Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Guillaume VIII ou Gui-Geoffroi,

comte de Poitiers et duc d'Aquitaine de 1058 à 1086 (1027 - château de Chizé 1086).

Plus jeune fils de Guillaume V, il hérite du duché de Gascogne en 1044, mais reste alors sous la tutelle de sa mère Agnès, qui, ayant écarté les enfants des deux premiers lits de son époux, détient la réalité du pouvoir. Devenu duc d'Aquitaine à la mort de son frère Guillaume VII, Gui Geoffroi revêt le patronyme dynastique de Guillaume VIII. D'emblée, le jeune duc qui, lors du couronnement du roi Philippe Ier tient le premier rang parmi les grands du royaume, s'efforce de faire valoir son pouvoir personnel. Il lance une offensive contre Bernard II d'Armagnac, qui s'était emparé de la Gascogne ; en 1058, il reprend possession de cette région et l'intègre au duché d'Aquitaine. Il fait de même pour la Saintonge, qu'il enlève en 1062 aux héritiers du comte d'Anjou, Geoffroi Martel, auquel sa mère s'était remariée.

Sa réputation de guerrier valeureux est encore grandie par l'expédition qu'il conduit, en 1064, avec le comte de Barcelone contre les Maures en Espagne, au cours de laquelle les armées chrétiennes, bénéficiant de la première bulle de croisade prononcée par la papauté, s'emparent de la ville de Barbastro. Dans son duché, Guillaume parvient, après avoir maté plusieurs rébellions, à imposer son autorité à l'ensemble de ses vassaux. Son règne est ainsi caractérisé par un renforcement très net du pouvoir ducal, que son fils et successeur Guillaume IX conduit à son apogée.

Guillaume IX le Troubadour,

neuvième duc d'Aquitaine, septième comte de Poitiers, premier troubadour connu (Poitiers ? 1071 - id. 1126 ou 1127).

À la mort de son père Guillaume VIII, en 1086, Guillaume devient l'un des plus grands seigneurs de son temps, plus puissant que le roi de France dont il est le vassal : il annexera même Toulouse et la Gascogne de 1088 à 1100 et de 1113 à 1123. Une fois démêlés faits réels et légendes rapportées par une Vida et un roman des années 1250, Guillaume apparaît comme un libertin, provocateur et désargenté, qui suit une ligne politique quelque peu désordonnée au hasard de querelles de voisinage et d'entreprises collectives plus ambitieuses : calamiteuse expédition en Terre sainte en 1103, mais triomphale campagne contre les Maures en Espagne, de 1119 à 1120. La fin de son règne marque un relatif déclin, bien que, depuis son veuvage en 1118, ne pèse plus sur lui l'excommunication que lui avaient value ses écarts de conduite.

C'est que le vrai titre de gloire de ce guerrier est la poésie. Ne restent - traces d'une œuvre sans doute plus importante - que onze chansons, si hétérogènes qu'on conteste parfois l'unité de l'ensemble. Y alternent en effet la revendication d'une sexualité libérée et les manifestations d'un amour sublimé éprouvé pour une Dame (dompna), probablement Dangereuse de Châtellerault, surnommée « la Maubergeonne ». Ainsi, parallèlement à des textes où s'exprime la truculence d'un « joyeux compagnon », se mettent en forme des topoï (« amour de loin », « mort par amour ») repris par la première génération des troubadours. La totale subordination à la Dame, essence de cette érotique, inspire déjà certaines chansons. Au fond, l'unité du personnage se trouve dans le rejet du contemptus mundi préconisé par les clercs. En mesure d'inscrire cette rupture dans sa vie comme dans son œuvre, écrivant en langue d'oc bien qu'on parle en Poitou un dialecte d'oïl, Guillaume est bien un précurseur.

Guillaume de Saint-Amour,

maître en théologie (Saint-Amour, Franche-Comté, 1202 - id. 1272).

Écolier à Mâcon, Guillaume étudie le droit canon et la théologie à Paris. Nommé régent de la faculté de théologie vers 1250, il devient le champion des séculiers dans la lutte qui les oppose aux nouveaux ordres mendiants pour le contrôle de l'Université. En effet, ces derniers - en particulier les Frères prêcheurs - occupent de plus en plus de chaires dans les facultés, attirant de nombreux étudiants, au détriment des séculiers, et proposant un nouveau modèle d'universitaire, non plus dépendant des bénéfices de l'Église, mais directement rétribué par ses élèves. C'est d'abord ce type de fonctionnement qu'attaque Guillaume de Saint-Amour, accusant les Mendiants de mauvaise vie et d'irréligion, tentant de soulever contre eux le peuple des écoles. Son œuvre la plus célèbre, Des périls de l'âge nouveau, les dénonce comme de faux prophètes, au moment où Rutebeuf et Jean de Meung (dans le Roman de la Rose) les prennent aussi pour cible. Mais, ce faisant, Guillaume attaque également le pape, leur protecteur. En 1256, une bulle d'Alexandre IV condamne le livre, et son auteur, convoqué à Rome, échappe de justesse à l'accusation d'hérésie.

Privé de tout office, interdit d'Université, chassé de France, Guillaume de Saint-Amour se réfugie en 1257 dans son pays natal. Jusqu'à sa mort, il tentera, par ses écrits, de convaincre les papes successifs de la nocivité des idées et des pratiques des dominicains et des franciscains. Dans les facultés parisiennes, la querelle entre ordres mendiants et séculiers se poursuit, mais sans Guillaume.

Guillaumin (Émile),

paysan écrivain (Ygrande, Allier, 1873 - id. 1951).

À sa publication, en 1904, la Vie d'un simple, témoignage sur la vie paysanne du XIXe siècle, impressionne le public. Daniel Halévy dit de ce récit qu'il vient « du fond du peuple, chose bien rare, et du fond du peuple paysan, chose unique ». Près du sol (1905), la Peine aux chaumières (1909) et Baptiste et sa femme (1910) se fondent également sur la qualité narrative de l'expression du paysan par lui-même.

N'écrivant qu'à la veillée et le dimanche, Guillaumin refusait de tisser un tableau idyllique de la condition paysanne. Se définissant comme un « travailleur manuel sans culture première » (préface à la Vie d'un simple, 1932), il dit écrire avec ses « mains avivées des morsures de la paille » (les Tableaux champêtres, 1901) et avec un souci d'éducation sociale. Aussi, à partir de 1908 et pour de longues années, il se tourne vers le syndicalisme - notamment en soutenant Michel Bernard, fondateur des premiers syndicats agricoles. Il collabore à diverses publications et ne cesse de faire éditer ses ouvrages avec un succès grandissant : À tous les vents sur la glèbe (1931), Sur l'appui du manche (1949), tout en continuant à favoriser l'expression paysanne (Paysans par eux-mêmes, ouvrage collectif, 1953).