Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Philippe IV le Bel (suite)

Non content de se livrer à des mutations monétaires à peine subreptices, Philippe le Bel a souvent réglé par la force ses problèmes financiers : c'est ainsi qu'ont été spoliés les banquiers lombards, et les juifs en 1306. Dans cette perspective, l'affaire des Templiers acquiert un relief particulier. Les Templiers, qui ont acquis depuis le XIIe siècle des richesses immenses, au point de s'éloigner considérablement de l'esprit originel de l'ordre, sont devenus de véritables banquiers au service des rois de France. Bien que Philippe le Bel n'ait d'abord aucun motif d'animosité contre l'ordre, qui a pris son parti lors du conflit avec Boniface VIII, de telles richesses - d'autant plus excessives que les Templiers n'affrontent plus guère les Turcs en Terre sainte - attisent sa convoitise. Dans le plus grand secret, le procès de l'ordre et la confiscation de ses biens sont décidés par le Conseil du roi. Le 13 octobre 1307, les membres de l'ordre, à commencer par Jacques de Molay, son grand maître, sont arrêtés et inculpés d'hérésie. L'instruction de l'affaire donne lieu à une querelle entre le pape et le roi ; pour faire approuver son action, ce dernier convoque à Tours, en mai 1308, une assemblée de notables - souvent qualifiée, abusivement, d'états généraux. Le très long procès qui s'engage alors contre les Templiers est teinté d'une évidente partialité. Il débouche sur la suppression de l'ordre par une bulle pontificale du 3 avril 1312. Jacques de Molay est d'abord condamné à la prison perpétuelle, puis brûlé vif en 1314, après rétractation de ses aveux arrachés sous la torture. L'affaire offrirait un nouveau témoignage, s'il en était besoin, de l'influence qu'exerce le roi de France sur le pape : bien que Clément V n'ait vraisemblablement pas partagé l'acharnement de Philippe le Bel et se soit montré plein de scrupules durant le procès, il s'est soumis au souverain, auquel il doit son élection. Aux termes du jugement, l'immense fortune des Templiers est confiée en garde à l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Mais la couronne de France en prélève au passage une part considérable, et les commissaires du roi annulent toutes les dettes du Trésor envers les Templiers. L'opération, au total, s'est révélée fort profitable pour les caisses de l'État.

Une figure déconcertante

Au moment où le roi s'éteint, le 29 novembre 1314, après avoir été frappé d'une attaque lors d'un accident de chasse, le climat général du royaume s'est considérablement assombri. La disette, les troubles monétaires et le poids insupportable de la fiscalité royale cristallisent la colère populaire ; des émeutes antifiscales ont d'ailleurs lieu au cours des années 1313-1314, tandis que les récriminations des grands féodaux s'accumulent et aboutissent à l'organisation d'une menaçante confédération. Dans la dernière année du règne, dit Michelet, surgit « une demande de démembrement », une « réclamation du chaos ». À quoi s'ajoute un scandale domestique, dénoué d'une manière sanglante qui frappe tous les esprits : deux gentilshommes accusés d'être les amants des belles-filles du roi, Marguerite, femme de Louis le Hutin, et Blanche, femme de Charles le Bel, sont pendus après avoir été soumis à d'atroces tortures, tandis que les deux princesses sont emprisonnées. Cette accumulation d'événements familiaux et sociaux donne une coloration dramatique à la fin du règne. Les chroniqueurs rapportent que l'impopularité du roi était devenue telle, à sa mort, qu'on eut beaucoup de peine à faire chanter dans les églises pour le salut de son âme.

Philippe le Bel reste, au fond, une figure quelque peu déconcertante et énigmatique. « Ni un homme ni une bête, une statue », dit l'un de ses contemporains dans une formule demeurée célèbre. Les détracteurs n'ont pas manqué, à commencer par Dante, qui, dans la Divine Comédie, stigmatise ce « nouveau Pilate » capable de bafouer « les plus saints décrets ». S'il n'est guère possible ni fécond de sonder la psychologie du souverain, nous pouvons aujourd'hui, grâce aux nombreux travaux des historiens, prendre une mesure plus objective de ce règne et l'inscrire à sa juste place dans l'histoire de la royauté : entaché de pratiques douteuses ou arbitraires, il n'en constitue pas moins un moment essentiel dans le processus d'affirmation - encore fragile - de l'État moderne.

Philippe V le Long,

roi de France de 1317 à 1322 (1294 - Longchamp 1322).

Deuxième fils de Philippe le Bel et de Jeanne de Navarre, il est fait comte de Poitiers par son père en 1311. Il épouse Jeanne de Bourgogne, qu'il tiendra à l'écart pour s'être compromise dans l'affaire des « brus du roi » comme complice d'adultère en 1314, mais reconnaît qu'elle est restée « innocente et pure » et la reprend peu après. Lorsque le fils aîné de Philippe le Bel, le roi Louis X, meurt en laissant pour seul héritier l'enfant dont sa femme, Clémence, est enceinte, Philippe de Poitiers se déclare immédiatement régent, sans rencontrer d'opposition dans son entourage. La reine Clémence de Hongrie accouche d'un fils, Jean Ier, qui ne vit que quelques jours. Le comte de Poitiers se fait alors reconnaître comme le plus proche héritier de la couronne et reçoit le sacre à Reims dès le mois de janvier 1317, prenant le titre de roi de France et de Navarre, au mépris des droits de la fille de Louis X sur la Navarre. Comme ce dernier, Philippe V doit compter avec la réaction baronniale de 1314-1315 et en contrôler les soubresauts. Pour poursuivre l'œuvre de centralisation des institutions amorcée par Philippe Le Bel, il lui faut composer avec des assemblées provinciales et négocier sans cesse des subsides extraordinaires, d'autant que la crise économique du début du XIVe siècle raréfie les ressources. Lorsqu'il meurt, de dysenterie, au début de janvier 1322, sans héritier mâle, son frère Charles lui succède sans difficulté.

Philippe VI de Valois,

roi de France de 1328 à 1350 et premier souverain de la dynastie des Valois (1293 - Nogent-le-Roi 1350).

Fils de Charles de Valois (frère de Philippe IV le Bel) et de Marguerite de Naples, Philippe VI est donc le petit-fils en ligne masculine de Philippe III le Hardi. À la mort de Charles IV le Bel (31 janvier 1328), dernier représentant des Capétiens directs, il est le plus proche héritier du royaume, mais la reine Jeanne d'Évreux est enceinte. Comme son cousin Philippe V en 1316, Philippe, comte de Valois, obtient la régence. Jeanne d'Évreux ayant accouché d'une fille, Philippe de Valois se fait reconnaître comme roi par les grands du royaume, puis est sacré le 29 mai. Après quelques concessions à ses pairs, Philippe de Valois a été choisi parce qu'il est à la fois aîné des mâles de sang royal et « natif du royaume » : Philippe III d'Évreux (1301-1343), lui aussi petit-fils de Philippe III le Hardi et époux de la fille de Louis X, et Édouard III d'Angleterre, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France, n'ont donc pas été considérés comme des héritiers.