Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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clergé

Dans l'Église catholique, les prêtres consacrés constituent un corps particulier défini par le sacrement de l'ordre ; ils assument auprès des fidèles un ministère sacramentel, observent des règles de vie (célibat), et acquièrent une formation spécifique.

Dans le protestantisme, les pasteurs, même s'ils assument une fonction propre au sein des communautés, et bénéficient d'une formation exégétique et théologique, participent du principe du sacerdoce universel des fidèles : il n'y existe, entre clercs et laïcs, aucune différence d'ordre. Enfin, on étend, peut-être improprement, le terme de « clergé » au judaïsme et à l'islam, en raison de l'autorité de compétence qui distingue les rabbins et les imams des autres fidèles. Toutefois, ici, il sera question essentiellement du clergé catholique.

Évêques et moines à l'aube de l'évangélisation

L'institution du clergé prend place aux commencements de l'évangélisation. Les premières communautés chrétiennes attestées en Gaule s'organisent sur le modèle des Églises du monde grec et latin. Peu à peu vont ainsi émerger les figures de l'évêque, du prêtre, du diacre, du moine, de l'ermite. Des évêques s'établissent, du IIe au VIe siècle, dans les villes-capitales des anciens pays de la Gaule romaine - dont les limites forment les premiers diocèses -, et prennent en charge la vie spirituelle et matérielle des communautés. Les premiers évêques (Martin de Tours au IVe siècle ; Germain d'Auxerre, Césaire d'Arles, Remi de Reims, aux Ve et VIe siècles) résident près de leur église cathédrale, prêchent et enseignent au peuple, président aux liturgies baptismale, pénitentielle et eucharistique, veillent à la discipline, et donnent une impulsion aux missions en direction des campagnes. Nombre d'entre eux proviennent de l'aristocratie gallo-romaine, maintiennent l'héritage de la culture latine, et assument, par suite de l'effondrement de l'Empire romain, un rôle politique majeur, au sein des formations territoriales issues des invasions germaniques : c'est l'un d'eux, Remi, qui baptise à Reims, dans la foi catholique, le roi des Francs Clovis, scellant ainsi l'alliance entre la monarchie franque et la Gaule chrétienne. Le clergé de second ordre compose un groupe restreint aux côtés de l'évêque : il est chargé de l'administration des biens ecclésiastiques, de l'organisation des cérémonies et du service liturgique. Dans le même temps s'affirme une autre forme de ministère chrétien, à travers les voies distinctes de l'érémitisme et de l'anachorétisme (la retraite dans la solitude), et du cénobitisme (la vie en communauté). Le monachisme, qui réunit, sous l'autorité d'un abbé et d'une règle de vie spirituelle, un groupe de disciples retirés du monde pour mener une vie d'ascèse et de prières, connaît en Gaule ses premières réalisations à Marmoutier, près de Tours, auprès de saint Martin, aux îles de Lérins, ou dans les monts du Jura.

Naissance de la paroisse et primauté de la vie régulière

De l'âge mérovingien à l'âge carolingien, les structures ecclésiastiques et les formes de vie cléricale connaissent une évolution considérable. La naissance de la paroisse constitue un fait majeur lié à l'évangélisation des campagnes : à l'origine simples chapelles incluses dans de vastes exploitations agricoles détenues par l'aristocratie foncière, les églises villageoises forment le cadre de la vie religieuse des communautés paysannes ; un clergé rural - nombreux, peu instruit, généralement marié - assure au peuple chrétien un service rituel et une instruction religieuse élémentaires. Sous les Mérovingiens, puis les Carolingiens, l'épiscopat - avec des figures telles que Grégoire de Tours au VIe siècle, Éloi de Noyon sous le règne de Dagobert Ier (629/639), ou Hincmar de Reims sous le règne de Charles II le Chauve (843/877) - s'impose comme un interlocuteur obligé du pouvoir. À ses côtés, dans l'église cathédrale, se forment des communautés de chanoines qui œuvrent au renouveau de la liturgie. Le haut Moyen Âge est, par excellence, l'âge des moines : monachisme oriental, sur le modèle institué en Égypte par les Pères du Désert, qui inspire la règle de Césaire d'Arles (mort en 543) ; monachisme bénédictin, répandu à travers la règle de Benoît de Nursie (mort en 547), abbé du Mont-Cassin ; monachisme irlandais, propagé par la puissante figure de Colomban (mort en 615), fondateur de Luxeuil ; monachisme féminin, enfin, inauguré à Sainte-Croix de Poitiers, sous l'impulsion de la reine Radegonde (morte en 587). L'Empire carolingien, à travers Benoît d'Aniane (mort en 821), étend la règle bénédictine à l'ensemble des abbayes. Avec la fondation de Cluny (909), l'ordre bénédictin connaît un formidable essor : exempts de l'autorité épiscopale, les « moines noirs » multiplient, partout en France, les édifices richement dotés par l'aristocratie, et lèguent à l'âge féodal le modèle d'une vie régulière consacrée jour et nuit à la louange et à la prière.

Réguliers et séculiers dans la chrétienté médiévale

Au XIe siècle, avec la réforme grégorienne, s'ouvre l'ère de la chrétienté médiévale. Le pape Grégoire VII et ses successeurs s'efforcent d'émanciper l'Église de la tutelle des seigneurs laïcs sur les sièges épiscopaux, les abbayes et les chapitres canoniaux ; de réprimer les trafics de biens ecclésiastiques (la simonie), et d'imposer le célibat au clergé. Le monachisme apparaît, tour à tour, traversé par des formes de déclin de la vie religieuse, et par des exigences de réforme spirituelle et de pauvreté. Tandis que l'ordre clunisien perd de son dynamisme, et que les croisades suscitent la création d'ordres militaires (Templiers, Hospitaliers), des fondations naissent d'une recherche d'ascèse et de renouveau : en soumettant les chartreux à une vie de solitude et de silence, Bruno (mort en 1101) réintroduit la tradition érémitique au sein de la vie régulière ; Norbert place les « chanoines blancs » de Prémontré sous la règle de saint Augustin. Quant à Bernard de Clairvaux, il réforme la tradition bénédictine à partir de Cîteaux : l'ordre cistercien s'implante dans les « déserts », et restaure la place du travail agricole dans la vie monacale.