Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
J

Jeanne d'Albret,

vicomtesse de Béarn, reine de Navarre de 1555 à 1572 (Pau 1528 - Paris 1572).

Fille de Henri d'Albret, roi de Navarre, et de Marguerite d'Angoulême - sœur de François Ier -, Jeanne d'Albret cherche durant son règne à occuper une place importante dans le royaume de France et à allier son sang à celui de la dynastie royale. Ainsi, après un premier mariage avec le duc de Clèves, dont elle obtient l'annulation, elle épouse en 1548 Antoine de Bourbon héritier du trône de France après les fils de Henri II. De cette union naîtra le futur Henri IV.

En 1560, elle se convertit au protestantisme et, en 1567, fait du Béarn un État protestant dont les catholiques sont exclus. Jeanne apparaît dès lors, avec Condé et Coligny, comme une des grandes figures du parti protestant. Pour contrecarrer son ascension, Charles IX confisque pour félonie les terres que Jeanne possède dans le royaume de France. Commence alors la troisième guerre de Religion entre les catholiques et les protestants de tout le Sud-Ouest, jusqu'à La Rochelle. Malgré deux grandes victoires catholiques (Jarnac et Moncontour), Charles IX, acculé, est obligé de signer la paix de Saint-Germain (1570), dont une clause prévoit le mariage de Henri de Navarre avec Marguerite de Valois, sœur du roi. Cette union fait de Henri un des héritiers du trône de France et assure - en théorie - une paix durable.

Jeanne d'Arc

Héroïne nationale et sainte, Jeanne d'Arc jouit d'un double prestige dans la mémoire collective.

L'imagerie populaire, les passions partisanes, l'art et la littérature témoignent de son rayonnement, sous des formes multiples et souvent contradictoires. La fascination qu'elle exerce est à la mesure de son intervention historique : dans un royaume où guerres intestines et menées étrangères embrouillent l'écheveau politique, elle impose à tous l'évidence de sa mission, et rallie autour de son nom, en quelques semaines, des énergies nationales désorientées. Les deux phases nettement distinctes de sa vie publique - celle des combats et celle des procès - sont aujourd'hui bien connues : l'accès aux sources documentaires a permis de distinguer la réalité de l'affabulation. Mais la légende protéiforme tissée au fil des siècles ne fait-elle pas, désormais, partie intégrante de l'histoire de Jeanne d'Arc ?

Un royaume en déroute

À la naissance de Jeanne d'Arc, vraisemblablement en 1412, le royaume de France connaît une situation de déchirement qui menace son intégrité. Deux clans princiers, les Armagnacs et les Bourguignons, se disputent depuis le début du siècle un pouvoir dont le roi dément, Charles VI, n'est plus que le détenteur illusoire. Rapidement, la lutte entre factions dégénère en guerre civile. À la faveur de ces divisions, le roi d'Angleterre Henri V rallume le conflit franco-anglais, et prend pied en Normandie : l'écrasante victoire d'Azincourt (1415) et l'appui décisif du parti bourguignon ouvrent les portes de Paris à son armée . La signature du traité de Troyes, en 1420, lui permet d'épouser une fille de Charles VI et d'assurer à sa lignée l'accession au trône de France. Deux ans plus tard, la mort de Charles VI et d'Henri V provoque l'écartèlement du royaume entre deux pouvoirs. D'un côté, le jeune Henri VI, encore enfant, est proclamé roi de France et d'Angleterre ; de l'autre, le dauphin Charles refuse de se laisser déposséder et s'affirme seul monarque légitime. Cette division se reflète à travers celle du territoire : tandis que le duc de Bedford, oncle d'Henri VI, prend le titre de régent de France et occupe la Normandie, le Nord et Paris, Charles VII, fort de la fidélité du Centre et du Midi, se réfugie au sud de la Loire, et réside alternativement à Bourges, Chinon et Loches.

Domrémy, le village lorrain de Jeanne, illustre, par sa position frontalière, la complexité de la situation politique et militaire. Situé en territoire anglo-bourguignon, dans la châtellenie de Vaucouleurs, il compte parmi les quelques enclaves restées fidèles au roi Charles. La puissante place forte de Vaucouleurs, commandée par le capitaine Robert de Baudricourt, résiste opiniâtrement à l'ennemi. En 1428, les troupes anglo-bourguignonnes tentent vainement de réduire cette poche de résistance ; en échange de la levée du siège, Baudricourt s'engage à n'entreprendre aucune action guerrière.

C'est dans un tel contexte que Jeanne, probablement dès l'année 1425, commence à entendre les « voix » de sainte Marguerite, de sainte Catherine et de saint Michel, qui lui enjoignent de se rendre « en France ». Elle promet à Dieu de garder sa virginité, en signe de consécration, et se fera ensuite appeler « Jeanne la Pucelle ». En 1428, elle se rend auprès de Baudricourt, qui la croit folle et la renvoie sans ménagement. La troisième tentative, l'année suivante, parviendra à ébranler l'incrédulité du capitaine, qui accepte de lui fournir une escorte armée jusqu'à Chinon, où réside alors Charles VII. Habillée en homme, Jeanne quitte Vaucouleurs avec six compagnons, le 13 février 1429.

La route des victoires

L'audience que lui accorde le roi, le 25 février, est la première mise à l'épreuve publique de sa vocation. Sans se laisser intimider par l'apparat de la cour, la jeune fille reconnaît Charles parmi son entourage, et elle lui fait part de son double mandat : lever le siège mis devant Orléans ; conduire le roi à Reims pour le faire sacrer. « Très noble seigneur Dauphin, lui dit-elle, je suis venue et envoyée de par Dieu pour porter secours à vous et au royaume. » Au cours de l'entretien secret qui suit, elle le convainc de sa mission par un « signe » qui lève en lui toute réticence, et dont elle refusera toujours de révéler la nature. « Après l'avoir entendue, le roi paraissait radieux », déclarera, lors du procès de réhabilitation, l'un des principaux témoins de la scène. Fortement impressionné, Charles VII ne tient pas moins à s'entourer de précautions et de garanties. Trois semaines durant, Jeanne est soumise à l'interrogatoire des théologiens de l'université de Poitiers. Cette procédure, destinée à lever tout soupçon d'hérésie ou de sorcellerie, se double d'une discrète enquête de moralité et d'un examen de virginité. Aucune de ces épreuves ne parvient à prendre Jeanne en défaut. Les docteurs chargés de l'interroger conclurent « qu'il n'y avait en elle rien de mal, rien de contraire à la foi catholique, et [...] que le roi pouvait s'aider d'elle ». Marquée d'un double sceau moral et théologique, elle est habilitée à entrer sur le théâtre des opérations militaires.