Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Charles le Téméraire, (suite)

• Ami du dauphin Louis, dont les relations avec Charles VII sont mauvaises, il s'oppose par la suite à son compagnon, devenu Louis XI, en soutenant la ligue du Bien public, menée par le frère du roi, le duc de Bourbon, le duc de Bretagne François II et Jean de Calabre, fils du duc de Lorraine. Après une bataille indécise à Montlhéry, en 1465, le roi et Charles le Téméraire signent à Conflans un traité par lequel Louis XI rend à la Bourgogne les villes de la Somme qu'il avait rachetées à Philippe le Bon.

Devenu duc de Bourgogne en 1467, à la mort de son père, Charles le Téméraire reprend à son compte les ambitions paternelles et tente de reconstituer à son profit le royaume carolingien de Lotharingie. Dans sa lutte, il se heurte aux souverains établis, Louis XI et l'empereur Frédéric III. Les affrontements sont d'abord indirects, sur le théâtre d'autres conflits européens. Ainsi, dans la guerre des Deux-Roses, en Angleterre, Louis XI prend le parti d'Henri VI de Lancastre alors que Charles de Bourgogne soutient Édouard IV d'York, dont il épouse la fille, Marguerite, en 1468. Cette année lui est propice à plus d'un titre, car il remporte une victoire diplomatique lors de l'entrevue de Péronne avec Louis XI, en octobre 1468. En effet, alors que le roi et le duc tentent de s'accorder, la ville de Liège se révolte contre le prince-évêque, à l'instigation, semble-t-il, d'ambassadeurs de Louis XI. Ce dernier est alors contraint d'accompagner Charles le Téméraire qui va réprimer la révolte, et doit accepter de soustraire les états du duc à la juridiction du parlement de Paris. Charles peut alors créer en 1473 le parlement de Malines, sa nouvelle capitale : disposant d'une justice souveraine, il a les moyens de son indépendance.

Une construction territoriale fragile.

• Au-delà des institutions, le duc de Bourgogne doit achever la construction territoriale de ses états, relier le Nord flamand et le Sud bourguignon. C'est le sens de sa diplomatie à l'Est. En 1469, il achète à Sigismond de Habsbourg ses droits sur la haute Alsace. Il obtient de René II de Lorraine le droit de garnison dans son duché. Ce faisant, il s'oppose aux cantons suisses encerclés par les Bourguignons. En 1473, Charles le Téméraire est sur le point d'atteindre son but : indépendance institutionnelle à l'égard du roi de France, encerclement des territoires qu'il désire soumettre à son autorité ; ne lui manque que l'aval de l'empereur Frédéric III de Styrie, qui le reçoit à Trèves mais se garde bien de lui proposer la couronne attendue. Adversaire non déclaré, l'empereur s'oppose au duc de Bourgogne, qui lutte désormais sur trop de fronts simultanément. Défait à Héricourt par les cantons suisses et les villes de basse Alsace, le 13 novembre 1474, Charles le Téméraire ne peut empêcher que ses alliés anglais fassent la paix avec le roi de France au traité de Picquigny en 1475, tandis qu'il s'attarde au siège de Neuss contre l'archevêque de Cologne. Il ne lui reste alors que la force de ses armées : il envahit la Lorraine à la fin de l'année 1475 et s'attaque aux cantons suisses. À Granson le 2 mars 1476, puis à Morat le 22 juin, les cantons abattent la plus puissante armée d'Occident. Le 5 janvier 1477, Charles le Téméraire meurt devant Nancy, qu'il tentait de reprendre à René II de Lorraine. Il laisse pour unique héritière sa fille Marie, qui va devenir l'enjeu de la plus grande succession du XVe siècle. C'en est fini de l'État bourguignon.

Charonne (manifestation du métro),

rassemblement de protestation contre l'Organisation armée secrète (OAS), à Paris, le 8 février 1962.

Après l'échec du putsch des généraux en avril 1961, l'OAS s'oppose par la violence aux négociations entamées avec le FLN algérien. Les attentats, incessants en Algérie, se multiplient en métropole. Ils sont particulièrement nombreux au début de l'année 1962. L'opinion publique, de plus en plus hostile à ces violences aveugles, est indignée par l'attentat au domicile d'André Malraux, qui fait une victime (Delphine Renard, 4 ans, perd la vue). Les syndicats (CGT, CFTC, FEN, UNEF), les partis et organisations de gauche (PCF, PSU, Jeunesses socialistes) appellent à manifester le 8 février contre le « danger fasciste » et dénoncent le soutien que rencontre l'OAS dans une partie du monde politique et de l'appareil d'État (police et armée). Interdite par le gouvernement, la manifestation regroupe néanmoins, dans le quartier de la Bastille, plusieurs dizaines de milliers de personnes, qui se heurtent à un imposant dispositif policier mis en place par le préfet de police Maurice Papon. Comme lors de la manifestation du 17 octobre 1961, la brutalité policière s'exerce sans discernement : les charges sont particulièrement violentes au métro Charonne, où l'on relève 8 morts, écrasés pour la plupart contre les grilles de la station, auxquels il faut ajouter les 150 blessés de la soirée. Les funérailles des victimes, le 13 février, jour de grève générale, regroupent 500 000 personnes dans une procession silencieuse qui marque la fin des espoirs de l'OAS en métropole. Le métro Charonne a représenté pour la gauche française un « lieu de mémoire » symbolisant la répression d'État et la collusion de la police avec le « fascisme ».

charrue,

instrument de labour qui, à la différence de l'antique araire (instrument de forme symétrique qui fend le sol verticalement), est muni d'un versoir, lequel permet un labour profond et rejette la terre d'un seul côté.

La charrue entre dans l'historiographie grâce aux travaux de Marc Bloch (les Caractères originaux de l'histoire rurale française, 1931), qui intègrent l'étude comparée de l'araire et de la charrue à celle des « régimes agraires » : l'araire est associé aux champs larges et irréguliers, méditerranéens ; la charrue, « la mère des champs allongés », est indissociable d'une vie communautaire puissante, et appartient à « cette civilisation technique des plaines du Nord ». Mais Marc Bloch soulève aussi des interrogations : sur quelles sources se fonder pour étudier un objet technique, et quel lien de causalité établir entre un instrument et une civilisation ? La fécondité de cette approche apparaît chez André Georges Haudricourt (1955), pour qui les différences entre la charrue et l'araire sont à rechercher dans « les manières diverses d'utiliser un même instrument ». L'inclinaison de l'araire dans les terres humides est source de dissymétrie de l'instrument (versoir), de généralisation de l'avant-train (qui facilite le déplacement), et de l'adjonction du coutre (pièce tranchante ouvrant le sol avant le soc). L'introduction de ces modifications aboutit à la charrue, entre le Ve et le Xe siècle, au nord des Alpes. La France septentrionale connaît une diversification des outils aratoires, qui se rattachent à deux types : avec versoir fixe ou mobile ; la France méridionale passe sans transition de l'araire à la charrue moderne. Mais certains traits de l'araire perdurent, utilement. L'histoire de la charrue interroge donc le « mode d'existence des objets techniques » (Gilbert Simondon, 1958).