Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
V

Vercingétorix, (suite)

Le seul jugement qui paraisse possible sur Vercingétorix porte donc sur ses qualités militaires, jugement qui ne peut être que nuancé. Le chef gaulois innove en effet par sa tactique, fructueuse, de terre brûlée et de guérilla. Mais il s'en écarte aussi, en épargnant Avaricum puis en affrontant César près d'Alésia. Cette dernière et fatale erreur paraît si considérable que certains historiens, tel Jacques Harmand, ont supposé que Vercingétorix jouait en fait double jeu ! D'autres, comme Michel Rambaud, ont considéré que César avait fortement amplifié les événements de l'année 52 et exagéré l'importance du personnage de Vercingétorix.

Seule demeure, en fin de compte, une certitude minimale, c'est que Vercingétorix a bien existé : son nom figure sur une trentaine de monnaies arvernes, pour la plupart en or, les deux seules en bronze provenant d'Alésia même. Il n'est cependant pas sûr que la tête représentée sur ces monnaies soit un fidèle portrait du chef gaulois, car l'exécution en est très conventionnelle, et diffère en outre selon les monnaies. Il s'agit néanmoins d'un cas indéniable de convergence entre des sources écrites et des données archéologiques.

Au-delà de ces éléments, l'interprétation du personnage de Vercingétorix relève de l'idéologie. Longtemps ignoré et considéré comme un barbare vaincu, il sort de l'ombre avec l'avènement des nationalismes au XIXe siècle. Napoléon III, qui tente d'asseoir son pouvoir sur un nationalisme populaire, fait fouiller Alésia, consacre un livre à César, et commande à Millet une statue de Vercingétorix, dont le socle porte l'inscription suivante : « La Gaule unie, ne formant qu'une seule nation, animée d'un même esprit, peut défier l'univers. Napoléon III » ! Mais la défaite de 1870 relance les enjeux. La IIIe République, à la différence de bien des régimes, n'a pas été fondée par une victoire mais par une défaite, celle qui a provoqué la chute du Second Empire. Pour forger l'imaginaire national au travers de l'école publique, le recours à des héros vaincus, tels Jeanne d'Arc et Vercingétorix (c'était le cas de Napoléon Ier lui-même), s'impose, et les ouvrages de l'historien Camille Jullian en témoigneront avec talent. Dans des circonstances autres, le maréchal Pétain organisera en 1942 une vaste cérémonie au pied du monument de Gergovie ; et le général de Gaulle évoquera un peu plus tard ce « vieux Gaulois acharné à défendre le sol et le génie de notre race ». Pourtant, quelles qu'aient été les qualités militaires du généralissime improvisé, l'idée d'une « nation » gauloise est, en 52 avant J.-C., un anachronisme radical. César n'a cessé d'affronter des coalitions diverses et de circonstance, qui pouvaient même comprendre des Germains, lui-même utilisant toujours des auxiliaires gaulois. Si nous ignorerons à jamais les motivations profondes de Vercingétorix, la seule importance historique de son action éphémère est qu'il ait été vaincu, faisant ainsi passer les cités gauloises dans la sphère du monde romain, et de la protohistoire dans l'histoire.

Vercors (maquis du),

maquis formé au début de 1943 sur le plateau du Vercors.

Selon ses promoteurs, tel Yves Farge, il devait être l'instrument du harcèlement des troupes allemandes présentes dans la vallée du Rhône. Cette mission est amplifiée, au début de 1944, par le Comité français de libération nationale (CFLN) : dans le cadre du plan « Caïman » (mai 1944), prolongation du plan « Montagnard », Jacques Soustelle imagine de constituer, dans les massifs montagneux, des « réduits » qui renforceraient l'autorité du CFLN. Le maquis du Vercors est alors chargé d'ouvrir l'axe Sisteron-Grenoble.

Sur place, la mobilisation est décrétée le 9 juin. Le commandant Huet dispose d'environ 4 000 hommes, dépourvus d'armements lourds. Les Allemands, qui ont massé près de 10 000 hommes autour du plateau, soutenus par des blindés et des avions, commencent l'assaut le 21 juillet. Le maquis est vite décimé et les troupes allemandes se livrent à d'atroces représailles, à l'encontre tant desFFI (650 morts ; les prisonniers et les blessés sont achevés) que des civils (200 morts).

Le drame du Vercors a alimenté de vives polémiques entre Soustelle et le communiste Grenier, commissaire à l'Air du CFLN. Le soutien aérien, longtemps promis, s'est réduit à peu de chose. En outre, l'attitude des Alliés s'est révélée ambiguë : Eisenhower, qui a décrété l'insurrection générale le 6 juin, n'envisage pas de dégarnir ses forces aériennes en Normandie ; quant au débarquement de Provence (15 août), il n'a pas encore eu lieu et ses plans initiaux ne prévoient la prise de Grenoble qu'au jour « J + 90 ». Cette somme de dysfonctionnements, déjà observée au mont Mouchet (Haute-Loire) en juin 1944, illustre l'échec de la constitution des « réduits libérés ».

Verdun (bataille de)

Entre le 21 février et le mois de décembre 1916, l'offensive allemande contre Verdun donne lieu à une bataille qui prend rang parmi les plus terribles du siècle, tant par les souffrances des combattants que par le nombre de morts et de blessés.

Un coup de force audacieux.

• À considérer globalement la Grande Guerre, il est clair que l'état-major allemand a fait un certain nombre de paris qu'il a successivement perdus. En 1914, il a d'abord misé sur une manœuvre d'avance rapide, qui est stoppée par une contre-offensive sur la Marne. Ensuite, il s'est efforcé de transformer la guerre de positions en guerre de mouvement, de manière à reprendre l'offensive et l'emporter : « Verdun doit servir à saigner à blanc l'armée française », écrit le général von Falkenhayn, chef de l'état-major allemand de 1914 à 1916, dans un mémoire censé être daté de Noël 1915. Mais ce texte a probablement été rédigé a posteriori, en 1919, pour excuser ou rationaliser l'échec de l'offensive de Verdun et transformer celle-ci en victoire tactique. Il semble que le but du général, en choisissant cette cible, était de remporter une victoire définitive. Cependant, devant les difficultés rencontrées, il doit redéfinir ses objectifs. En lançant une formidable attaque générale, il s'agit d'amener les Français à jeter toutes leurs réserves dans la bataille. Optimiste, Falkenhayn estime que ses troupes perdront trois fois moins d'hommes que l'adversaire. En fait, les pertes seront presque aussi terribles dans les deux camps : 143 000 morts et 187 000 blessés, côté allemand ; 163 000 morts et 216 000 blessés, côté français (chiffres considérables, mais qui ont pourtant été fortement exagérés par la suite, tant le sentiment d'horreur était fort). De plus, à partir de juillet 1916, les Allemands sont réduits à la défensive et, six mois plus tard, refoulés sur leurs premières positions, les Français étant finalement vainqueurs.