Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Baudin (Jean-Baptiste Alphonse Victor),

médecin et homme politique (Nantua, Ain, 1811 - Paris 1851).

Fils d'un médecin de province, Alphonse Baudin sert en Algérie comme chirurgien militaire ; il choisit ensuite de quitter l'armée et exerce à Paris auprès des plus pauvres. C'est la révolution de février 1848 qui provoque son engagement politique, nourri d'idées saint-simoniennes et fouriéristes. Député de l'Ain en mai 1849, Baudin siège à la Montagne, dans les rangs des républicains les plus virulents, et s'oppose au prince-président. Son hostilité au coup d'État du 2 décembre 1851 est telle qu'il prend la tête d'une résistance armée. Le 3 au matin, ayant résolu de soulever le faubourg Saint-Antoine, il fait édifier une barricade par une centaine d'ouvriers du quartier. Immortalisés par Victor Hugo dans son Histoire d'un crime (rédigé dès décembre 1851, mais publié en 1877), ses derniers mots sont passés dans la légende ; en réponse à un ouvrier qui lui reprochait de se battre pour conserver son indemnité parlementaire, Baudin aurait répliqué : « Vous allez voir comment on meurt pour vingt-cinq francs. » Tué quelques minutes plus tard, devenu un martyr de la cause républicaine, Baudin est inhumé le 5 décembre, en secret, au cimetière Montmartre. En 1868, des journaux républicains ouvrent une souscription nationale pour lui élever un monument. Ils sont poursuivis en justice, et Gambetta prononce à cette occasion une plaidoirie qui le rend célèbre, contribuant à entretenir le culte de Baudin, diffusé plus tard par les manuels scolaires sous la IIIe République.

Baudouin de Flandre,

comte de Flandre (Baudouin IX, 1195-1206), comte de Hainaut (Baudouin VI, 1195-1206) et empereur de Constantinople (Baudouin Ier) de 1204 à 1205 (Valenciennes 1171 - Andrinople 1205 ou 1206).

Fils du comte Baudouin V de Hainaut et de Marguerite d'Alsace, il hérite en 1195 d'un vaste territoire, composé du comté de Flandre, du comté de Hainaut et du marquisat de Namur, qui constitue la principale force politique du nord du royaume. Baudouin tient tête à son beau-frère le roi de France Philippe Auguste, qui avait recueilli l'Artois apporté en dot par Isabelle de Hainaut. Il fait d'abord hommage au roi de France, puis s'allie au roi d'Angleterre Richard Cœur de Lion et au comte de Boulogne Renaud de Dammartin en 1197. Leur coalition défait l'armée royale en Flandre et contraint Philippe Auguste à des concessions. Le conflit cesse en 1199, lorsque le pape Innocent III impose aux belligérants une trêve de cinq ans pour les inciter à partir en croisade. Le comte Baudouin prend donc part à la quatrième croisade, qui assiège la ville de Constantinople à la demande de l'empereur Isaac II Ange, qui avait été détrôné par son frère. À la suite d'une émeute qui renverse Isaac II (rétabli au pouvoir), Baudouin est élu empereur latin de Constantinople par les croisés, le 9 mai 1204. Vaincu à Andrinople le 14 avril 1205 par une coalition de Grecs et de Bulgares, il disparaît au cours de la bataille. De l'aventure éphémère de Baudouin, il demeure pendant près de cinquante ans un Empire latin d'Orient, aux mains de la famille de Courtenay.

Bayard (Pierre Terrail, seigneur de),

homme de guerre (Bayard, près de Grenoble, vers 1476 - Romagnano Sesia, Italie, 1524).

Issu de la petite noblesse du Dauphiné, Pierre Terrail embrasse dès l'enfance la carrière militaire : page de 1486 à 1493, puis homme d'armes, il participe aux deux premières campagnes d'Italie, en 1494 et 1499. Mais ce n'est que de 1500 à 1503, durant la seconde guerre de Naples, que s'égrènent les prouesses et les exploits, souvent gratuits, qui façonnent la dernière légende de la chevalerie française : le combat à outrance, à onze contre onze, des chevaliers français et espagnols en juillet 1502, ou la défense de l'arrière-garde française sur le pont du Garigliano en décembre 1503. En 1509, il commande une bande de cinq cents fantassins dauphinois. En 1511, malgré ses humbles origines, il est fait lieutenant d'une compagnie de cent lances. À Marignan, en 1515, le jeune François Ier demande au courageux hobereau de l'armer chevalier : au-delà de l'image d'Épinal, cette scène, pour une fois, semble ne pas trahir les faits. Nommé alors lieutenant général du Dauphiné, Bayard, qui ne se plaît pas à la cour, demeure à Grenoble, et contribue, par une sage administration, à l'intégration dans le royaume de cette province, française depuis peu. La défense victorieuse de Mézières en 1521 lui assure définitivement faveur royale et richesse. Il est, au sommet de sa gloire, capitaine d'une compagnie de cent lances, lorsque, en Lombardie, il est tué le 30 avril 1524, frappé - ironie du sort - par l'un de ces arquebusiers qu'il honnissait...

Bayard fut sans doute marqué profondément par son éthique guerrière et spirituelle, mais il sut aussi, en bon soldat, commander des fantassins et, à l'occasion, recourir à la ruse, voire à la cruauté.

Deux biographies romancées, écrites par Symphorin Champier et par le secrétaire de Bayard, Jacques de Mailles, dit « le Loyal Serviteur », ignorent ces contradictions. Les deux ouvrages sont publiés dès 1525 et 1527 car, après le désastre de Pavie (1525), le royaume a besoin de modèles pour croire à son redressement. Bayard, « chevalier sans peur et sans reproche », y est donc paré de toutes les vertus belliqueuses (bravoure, magnanimité) ou morales (chasteté, humilité, générosité, désintéressement). Statufié en parangon du chevalier fidèle à Dieu et à son souverain, cet homme de guerre apparut tour à tour, au fil des siècles, comme un modèle pour l'éducation de la noblesse, un serviteur exemplaire de la couronne, un défenseur de la patrie en danger, un modeste et sage provincial opposé aux menées de la cour, un bon chrétien conservateur et, enfin, un héros national admis au panthéon des gloires de l'école républicaine.

Bayeux (discours de),

discours prononcé le 16 juin 1946 par le général de Gaulle, dans lequel ce dernier expose ses idées en matière constitutionnelle.

Six mois après avoir quitté la direction du pays, de Gaulle fait sa rentrée politique, et s'adresse avant tout au MRP, premier parti de l'Assemblée constituante élue quinze jours plus tôt. Il accepte une « Assemblée élue au suffrage universel et direct » votant les lois et les budgets et pouvant renverser le gouvernement, mais lui adjoint une Chambre consultative, représentant « la vie locale », c'est-à-dire les élus municipaux et départementaux, et aussi les « organisations économiques, familiales, intellectuelles ». Surtout, au nom de l'équilibre et de la séparation des pouvoirs, il souhaite que le président de la République soit un arbitre désigné par « un collège qui englobe le Parlement, mais beaucoup plus large », pour « qu'au-dessus des contingences politiques soit établi un arbitrage national qui fasse valoir la continuité au milieu des combinaisons ». Le président est chargé de former le gouvernement et a le droit de dissoudre l'Assemblée.