Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Merlin de Douai (Philippe Antoine, comte Merlin, dit), (suite)

Généralement, l'historiographie classe Merlin de Douai parmi ces hommes politiques qui savent user de leurs compétences pour durer. Prudent pour les uns, opportuniste pour les autres, ce partisan d'une monarchie constitutionnelle en 1791 vote la mort du roi et sait se disculper lorsqu'il risque d'être compromis en raison de ses relations avec Philippe d'Orléans. Membre du Comité de législation, il participe à l'organisation du Tribunal révolutionnaire et à l'élaboration de la loi des suspects (septembre 1793), à laquelle il doit son surnom de « Merlin-suspect ». Après le 9 Thermidor, entré au Comité de salut public, dont il est l'un des pivots, il déploie une activité politique et juridique intense : il inspire un grand nombre des décisions stratégiques de la Convention thermidorienne, tels la fermeture du Club des jacobins ou le rappel des députés exclus ; il rédige d'autre part un projet de code des délits et des peines, adopté par la Convention, qui est à l'origine du Code pénal. Sous le Directoire, il est ministre de la Justice, puis ministre de la Police générale. Il supervise les Constitutions des Républiques sœurs (véritables États vassaux de la France), défend le droit de conquête et les acquisitions par traités sans consultation des populations, en contradiction avec les principes qu'il défendait en 1790. Il entre au Directoire après le 18 fructidor an V (4 septembre 1797) et en est exclu avant le coup d'État de Bonaparte (1799). Ce dernier le nomme procureur général impérial près de la Cour de cassation, conseiller d'État, comte d'Empire et membre de l'Institut. Rappelé par Napoléon au moment des Cent-Jours, il est ensuite condamné à l'exil. Il revient en 1830 et retrouve sa place à l'Institut.

Mérovingiens

Le nom de « Mérovingiens » vient de Mérovée, roi dont une tradition exprimée par Grégoire de Tours à la fin du VIe siècle faisait le grand-père de Clovis.

Éginhard, dans le premier tiers du IXe siècle, considérait que les Francs avaient coutume de choisir leurs rois dans la gens Meroingorum (« la famille des Mérovingiens »). Même si la préhistoire de cette famille royale plonge dans un fonds où le légendaire le dispute à l'authentique, ses acteurs surgirent sur le devant de la scène historique à la fin du Ve siècle, quand, par ses premiers succès, Clovis entreprit la conquête franque de la Gaule. Jusqu'en 751, ses descendants régnèrent sur l'ensemble de la Gaule et sur une bonne partie de la Germanie. Mais, passé l'apogée de la première moitié du VIIe siècle, les derniers Mérovingiens ne furent plus rois que de nom, la réalité du pouvoir appartenant désormais aux plus puissantes familles de l'aristocratie franque, singulièrement à celle des Arnulfo-Pippinides, les ancêtres des Carolingiens.

Des chroniques des VIIIe et IXe siècles, marquées par la propagande carolingienne, jusqu'aux Récits des temps mérovingiens (1840) d'Augustin Thierry, l'histoire n'a trop longtemps retenu que l'incapacité à gouverner des derniers Mérovingiens, les « rois fainéants ». Grâce à la relecture critique des écrits de Grégoire de Tours, du pseudo-Frédégaire, et de leurs continuateurs, elle tend aujourd'hui à réévaluer l'œuvre des premiers reges Francorum.

Les conquêtes

L'ambition de Clovis, roi des Francs Saliens de 481 environ à 511, et de ses héritiers fut, à partir des positions que leurs prédécesseurs avaient occupées en tant que peuples fédérés dans les provinces romaines du Nord, de faire l'unité de la Gaule et, ainsi, de s'emparer des rivages prestigieux de la Méditerranée. En ce sens, ils exprimèrent une véritable fascination pour l'héritage impérial, dont ils se réclamèrent pendant plusieurs générations. Quelles qu'en eussent été les motivations profondes et la date exacte, la conversion de Clovis au christianisme et son baptême ne purent que faciliter l'entreprise en disposant favorablement le corps épiscopal, devenu, après la disparition de l'Empire en Occident, la principale force d'encadrement des cités gallo-romaines.

Ainsi Clovis, qui allait savoir, le moment venu, faire autour de sa personne l'unité de tous les Francs (en particulier, des Rhénans, les principaux rivaux de sa famille et de son peuple), réussit-il à conquérir la moitié nord de la Gaule (vers 486), puis l'Aquitaine jusqu'aux Pyrénées (en 507). Quant à ses fils et petits-fils, ils parvinrent à prendre le contrôle du Sud-Est : royaume des Burgondes, d'abord (en 534), par la force des armes ; Provence, ensuite (en 537), par la « négociation musclée » avec ses maîtres ostrogoths. C'est à ce moment que Théodebert Ier, petit-fils de Clovis, prenant possession de la ville d'Arles au nom des Francs, frappa à son effigie des sous d'or imités des sous impériaux - il fut le premier souverain barbare à oser le faire -, et, toujours à la manière des empereurs, il organisa des jeux hippiques dans les arènes.

Ainsi, vers le milieu du VIe siècle, les Mérovingiens s'étaient rendus maîtres presque de la totalité de la Gaule : leur échappaient seulement les bouches du Rhin, aux mains des Frisons ; l'Armorique, en proie aux migrations massives en provenance de Grande-Bretagne ; les Pyrénées atlantiques, tenues par les Basques ; et la Septimanie (Languedoc méditerranéen), dominée par les Wisigoths. Mais leur autorité avait commencé de s'étendre à la Germanie centrale et méridionale, grâce aux victoires remportées sur les Alamans, les Thuringiens et, peut-être déjà, les Bavarois.

Nul doute qu'à ce moment le regnum Francorum (royaume des Francs) représentait la principale puissance militaire et politique de l'Europe occidentale. De purement guerrière et ethnique à l'origine, la royauté mérovingienne était devenue, du fait de la vacance de l'Empire romain en Occident et par la loi de la conquête, une royauté territoriale. Son autorité devait être reconnue par tous - non plus seulement par les Francs mais aussi par les Gallo-Romains et les Barbares soumis : sur tous devait s'imposer la justice royale et être prélevé l'impôt, du moins dans la mesure où les rois en avaient les moyens. À cet effet, ils disposaient des comtes, leurs représentants dans les cités, et escomptaient le concours des évêques, dont ils cherchèrent de plus en plus à contrôler l'élection.