Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

hérésie, (suite)

Non moins virulentes à la fin du Moyen Âge, les hérésies continuent d'affronter le pouvoir ecclésiastique par des attitudes proches du prophétisme ou de la vision inspirée. Le mouvement du Libre-Esprit s'inscrit dans cette forme de dissidence, qui prône le pur amour de Dieu en refusant l'idée d'un salut suspendu à la seule médiation de l'Église visible. Le succès de ces idées auprès des béguines et des bégards suffit à désigner comme dissidentes ces communautés spirituelles à la frontière du traditionnel clivage entre les clercs et les laïcs. Ordonné par l'inquisiteur de Paris en 1372, le supplice des hérétiques « turlupins », qui préconisent une même absence de médiation, est emblématique de l'efficacité de la répression mise en place par une Église attaquée de toutes parts. L'annonce, pour les millénaristes, de la venue d'une église spirituelle et égalitaire dans la ligne de pensée ouverte par les écrits du Calabrais Joachim de Flore (vers 1130-1202), continue ainsi d'allumer des foyers de dissidence. Les « spirituels » de l'ordre franciscain, restés fidèles à l'esprit de pauvreté de François d'Assise, sont ainsi condamnés comme hérétiques pour leurs prophéties sur la fin de l'Église et l'avènement du règne de la bonté, de la paix et de la sainteté. Cette branche dissidente est dissoute en 1341. La crise institutionnelle traversée par l'Église au moment du grand schisme d'Occident (1378-1417) concourt à la multiplication de petits groupes hérétiques informels. Leurs aspirations, empreintes le plus souvent de violentes revendications sociales ou nationales, rappellent les amalgames et les syncrétismes caractéristiques des hérésies médiévales : rejet de l'Église institutionnelle, aspiration à l'évangélisme, exaltation de l'amour divin, etc.

Réformes et dissidences.

• Insatisfaits des compromis mise en œuvre par les différents conciles de la fin du XIVe et du XVe siècles pour réduire la fracture ecclésiale, les courants réformateurs adoptent des positions de plus en plus radicales à l'égard de l'Église romaine. Considéré par les catholiques d'alors comme une hérésie majeure, le protestantisme (sous ses diverses formes de luthéranisme et de calvinisme) donne lieu à l'organisation de véritables Églises. L'orthodoxie protestante engendre à son tour ses propres dissidences et ses propres formes de répression pour affirmer l'absolue vérité de son dogme (supplice du médecin Michel Servet à Genève en 1553, qui confirme le passage d'une doctrine persécutée en religion persécutrice).

Les hérésies connaissent une recrudescence au XVIIe siècle : « piétisme » visionnaire annonçant la venue d'une ère nouvelle, « quiétisme » de Miguel de Molinos (1628-1696) ou de ses émules, tels que la Lilloise Antoinette Bourignon (1616-1680), exaltant l'abandon total en Dieu et le retour à l'androgynat originel, etc. Sur le front catholique, la hantise d'autres dissidences conduit la Contre-Réforme à une opposition radicale à toute forme de déviance, voire de mysticisme suspect. Très violente en Espagne et en Angleterre, cette répression, qui condamne notamment les hérétiques « illuminés » (alumbrados) ou les « libertins » au bûcher, voit l'Église s'installer dans une forme d'immobilisme et de conformisme. En France, le jansénisme fait ainsi l'objet de « tests d'orthodoxie » mis en place par l'Église pour éprouver la cohérence de ses formulations théologiques. Le dogme catholique se durcit dans des propositions autoritaires et démonstratives dénuées de toute souplesse théologique. L'exécution en 1766 du jeune chevalier de La Barre pour « crime d'impiété » constitue l'un des derniers sursauts de cette lutte séculaire contre les déviances doctrinales. L'incroyance et l'athéisme du siècle des Lumières, en prônant une émancipation à l'égard de toute religion, prend autant pour cible les hérésies que l'Église. Le déisme des Philosophes n'en constitue pas moins, par définition, ... une hérésie ! La Révolution française supprime l'existence juridique de l'hérésie en mettant fin au pouvoir répressif et pénal de l'Église.

Les non-conformismes religieux d'aujourd'hui, qui ne cessent d'osciller entre secte et dissidence, continuent paradoxalement, comme au cours des premiers siècles, de montrer l'effervescence et la vitalité religieuses du christianisme. Dans ce contexte, l'œcuménisme actuel, prôné par l'Église, constitue le meilleur rempart contre l'éclatement de la communauté chrétienne auquel les hérésies n'ont cessé de travailler depuis les origines.

Héroard (Jean),

médecin (Montpellier 1551 - La Rochelle 1628).

Jean Héroard est issu d'une dynastie de médecins installée au XVIe siècle à Montpellier. Son père, Michel, est un chirurgien gagné aux idées de la Réforme. Lui-même commence sa carrière au service des derniers Valois comme chirurgien des Écuries à la cour de Charles IX. De cette expérience, il tire un ouvrage, publié en 1599 : l'Hippostéologie ou Traité des os du cheval. Après un séjour à Montpellier, où il poursuit ses études, il devient médecin. Il rejoint alors la cour d'Henri III, où il demeure jusqu'à la mort de ce dernier. Témoin des événements de la fin de son règne, il est probablement l'auteur du Récit de la mort des ducs et cardinal de Guise. Il entre ensuite au service d'Henri IV dont il a la confiance.

En 1601, il est nommé médecin du dauphin dès la naissance de ce dernier. Il profite de cette fonction pour tenir un journal quotidien, où il note les observations et les descriptions qui se rapportent à l'évolution de son royal patient. C'est un document unique, qui a fait la célébrité posthume d'Héroard. Les faits qu'il relate concernent l'hygiène quotidienne du dauphin : ses repas, ses exercices, ses maladies, ses humeurs, les soins fournis. Mais, aussi, les principaux événements de la vie du jeune prince : son éducation, la formation de son caractère, les rapports avec ses familiers et, même, certains faits politiques. En 1610, à son avènement, Louis XIII, fait d'Héroard son premier médecin, consécration d'une longue carrière.