Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Grégoire de Tours, (suite)

Mais Grégoire est surtout l'auteur de Dix livres d'histoire, ou Histoire des Francs, rédigé à partir de 575 et qui met en scène les principaux événements politiques du VIe siècle. Si, par certains traits, ce texte s'inscrit dans la tradition de l'historiographie chrétienne, il fait surtout de Grégoire de Tours le premier chroniqueur du Moyen Âge. L'horizon politique n'est plus le monde romain, mais l'espace gaulois. Le christianisme seul, et non la romanité, est considéré comme le fondement de la civilisation. En fait, le récit sert avant tout à l'enseignement moral et religieux des lecteurs. Enfin, Grégoire de Tours est l'un des premiers à se conformer au vœu de son contemporain le pape Grégoire le Grand (590/604), qui invite les évêques à préférer l'expression sévère et simple de l'Écriture aux beautés formelles de la culture classique. Certes, Grégoire lit Virgile et Sidoine Apollinaire, mais il n'a pas suivi d'études classiques et n'a appris ni la grammaire ni la rhétorique. Sa manière de raconter en témoigne.

Grenelle (affaire du camp de),

tentative de soulèvement de la gauche républicaine parisienne contre le Directoire, dans la nuit du 9 au 10 septembre 1796 (23-24 fructidor an IV).

Tandis que, à la suite de la découverte de la conjuration des Égaux, Babeuf et ses amis, transférés à Vendôme depuis le 27 août, attendent leur procès, les plus résolus des opposants démocrates - babouvistes ou non - ayant échappé à la répression cherchent à entraîner dans une insurrection les soldats du 21e dragons cantonnés dans un camp installé dans la plaine de Grenelle (aujourd'hui un quartier de Paris). Pour le directeur Lazare Carnot, qui contrôle l'appareil policier, cette affaire est l'occasion, à six mois des élections législatives, d'éliminer l'opposition jacobine et de rallier les modérés au régime en ravivant la peur des « anarchistes ». Prévenu du complot, il laisse faire et organise une souricière. Lorsqu'ils se présentent au camp, les conjurés - plusieurs centaines - sont accueillis par une fusillade qui fait vingt morts. Bien que civils, cent trente-deux prisonniers sont traduits, devant un conseil militaire, en vertu d'une loi votée le 24 fructidor. Trente d'entre eux - dont trois anciens députés montagnards - sont fusillés en octobre. Cependant, jugeant la procédure illégale, le tribunal de cassation annule les jugements le 11 avril 1797, et renvoie les autres condamnés devant un tribunal civil, qui les acquitte. Si la répression a provisoirement muselé les démocrates, les élections, closes le 4 avril durant le procès des Égaux, donnent la victoire aux royalistes, obligeant le Directoire à recourir au coup d'État, le 18 fructidor an V (4 septembre 1797).

Grenelle (protocole de),

nom donné à un protocole d'accord établi par les représentants des patrons (conduits par Paul Huvelin, alors président du CNPF) et ceux des centrales syndicales sous l'égide du gouvernement le 27 mai 1968.

Face à la crise sociale qui paralyse la France, et après que le général de Gaulle eut tenté de lui apporter une réponse politique - celle d'un référendum, annoncé le 24 mai 1968 -, le Premier ministre Georges Pompidou choisit la voie - classique - de la négociation avec les syndicats, qui est menée au ministère du Travail, rue de Grenelle. Il s'agit de mettre fin à un conflit dont nul ne sait où il va, et qui risque de fragiliser la représentativité des partenaires sociaux. Mais, si tous tombent d'accord sur la nécessité d'abréger la crise, les analyses de la situation et les revendications diffèrent selon les centrales syndicales : la CGT, inquiète devant une éventuelle dérive gauchiste du mouvement, met en avant des revendications traditionnelles, portant sur la durée du temps de travail ou des augmentations de salaire. Fidèle aux mots d'ordre qualitatifs promus depuis sa création en novembre 1964, la CFDT privilégie quant à elle les rapports au sein de l'entreprise et les possibilités d'expression à la base.

À l'aube du 27 mai, entouré de ses principaux conseillers Édouard Balladur et Jacques Chirac, Georges Pompidou énonce des propositions : augmentation du SMIG de 35 %, relèvement des salaires de 10 %, paiement à 50 % des jours de grève, réduction d'une heure, avant la fin du cinquième plan, de la durée hebdomadaire du travail, diminution du ticket modérateur de la Sécurité sociale... Ces propositions, pour importantes qu'elles soient, sont naturellement insuffisantes pour la CFDT, qui souhaitait promouvoir, à l'occasion du conflit, de grandes réformes structurelles. Elles sont d'ailleurs mal accueillies par les grévistes : Georges Séguy en fait l'expérience, le 27 mai, lorsqu'il présente les résultats des pourparlers aux ouvriers de Renault. Expression du dépassement des syndicats par leur base, la poursuite des grèves marque également l'échec d'une réponse traditionnelle à un conflit dont chacun mesure alors la portée exceptionnelle. Dans une situation d'apparente vacance du pouvoir, la voie est ouverte pour une crise politique : c'est ce que pressentent les 30 000 manifestants réunis au stade Charléty, le soir du 27 mai, en présence de Pierre Mendès France, silencieux.

Toutefois, dans la première quinzaine de juin, le travail reprend dans la plupart des secteurs de l'économie. Ainsi, le 12, des négociations s'engagent à la Régie Renault entre la direction et les syndicats, sur la base du protocole de Grenelle. Le 16, elles aboutissent à un accord, approuvé le lendemain par une majorité de salariés, ce qui entraîne la reprise du travail.

grève.

« Coalition d'ouvriers qui refusent de travailler tant qu'on ne leur aura pas accordé certaines conditions qu'ils réclament » : la définition que donne Littré de la grève, en 1863, prend acte de l'affirmation d'un mode d'action collective, qui naît et se développe au XIXe siècle en France comme dans les autres pays européens.

Sans doute peut-on retrouver sous l'Ancien Régime des conduites qui préfigurent la grève, mais elles sont trop rares, trop limitées à certains secteurs, trop confondues avec les émotions populaires urbaines pour qu'on puisse même les identifier.