économique antérieure. L'Angleterre vaincue doit affronter une grave crise monarchique et une véritable guerre civile. Il faut attendre le règne d'Henri VII pour constater un renforcement de l'État. En revanche, le pays connaît un important développement économique et le début d'une expansion commerciale qui fera de lui une grande puissance maritime. Évolution commune aux deux peuples : le conflit fait progresser le sentiment national, où se mêle une certaine xénophobie.

Ce conflit séculaire a laissé des traces non seulement chez les responsables politiques ou parmi les historiens, mais aussi dans la conscience populaire. Sa longueur exceptionnelle a frappé les érudits dès le XVIe siècle. Toutefois, l'expression « guerre de Cent Ans » n'apparaît qu'au début du XIXe siècle et ne devient d'usage courant que dans la seconde moitié du siècle, chez les historiens et les enseignants.

Cent-Jours (les),

restauration de l'Empire en 1815, entre le retour à Paris de Napoléon Ier (20 mars), échappé de l'île d'Elbe, et son abdication (22 juin).

De cette période de trois mois, inaugurée par l'audacieuse équipée du « vol de l'Aigle », et s'achevant par la déroute de Waterloo (18 juin), la mémoire collective garde l'image d'un chassé-croisé entre les gouvernements de Louis XVIII et de l'Empereur, et celle d'une folle aventure, où ne manquent ni la trahison ni le désastre. Cependant, les Cent-Jours correspondent d'abord à la tentative de restaurer l'Empire en prenant appui sur la bourgeoisie libérale.

Si, sur le chemin qui le mène de l'île d'Elbe à Paris, Napoléon redevient brièvement Bonaparte, général de la Révolution, héros populaire porteur du drapeau tricolore s'opposant au drapeau blanc des Bourbons, l'Empereur ne conçoit de gouverner qu'avec les notables, et avec eux seuls. Ne pouvant proposer moins que la Charte constitutionnelle concédée en 1814 par Louis XVIII, il fait rédiger par Benjamin Constant - l'opposant de toujours - l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, promulgué le 22 avril, qui donne au régime des institutions libérales mais fortement censitaires. Cette « Constitution », qui suscite une grande déception populaire, ne rallie pas pour autant les notables au régime, plus de la moitié des électeurs s'abstenant de participer au plébiscite. En fait, la majorité du pays est lasse de l'Empire, méfiante et, surtout, attentiste. En effet, la guerre semble imminente, les puissances alliées réunies au congrès de Vienne s'étant liguées, dès mars 1815, contre Napoléon, déclaré « ennemi et perturbateur du repos du monde ». En outre, la Vendée se soulève (15 mai) et d'autres provinces sont proches de l'insurrection. L'Empereur n'obtient guère l'appui de la Chambre des représentants, élue en mai, où dominent les libéraux, membres des classes moyennes, qui, au lendemain de Waterloo, le contraignent à abdiquer.

Malgré le désastreux traité de Paris (20 novembre 1815) qui s'ensuit, les Cent-Jours, expression à la fois héroïque et fatidique, inaugurent le culte de Napoléon, qui alimentera le bonapartisme au XIXe siècle. Gommant l'Empire autoritaire pour ne retenir que l'enthousiasme populaire qui salue le retour de Napoléon et le libéralisme constitutionnel des derniers temps, les bonapartistes trouveront des arguments à l'éloge de l'Empereur (redevenu soldat de la liberté, puis « martyr » national exilé à Sainte-Hélène) dans les excès des ultraroyalistes et de la Terreur blanche sous la Restauration.

centralisation,

système dans lequel les autorités centrales monopolisent le pouvoir de décision et de mise en œuvre en matière d'affaires publiques. Il est souvent considéré comme l'apanage séculaire de la France.

De l'Ancien Régime à la Ve République, la centralisation ne saurait se réduire à une évolution linéaire : soumise à de fréquentes remises en cause, objet de polémiques passionnées, elle s'impose plutôt comme un processus complexe et heurté.

Les formes de la centralisation sous l'Ancien Régime.

• De la fin du Moyen Âge au milieu du XVIIIe siècle, l'affirmation de la monarchie absolue en France met en jeu des transformations de l'État et de la fonction royale qui vont bien au-delà de la seule centralisation administrative. Celle-ci est néanmoins indéniable. Elle peut se résumer à trois caractéristiques : d'abord, le pouvoir monarchique exerce une emprise croissante sur le pays, afin d'assurer la conduite de la guerre et d'imposer un ordre conforme à la volonté du roi ; ensuite, ce système suppose la mise en place d'une administration hiérarchisée qui prélève les ressources fiscales et rend la justice ; enfin, un personnel au service de l'État s'étoffe progressivement.

Cette formation d'un appareil d'État ramifié s'accompagne, malgré des phases de remise en cause, d'une tendance de fond : la sujétion des pôles de pouvoir jusqu'alors autonomes - villes et états provinciaux. Une étape décisive est franchie vers 1635, lorsque Louis XIII et Richelieu commencent à transformer les commissaires aux missions ponctuelles en intendants de police, de justice et des finances, chargés d'administrer une circonscription territoriale stable. Le processus s'accentue sous le règne de Louis XIV, dans la période de consolidation du système monarchique qui fait suite à la Fronde. Ces intendants exercent leurs fonctions tant en arbitrant entre les diverses instances provinciales qu'en imposant unilatéralement leur autorité. Au total, la centralisation d'Ancien Régime, relative et multiforme, ne fut ni une uniformisation institutionnelle du royaume, ni une simple généralisation de l'application des décisions royales par des administrateurs-relais. On peut l'interpréter comme la réponse politique à deux phénomènes qui favorisent un État capable de gérer les conflits : l'importance de la guerre dans la formation du royaume ; l'éclatement de la société en fractions sociopolitiques concurrentes. Pourtant, vers 1750, les remises en cause se multiplient.