Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
N

nourrice (mise en).

L'allaitement des nouveau-nés par une femme requise à cet effet constitue, du Moyen Âge au XIXe siècle, une pratique aussi répandue que contestée.

Difficile à chiffrer avec précision avant le XVIIIe siècle, la mise en nourrice touche d'emblée tous les milieux sociaux, même s'il est avéré qu'elle se développe à partir du début du XVIIe siècle, se pratiquant en priorité dans les centres urbains. Ainsi, à Paris, en 1780, 1 000 seulement des 21 000 enfants nés dans l'année sont nourris par leur mère ; il s'agit certes d'un cas limite, mais qui montre bien l'ampleur d'une pratique très largement partagée.

La fréquence du recours à la mise en nourrice tient à des raisons socioculturelles. L'aristocratie et la bourgeoisie urbaine entendent préserver le rôle de représentation sociale de la femme, qu'il s'agisse des « œuvres de miséricorde » du Moyen Âge ou des mondanités de l'âge classique. En outre, aux contrariétés de l'allaitement s'ajoutent son caractère inesthétique - puisqu'il passe pour gâter la beauté des seins - et les lourdeurs d'un tabou selon lequel les relations sexuelles sont proscrites au cours de cette période. Dans les milieux populaires, notamment ouvriers, c'est la nécessité du travail féminin qui pousse les couples à remettre leurs progénitures à des nourrices. De plus, à l'époque moderne, la précarité qui règne dans les campagnes oblige nombre de femmes à louer leurs services de nourrice à très bas prix pour s'assurer un complément de revenu : la demande augmente dès lors à proportion de l'offre.

Pour être courante, la mise en nourrice n'en est pas moins sévèrement critiquée par les médecins et par les moralistes, qui dénoncent les dangers sanitaires et l'aspect mercenaire d'une telle pratique. À défaut de pouvoir l'empêcher, ils insistent sur les précautions à prendre dans le choix de la nourrice : aux critères médicaux (hygiène physique) se mêlent des critères qui relèvent davantage de la symbolique sociale (l'haleine, la taille des seins ou la couleur des cheveux, les rousses étant censées avoir un lait aigre). Ces condamnations et ces recommandations, de plus en plus fréquentes à partir du XVIIIe siècle, sont indissociables de la triste réalité de l'allaitement nourricier : il entraîne en effet une importante surmortalité infantile, due en partie aux aléas du transport des enfants, conduits loin de chez eux par des meneurs qui s'en occupent mal, et aux négligences des nourrices elles-mêmes, pour qui les enfants sont d'abord des sources de revenu. De plus en plus controversée, la mise en nourrice tend à disparaître dans les dernières décennies du XIXe siècle.

Nouvelle-Calédonie,

ancienne colonie française (1853-1946), territoire d'outre-mer depuis 1946.

Les origines de la colonie.

• C'est en 1842 que des religieux maristes fondent, sur l'île découverte par Cook en 1774, un premier établissement missionnaire. Il est évacué en 1847, par crainte de tensions avec la Grande-Bretagne. Mais, à la suite d'un massacre de marins français en 1850, une nouvelle intervention française est décidée, alors que les marins anglais montrent un intérêt accru pour l'île. Les missionnaires reviennent en 1851 et, le 24 septembre 1853, l'amiral Febvrier-Despointes prend possession de la Nouvelle-Calédonie.

Des colons débarquent presque aussitôt ; une capitale est construite sur le site de Nouméa. En 1860, la Nouvelle-Calédonie est érigée en colonie indépendante de Tahiti puis, en 1864, lui sont annexées les trois îles Loyauté. Le premier gouverneur, le saint-simonien Guillain, décide d'en faire une colonie pénitentiaire, où les forçats arrivent à partir de 1864, qui vont contribuer au peuplement européen. De 1871 à 1880, l'île accueille également 3 859 déportés de la Commune, parmi lesquels Henri Rochefort et Louise Michel.

Les relations avec les Kanaks (ou Canaques) sont tendues. La confiscation des terres et les destructions dues aux troupeaux entraînent la grande révolte de 1878. En outre, la population mélanésienne subit un effondrement démographique, qui ne sera enrayé qu'à partir de 1920. De 1894 à 1903, le gouverneur Feillet, qui ferme le bagne en 1896, encourage la petite colonisation agricole. Son œuvre sera poursuivie par le gouverneur Guyon, de 1925 à 1931, mais la grande ressource de la colonie vient de l'exploitation des richesses minérales, qui la place un temps au premier rang mondial pour la production de nickel.

En septembre 1940, la colonie se rallie à la France libre. À partir de 1942, elle devient une importante base d'appui pour les forces américaines engagées dans la guerre du Pacifique ; leur présence (plus de 50 000 hommes) entraîne une profonde mutation dans les mentalités et un métissage considérable.

Le statut de territoire d'outre-mer (TOM).

• En octobre 1946, la Nouvelle-Calédonie accède au statut de territoire d'outre-mer et dispose désormais d'une représentation parlementaire. Les Mélanésiens sont électeurs mais selon un suffrage capacitaire très restrictif (1 444 électeurs en 1946). La loi-cadre de 1956 établit le suffrage universel et dote le territoire d'un exécutif. L'Union calédonienne, un parti de tendance autonomiste, domine alors la vie politique.

Les tensions (1979-1988).

• Après la dissolution de l'assemblée territoriale en mai 1979, année qui marque aussi le début d'une crise économique liée à la diminution de la demande de nickel, le territoire entre dans une ère de violences, qui opposent loyalistes du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), du député Jacques Lafleur, et indépendantistes du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS), fondé par Jean-Marie Tjibaou. Embuscades et affrontements font de nombreuses victimes : 18 membres des forces de l'ordre sont tués en 1982-1983. En décembre 1984, 11 militants du FLNKS sont tués à Hienghène. Peu après, Edgard Pisani, délégué du gouvernement, élabore un projet d'« indépendance-association » assez complexe (double nationalité, régime spécial pour Nouméa), qui ne satisfait personne. Un référendum d'autodétermination organisé en septembre 1987 donne 98 % pour le maintien de la souveraineté française, mais ce pourcentage élevé s'explique par l'abstention massive des Mélanésiens. Des prises d'otages se multiplient. En mai 1988, l'assaut de la grotte de Gossanah, dans l'île d'Ouvéa, où 27 gendarmes sont retenus en otage, se solde par la mort de 19 indépendantistes et de 4 gendarmes.