Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
A

Années folles, (suite)

Cette « course à la modernité » s'inscrit toutefois au-delà du cadre des mondanités parisiennes : les vêtements féminins plus simples et plus pratiques se démocratisent ; les supports culturels à forte diffusion se multiplient, tels la radio - alors à ses débuts -, le phonographe, ou encore l'affiche publicitaire qui, avec Carlu, Cassandre ou Colin, recycle à sa manière les apports du cubisme ou de l'expressionnisme, et les intègre bientôt au paysage urbain. Ces médias en voie de diversification participent de cette nouvelle forme de civilisation à laquelle public et créateurs ont l'impression d'appartenir : une civilisation de la technique, de la vitesse, du voyage, où, des futuristes à Blaise Cendrars, l'on se plaît à célébrer l'ivresse de la voiture, la poésie du train ou des transatlantiques. Laboratoire des techniques, les Années folles, marquées à leur début par l'explosion dadaïste puis surréaliste, explorent également toutes les potentialités d'un art nourri par le nihilisme hérité d'une guerre absurde, par les recherches sur l'inconscient mises en pratique dans l'écriture automatique et par un inébranlable anticonformisme qui va irriguer tous les domaines de la création, notamment le cinéma : encore muet, ce « septième art » est animé par une nouvelle génération de metteurs en scène - Louis Delluc, Germaine Dulac, Abel Gance, Marcel L'Herbier, René Clair, Luis Buñuel -, tous soucieux de créer une esthétique vouée au culte des images.

L'envers du décor.

• Pourtant, l'envers de cette effervescence se lit dans le repli notable, issu tout droit de la guerre, sur les valeurs nationales et le rejet du « kubisme » et de la « kultur », comme l'atteste la pratique picturale. À Paris, Derain, Léger ou Picasso retournent à une facture plus traditionnelle, et le réalisme redevient l'horizon théorique des peintres. L'architecture, malgré le dynamisme d'un Le Corbusier, accuse le trait : le retour au passé se manifeste dans la vague de reconstruction de l'entre-deux-guerres, comme si la Grande Guerre n'avait été qu'une parenthèse.

Entre invention et réaction, les Années folles gravent le mythe de recréation d'un monde et d'un homme enfin émancipés de la folie meurtrière. En 1933, alors que Hitler arrive au pouvoir et que la crise économique prend des proportions mondiales, ce mythe a fait long feu.

Anselme de Cantorbéry,

ecclésiastique et philosophe d'origine italienne (Aoste 1033 - Cantorbéry 1109).

Issu d'une famille de châtelains, il entre en 1059, après trois années d'errance, à l'abbaye bénédictine du Bec, en Normandie, attiré par la renommée du célèbre Lanfranc. Il lui succède comme prieur et écolâtre (1063), puis devient abbé du Bec (1078) et, enfin, archevêque de Cantorbéry (1093). Prélat réformateur, partisan de la primauté romaine, il entre en conflit avec le roi d'Angleterre (Guillaume II le Roux, puis Henri Ier Beauclerc) en défendant les prérogatives de l'Église face aux pouvoirs laïcs. Entre 1097 et 1107, il est contraint par deux fois de s'exiler en Italie. Premier et prestigieux représentant de la renaissance du XIIe siècle, Anselme est l'auteur de traités philosophiques - dans la querelle des Universaux, il fait partie des réalistes, qui s'opposent aux nominalistes -  et théologiques. Imprégné de la pensée de saint Augustin et de Grégoire le Grand, il refuse de soumettre la foi à la dialectique : on ne comprend pas afin de croire, mais on doit croire afin de comprendre (Fides quaerens intellectum). Ses traités les plus connus ont été écrits au Bec : le Monologion, le Proslogion, le De casu diaboli (où il réduit le mal au néant). Il est célèbre par son « argument ontologique » (Proslogion) : pouvoir penser Dieu tel que rien de plus grand ne peut être pensé implique nécessairement son existence réelle. Au temps de son épiscopat, il traite, dans le Cur Deus homo, de la nécessité de l'incarnation.

anticléricalisme,

refus, en tout domaine (législatif et juridique, politique, social et économique, culturel, éducatif et moral) et en toute circonstance (cérémonies, rapports sociaux, vie quotidienne, actes majeurs de l'existence humaine : naissance, mariage, mort), de toute espèce de subordination à l'autorité religieuse et de toute forme d'envahissement de la sphère collective ou individuelle par le clergé et la religion qu'il professe. Le mot (comme son antithèse, « cléricalisme ») apparaît dans le lexique politique des années 1860.

Historiquement, l'anticléricalisme désigne, en France, les systèmes de pensée, les opinions, les comportements et les actes hostiles à l'Église catholique (ainsi que, mais plus rarement, aux autres confessions religieuses) qui ont conduit à l'affirmation du principe de laïcité et à la loi de séparation des Églises et de l'État (1905). Ses partisans entendent par la suite prolonger l'esprit de cette lutte et en maintenir les principes et les acquis.

L'anticléricalisme n'est certes pas apparu au XIXe siècle. Les satires médiévales contre les moines, les luttes de la monarchie contre le Saint-Siège, l'humanisme savant et le libertinage érudit, Voltaire (Écrasons l'infâme !), les Encyclopédistes et les Philosophes (Diderot, d'Holbach, La Mettrie, Condorcet) constituent son arrière-plan culturel et lui offrent ses principaux arguments. La déchristianisation révolutionnaire de l'an II, qui entraîne la fermeture des lieux de culte, la persécution du clergé et des fidèles et l'apparition de rituels civils représentent une rupture décisive.

Le grand siècle.

• Au cours du XIXe siècle, l'anticléricalisme s'affirme à travers plusieurs étapes. Les anticléricaux de la Restauration (Béranger, Paul-Louis Courier, Montlosier, Stendhal) combattent avec vigueur l'alliance du trône et de l'autel, la Congrégation, les jésuites et les missions, la loi sur le sacrilège et le sacre de Charles X à Reims (1825). Aussi, avec l'abolition de toute notion de religion d'État, 1830 marque-t-il un tournant majeur.

Dans les années 1840, la lutte anticléricale s'étend à l'enseignement (Villemain et la défense du monopole universitaire ; Des jésuites, de Michelet et Quinet, 1843) et à la morale (Du prêtre, de la femme et de la famille, de Michelet, 1845). La révolution de 1848 n'est pas anticléricale, mais le ralliement du clergé au parti de l'Ordre puis au coup d'État de 1851 relance la lutte (discours de Victor Hugo contre l'expédition de Rome et la loi Falloux, 1850). Les années 1860, qui voient Napoléon III se détacher de l'Église pour soutenir la cause de l'Italie, marquent une nouvelle rupture.