Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Cartel des gauches,

alliance entre les radicaux et les socialistes, qui remporte les élections législatives de mai 1924.

Ces dernières sont dominées par l'affrontement entre les candidats du Bloc national, regroupant les modérés et la droite, et le Cartel des gauches. Les deux camps manquent d'unité, mais le Cartel fait preuve d'une cohésion plus forte, bien qu'il ne dispose pas de programme commun. L'enthousiasme de l'opinion de gauche, la propagande de journaux tels que le Quotidien, une participation massive, assurent au Cartel (la coalition fonctionne bien dans les trois quarts des circonscriptions) la victoire aux élections législatives. Victoire cependant fragile, car si le Cartel obtient la majorité des sièges grâce au mode de scrutin (socialistes et radicaux retrouvent à peu près leurs positions de 1914), la droite est majoritaire en voix.

La crise présidentielle de 1924 permet d'obtenir la démission d'Alexandre Millerand, qui, aux yeux de la gauche, avait outrepassé ses fonctions en préconisant un renforcement de l'exécutif et en exprimant son soutien au Bloc national sortant. Gaston Doumergue est élu président de la République, et Édouard Herriot devient président du Conseil, le 15 juin 1924.

Une politique de gauche

• . En politique étrangère, le gouvernement cherche l'apaisement dans la question des « réparations » en acceptant un aménagement de leur montant. Il reconnaît l'État soviétique, le 28 octobre 1924, et fait prévaloir ses vues dans le rapprochement franco-allemand (conférence de Locarno, 5-16 octobre 1925). Mais cette stratégie de détente, partagée entre idéalisme et réalisme, se heurte aux premiers craquements des empires coloniaux, qui, en revanche, suscitent l'adoption d'une politique répressive semblable à celle menée par le Bloc national : lutte au Maroc contre Abd el-Krim, capturé au printemps 1926 et déporté à l'île de la Réunion ; répression des révoltes en Syrie et au Liban par les généraux Weygand et Sarrail.

A l'intérieur, le gouvernement du Cartel prend des mesures symboliques, comme le transfert des cendres de Jean Jaurès au Panthéon (23 novembre 1924), mais il achoppe sur la question de la laïcité, notamment lorsqu'il cherche à instaurer la séparation de l'Église et de l'État en Alsace-Lorraine. Cette politique échoue face à l'opposition violente des milieux catholiques, conduits par le général de Castelnau et sa Fédération nationale catholique, qui compte jusqu'à 1,8 million d'adeptes. Mais c'est sur le front économique que va se jouer l'avenir du Cartel. La crise structurelle des finances publiques et le fléchissement du renouvellement des bons du Trésor font peser la menace d'une crise de trésorerie. Le gouvernement a recours aux avances de la Banque de France. En 1925, rompant une loi du silence qui faisait accepter jusqu'alors les bilans fabriqués et les dépassements exceptionnels, le Conseil des régents de la Banque de France révèle que le Cartel a crevé le plafond légal des avances. Le gouvernement Herriot, qui prétend s'être heurté à un « mur d'argent », est contraint à la démission, le 10 avril 1925.

Le déclin du Cartel

• . La majorité du Cartel investit Paul Painlevé, le 17 avril 1925. L'hostilité d'Édouart Herriot et des plus cartellistes face à sa politique de centre droit impose de nombreux remaniements et, finalement, la chute du ministère. Le gouvernement Briand qui lui succède n'a pas plus de chance. L'exaspération de Doumergue (lequel souhaite démontrer l'impuissance d'une alliance cartelliste) et la chute vertigineuse du franc ramènent Herriot à la présidence du Conseil, pour deux jours (19-21 juillet 1926). En pleine crise financière, Poincaré reprend le pouvoir, cédé au Cartel deux ans plus tôt, et constitue un gouvernement d'union nationale (23 juillet 1926). Ainsi s'achève l'expérience du Cartel des gauches. Dans l'imaginaire politique français, Poincaré le sauveur succède au naufrageur Herriot. L'échec économique du Cartel des gauches - dû à la fois à l'hostilité des milieux financiers, à la vigueur du culte de l'étalon or dans le pays et à l'opposition entre radicaux et socialistes - a longtemps marqué l'image de la gauche, réputée mauvaise gestionnaire.

Cartier (Jacques),

explorateur (Saint-Malo 1491 - id. vers 1557).

Grand notable de Saint-Malo et époux d'une riche héritière bretonne, il est désigné par François Ier pour découvrir un passage par le nord du Nouveau Monde vers la Chine, ainsi que « certaines îles ou pays où l'on dit qu'il se doit trouver grande quantité d'or et autres riches choses ». Cartier part en avril 1534 et effectue une reconnaissance minutieuse de tout le golfe du Saint-Laurent, sans pour autant s'avancer sur le fleuve. De cette expédition, qui prend fin en septembre 1534, il ne ramène, en guise d'or, que quelques Indiens, conformément à la pratique de l'époque. Il repart en 1535, et, guidé par les Indiens, s'engage sur le Saint-Laurent, et remonte jusqu'à Hochelaga, qu'il nomme Mont-Royal (Montréal). Il rentre en France muni des preuves de l'insularité de Terre-Neuve, et chargé de récits de voyages, mais sans or ni richesses. Toutefois, François Ier, qui a besoin de fonds pour financer ses guerres, s'acharne. Pour contourner la bulle d'Alexandre VI Borgia, qui partage l'Amérique entre les Espagnols et les Portugais, il donne aux nouveaux voyages des buts missionnaires et colonisateurs. En 1541, Jacques Cartier repart avec le seigneur de Roberval, lieutenant général, et des colons. Croyant avoir trouvé de l'or et des diamants, il ne rapporte que du mica et de la pyrite. L'embryon de colonie est finalement ravagé par la maladie ou anéanti par les Indiens. Le « découvreur du Canada » se retire dans son manoir de Limoëlou, où il s'éteint.

Cartouche (Louis Dominique Gartauszien, dit),

voleur (Paris 1693 [ ?] - id. 1721).

Issu d'un milieu populaire, il devient, pendant la Régence, l'un des délinquants les plus actifs de la capitale, commettant pour l'essentiel des vols peu élaborés et violents (agression et effraction nocturnes). Sa renommée doit beaucoup au retentissement que les autorités donnèrent à son procès : profondément discrédité par la faillite du système de Law, le pouvoir politique se devait de démentir les rumeurs qui attribuaient la responsabilité d'une vague d'assassinats crapuleux à des agioteurs de haut rang. Pour faire pièce à cette vision polémique de la criminalité, les autorités dévoilent, à l'occasion d'un procès spectaculaire, l'existence d'une puissante organisation clandestine de voleurs recrutant dans les bas-fonds. En état d'arrestation, Cartouche sert ce projet en dénonçant près de 90 personnes, avant d'être exécuté (novembre 1721), déclenchant ainsi une dynamique de la délation. La justice peut alors entreprendre une vaste opération d'éradication de la pègre parisienne qui, de 1721 à 1724, permet d'arrêter plus de 350 délinquants.