Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Algérie, (suite)

Deux catégories d'Algériens.

• Le décret Crémieux d'octobre 1870 a donné la citoyenneté française aux juifs d'Algérie, malgré un mouvement antisémite qui exige violemment son abrogation en 1898, et qui finira par l'obtenir du régime de Vichy en octobre 1940. Quant à la très grande majorité de la population musulmane, elle reste en dehors de la « cité française ». Depuis le 14 juillet 1865, l'« indigène » musulman algérien est de nationalité française, mais il reste régi par la loi coranique (ou les coutumes berbères) en matière de statut personnel, et demeure assujetti à un régime disciplinaire d'exception (appelé « Code de l'indigénat » de 1881 à 1927). Il peut pourtant être admis individuellement à la citoyenneté française, à condition d'en être jugé digne et de renoncer à son statut personnel pour se soumettre au Code civil (ce qui est considéré comme une apostasie par les musulmans). Cette procédure, qualifiée à tort de « naturalisation », ne concernera pas plus de dix mille personnes.

Une autre solution est envisagée, depuis Napoléon III, par les « arabophiles » : la citoyenneté dans le statut musulman. En 1912, les intellectuels « Jeunes-Algériens »demandent que les « indigènes » soient suffisamment représentés dans les assemblées locales et au Parlement français. Après la Grande Guerre, la loi du 4 février 1919 définit des corps électoraux relativement larges, qui élisent des représentants musulmans minoritaires dans les conseils municipaux et généraux et les délégations financières, mais pas au Parlement. En 1931, l'ancien gouverneur général Maurice Viollette propose d'admettre dans le collège des citoyens français, sans renonciation à leur statut personnel, des individus détenteurs de décorations, de diplômes, ou qui se sont distingués dans l'exercice de fonctions politiques, administratives, économiques. Repris en décembre 1936 par le gouvernement du Front populaire, le projet Blum-Viollette suscite une telle opposition chez les élus français d'Algérie qu'il n'est ni discuté par le Parlement ni appliqué par décret. En fait, depuis juin 1936, il est déjà dépassé par la charte revendicative du Congrès musulman d'Alger, qui réclame la « citoyenneté dans le statut » pour tous les Algériens, dans le même collège que les citoyens français soumis au Code civil et dans une Algérie intégrée à la France. En août de la même année, à Alger, Messali Hadj, leader de l'Étoile nord-africaine, exige une Assemblée constituante algérienne souveraine élue au suffrage universel.

La montée du nationalisme.

• Le nationalisme algérien est apparu tardivement, d'abord en France avec l'Étoile nord-africaine, association de travailleurs immigrés créée sur l'initiative des communistes en 1926, puis en Algérie avec l'Association des oulémas (savants religieux), plus modérée, en 1931. À partir de 1936, ces deux courants posent publiquement la question nationale. Le Front populaire réagit en interdisant l'Etoile, puis son successeur, le Parti du peuple algérien. Le régime de Vichy substitue à l'idéal républicain d'assimilation son antisémitisme et un paternalisme autoritaire qu'il croit pouvoir faire accepter à la population en rabaissant le statut des juifs par rapport à celui des musulmans. Mais, après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, les anciens élus réunis par Ferhat Abbas adoptent la revendication d'indépendance dans un Manifeste du peuple algérien (février 1943). Le Comité français de libération nationale, présidé par le général de Gaulle, rejette le Manifeste et relance la politique d'assimilation par un ensemble de réformes politiques et sociales tendant à réaliser rapidement l'égalité de droit et de fait entre tous les habitants de l'Algérie. L'ordonnance du 7 mars 1944 consacre le principe de la citoyenneté française dans le statut musulman, met en œuvre le projet Blum-Viollette en faveur de 65 000 membres de l'élite, admet tous les autres musulmans dans un second collège pour élire 40 % des membres des assemblées locales. Ces réformes, et les mesures économiques et sociales qui les accompagnent, ne suffisent cependant pas à prévenir la révolte nationaliste qui éclate à Sétif et à Guelma le 8 mai 1945, et qui sera impitoyablement réprimée. De même, les débats aux deux Assemblées constituantes et le statut de l'Algérie voté le 20 septembre 1947 n'ajoutent guère aux réformes de 1944 ; le plan visant au progrès économique et social ne réussit pas à marginaliser les nationalistes, qui préparent l'insurrection du 1er novembre 1954.

Algérie (guerre d').

Du 1er novembre 1954 au 1er juillet 1962, la guerre d'Algérie a tenu la France en échec.

Les « événements », d'abord perçus comme des actes de banditisme commandités par l'étranger, sont devenus une véritable guérilla opposant le principal mouvement nationaliste algérien, le Front de libération nationale (FLN), à la France, bien que celle-ci n'ait jamais voulu reconnaître l'état de guerre. Ce conflit franco-algérien a induit d'autres affrontements à l'intérieur de la société algérienne, comme entre Français. Il a provoqué la chute de la IVe République et son remplacement par la Ve, ainsi que la révision déchirante de la politique algérienne et de la politique coloniale de la France. L'importance de ses conséquences en fait l'une des trois grandes guerres françaises du XXe siècle.

Causes et buts de la guerre

La guerre d'Algérie a été déclenchée, dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, par une organisation jusqu'alors inconnue, le Front de libération nationale (FLN), et sa branche militaire, l'Armée de libération nationale (ALN), qui regroupait quelques centaines d'hommes, principalement dans les Aurès et en Kabylie. Mais ses origines sont plus anciennes.

Sans remonter jusqu'aux résistances acharnées à la conquête française (ininterrompues de 1830 à 1857), et aux nombreuses révoltes qui l'ont suivie (la dernière, contre la conscription dans le Sud constantinois en 1916-1917), on trouve dès 1933 les premiers appels de l'Étoile nord-africaine dirigée par Messali Hadj invitant les Algériens à l'insoumission et à la révolte contre l'impérialisme français en cas de nouvelle guerre européenne. De 1938 à 1954, une fraction du Parti du peuple algérien (PPA, qui succède à l'Étoile) a poursuivi la préparation d'une insurrection, encouragée par l'affaiblissement de la puissance française durant la Seconde Guerre mondiale. Le 8 mai 1945, les manifestations nationalistes de Sétif et de Guelma ont déclenché des révoltes, réprimées avec dureté ; un ordre d'insurrection générale a été lancé pour le 23 mai, puis annulé au dernier moment. De 1947 à 1950, le PPA, légalisé sous le nom de Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), s'est doté d'une Organisation spéciale (OS), paramilitaire et secrète. Démantelée par la police et dissoute par la direction du parti nationaliste, elle se reconstitue en 1954, quand celui-ci se divise en deux tendances : les messalistes, fidèles au père fondateur Messali Hadj, et les centralistes, partisans de la majorité du comité central. En octobre 1954, la troisième force « activiste », composée de jeunes éléments radicaux, fixe la date du passage à l'action armée.