Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Trente Ans (guerre de), (suite)

Les opérations militaires françaises.

• Louis XIII signa des accords avec les Hollandais, pour préparer une offensive commune, et avec les Suédois. La provocation vint des Espagnols : pénétrant dans l'Électorat de Trèves, ils s'emparèrent, le 26 mars 1635, de l'Électeur placé sous la protection de la France et le retinrent prisonnier. Le 19 mai, la déclaration de guerre de Louis XIII fut portée au cardinal infant, à Bruxelles, par un héraut d'armes, selon les formes féodales.

Les opérations menées par les Français en 1635 se soldèrent par un échec. L'armée espagnole put ainsi lancer une grande offensive en 1636 dans le nord de la France, tandis qu'un général impérial, Jean de Werth, entrait en Champagne. Le 15 août, la ville de Corbie, à 120 kilomètres de Paris, fut prise. La panique s'installa dans la capitale, et l'« année de Corbie » devait rester longtemps inscrite dans la mémoire collective. Trois provinces - Champagne, Picardie et Bourgogne - furent ainsi « foulées » par les armées ennemies. Néanmoins, l'Espagne n'avait pu mener à bien, à partir du sud, l'offensive qui, au moment de la bataille de Corbie, aurait pu emporter la décision.

Ainsi commençait une longue guerre. Le royaume de France subit une pression fiscale accrue, qui permit d'entretenir d'importantes armées sur plusieurs fronts mais provoqua des résistances et des révoltes, réprimées avec rigueur par Louis XIII et Richelieu. En définitive, malgré bien des péripéties, l'alliance franco-suédoise se révéla solide. Bernard de Saxe-Weimar s'empara de Fribourg-en-Brisgau, puis de Brisach, sur la rive droite du Rhin (avril-17 décembre 1638). La France protégeait l'Alsace, prenait pied au-delà du Rhin et rompait les communications de ses ennemis. Lorsque Bernard de Saxe-Weimar mourut (juillet 1639), son armée reconnut le pouvoir du roi de France et passa sous commandement français. À la suite de la victoire décisive des Hollandais sur les Espagnols près de Douvres, aux Dunes (21 octobre 1639), l'indépendance des Provinces-Unies devenait inéluctable. Un retournement international se produisait donc partout, aux dépens des Habsbourg. En Espagne même, la tension due à la guerre aboutit à une rébellion ouverte, en Catalogne et au Portugal (1640). La Catalogne se plaça sous la souveraineté du roi de France, tandis que le Portugal se choisit un nouveau roi, le duc de Bragance, qui remplaça le roi d'Espagne, son souverain depuis 1580.

Richelieu mourut en 1642, et Louis XIII l'année suivante, tandis qu'une armée espagnole tentait d'envahir la France depuis les Flandres. Mais elle subit une défaite décisive à Rocroi (19 mai 1643). Cette bataille révéla, à la fois, que les redoutables tercios de l'infanterie espagnole n'étaient nullement invincibles et que la politique du roi défunt et du cardinal-ministre commençait à porter ses fruits. Mazarin, qui avait travaillé aux côtés de Richelieu, proposa à la régente de France, Anne d'Autriche, pourtant sœur du roi d'Espagne, de poursuivre l'effort de guerre. Contre toute attente, elle accepta cette politique, au nom des intérêts de son fils, le jeune Louis XIV.

En 1644, les armées françaises envahirent l'Alsace et occupèrent toute la rive gauche du Rhin, de Bâle à la frontière hollandaise. En 1645, elles s'emparèrent de dix villes majeures aux Pays-Bas et, en 1646, de Dunkerque. L'Italie fut aussi un champ d'action rêvé pour Mazarin, Italien d'origine. En revanche, les Français perdirent du terrain en Catalogne.

Les négociations avec l'Empire se profilaient depuis la fin du ministère de Richelieu, la politique française ayant été fixée à travers la grande « instruction » du 30 septembre 1643, préparée par le Cardinal pour les négociateurs français. La France ne prétendait pas s'agrandir en Allemagne et en Italie aux dépens des autres puissances. Le traité franco-suédois de 1641 avait désigné Münster et Osnabrück comme sièges des négociations avec l'Empire. Les plénipotentiaires arrivèrent en août 1643, et le congrès ne s'ouvrit qu'en décembre 1644. La plupart des puissances européennes y furent représentées, à l'exception de l'Angleterre, en proie à la révolution, et de la Russie. Les catholiques s'installèrent à Münster, les protestants à Osnabrück. L'empereur dut bientôt s'incliner devant les autres princes allemands : le 29 août 1645, chaque prince indépendant du Saint Empire se vit reconnaître le droit de faire la guerre ou la paix, donc le droit à la parole au Congrès. C'était une étape décisive. Des préliminaires de paix entre l'Espagne et les Provinces-Unies furent signés dès le 8 janvier 1647. Amsterdam l'emportait sur Anvers, et la fermeture de l'Escaut était décidée. Un an plus tard, cette paix était ratifiée.

Mais il fallut encore les victoires de l'armée commandée par Turenne et des troupes suédoises pour forcer l'empereur à déposer les armes. À Lens, le 20 août 1648, les Espagnols se virent infliger une sévère défaite par les armées de Condé. Malgré la Fronde, qui affaiblissait le gouvernement de Mazarin, ces victoires françaises précipitèrent les événements et, le 24 octobre 1648, les traités de Westphalie furent signés. Ils ramenaient la paix en Allemagne et donnaient une stabilité nouvelle au Saint Empire, lui permettant de survivre malgré la complexité de son organisation politico-religieuse. Le calvinisme y était reconnu, à côté du catholicisme et du luthéranisme. Cette disposition transforma la règle du cujus regio, ejus religio : un prince pouvait changer de religion sans que ses sujets fussent tenus d'en faire autant. L'Empire subit des sacrifices territoriaux définitifs : les cantons suisses et les Provinces-Unies accédaient à l'indépendance. La France était reconnue souveraine des Trois-Évêchés (Toul, Metz et Verdun) ; elle obtenait deux têtes de pont au-delà du Rhin (Brisach et un droit de garnison à Philippsbourg), ainsi que les territoires de la maison d'Autriche en Alsace : le landgraviat de Haute-Alsace, de Basse-Alsace, la protection de la Décapole (ligue de dix villes : Landau, Wissembourg, Haguenau, Rosheim, Obernai, Sélestat, Kaysersberg, Colmar, Turckheim et Munster). Le Rhin faisait désormais office de frontière naturelle sur une partie de son cours. La France et la Suède étaient garantes des accords de Westphalie, « y compris de ses dispositions internes à l'Empire, dans les affaires duquel ces deux puissances acquirent ainsi un titre permanent d'ingérence » (Jean-François Noël). Entre la France et l'Espagne, la guerre ne s'acheva qu'en 1659, avec la paix des Pyrénées.