Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

Clotaire II, (suite)

La mort de ce dernier, en 595, ouvre une période de luttes de près de vingt ans entre Clotaire II et Brunehaut, qui règne toujours en Austrasie, au nom de ses deux petits-fils, Thierry et Théodebert. Clotaire II et Frédégonde s'emparent d'abord de Paris, puis battent les rois austrasiens à Laffaux (595). Mais ce triomphe est suivi de la mort de Frédégonde, en 597, puis d'une très sanglante défaite de Clotaire II à Dormelles, en 599 ou 600 : son royaume est réduit à une peau de chagrin. Clotaire II profite alors de la guerre entre Thierry et Théodebert, s'alliant tantôt avec l'un, tantôt avec l'autre, contre Brunehaut, qui, de son côté, affronte l'aristocratie austrasienne. En 613, Clotaire II a enfin raison de sa rivale, capturée avec la complicité des grands d'Austrasie et de Bourgogne, puis suppliciée et mise à mort.

Maître de toute la Gaule, il dispose d'un pouvoir limité par les grands, dont les ancêtres des Carolingiens, Pépin Ier de Landen, maire du palais d'Austrasie, et Arnoul, évêque de Metz. En 614, il réunit à Paris une assemblée qui promulgue un ensemble de règles de bonne administration. Cet « édit de Clotaire » est, en fait, une concession à l'aristocratie foncière, et restreint considérablement l'autorité royale. Clotaire II doit aussi ménager les autonomies locales en maintenant trois maires du palais particuliers, en Neustrie, Austrasie et Bourgogne. En 623, l'Austrasie obtient même un roi en la personne du fils de Clotaire, Dagobert Ier, dont Pépin Ier de Landen est le maire du palais à partir de 626.

À la mort de Clotaire II, en 629, Dagobert Ier lui succède, après avoir écarté du pouvoir son frère Caribert. Pour deux générations, l'unité du royaume franc a été rétablie, mais au prix d'importantes concessions à l'aristocratie foncière, et de la montée en puissance des Pippinides, ancêtres des Carolingiens.

Clotilde (sainte),

reine des Francs (vers 475 - Tours 548).

À l'instar de la biographie de Clovis Ier, celle de son épouse Clotilde est mal connue, faute de sources suffisantes. On sait que Clotilde est une princesse burgonde catholique, fille du roi Chilpéric, et nièce du roi Gondebaud. Même si les historiens discutent du crédit à accorder à Grégoire de Tours rapportant le meurtre des parents de Clotilde par Gondebaud, tous conviennent que le mariage de Clovis Ier avec une princesse burgonde, vers 492-493, constitue une réussite. Clotilde a un premier fils, qui meurt rapidement, puis, entre 495 et 499, trois autres, Clodomir, Childebert et Clotaire, ainsi qu'une fille, Clotilde. L'influence de la reine dans la conversion et le baptême de Clovis apparaît essentielle, d'après les sources, et semble confirmée par les connaissances disponibles concernant le rôle des femmes dans les sociétés germaniques païennes. Clotilde figure à l'intersection entre chrétienté et paganisme : reine catholique convertissant son époux, elle semble obéir également aux lois germaniques, s'il est vrai que, par vengeance, elle pousse ses fils à attaquer le royaume burgonde. Retirée à l'abbaye de Saint-Martin de Tours depuis la mort de Clovis, en 511, elle s'emploie, cependant, à maintenir quelque entente entre ses fils. Morte en 548, la tradition et l'historiographie en ont fait une sainte.

Clovis Ier,

roi des Francs de 481 ou 482 à 511 (465 - Paris 511).

L'histoire de Clovis fait encore aujourd'hui l'objet de controverses historiographiques. En effet, le seul récit systématique de son règne est celui de Grégoire de Tours dans le dernier de ses Dix Livres d'histoires, écrit plus de soixante-dix ans après la mort du roi. L'évêque a voulu y exalter, dans un système chronologique guère cohérent, la vie et la conversion du premier roi barbare qui soit devenu chrétien. Seule la confrontation de ce récit avec les autres documents parvenus jusqu'à nous et avec ce que suggère l'archéologie permettra d'esquisser les rares certitudes et les quelques vraisemblances susceptibles d'émerger au milieu d'une multitude d'hypothèses.

Prémices.

• C'est sans doute en 481 ou 482 que Clovis, tout juste arrivé à la maturité, succède à son père Childéric Ier comme roi des Francs Saliens. En quoi consiste alors le pouvoir qui lui échoit ? Clovis est avant tout le roi d'un peuple germanique et païen, dont le souverain apparaît, pour l'essentiel, comme un chef de guerre, gardien des croyances des ancêtres. Il hérite également d'une forme de délégation de l'autorité romaine en Gaule du Nord. En effet, les Francs Saliens, originaires de la basse vallée du Rhin, se sont introduits, depuis près d'un siècle, dans les territoires de l'actuelle Belgique, où Rome leur a sans doute concédé, par un traité de fédération, à la fois des ressources (terres ou revenus fiscaux), des responsabilités en matière de défense et même une compétence administrative concernant les territoires et les populations autochtones. On n'expliquerait pas, sans cela, que Childéric, dont la tombe a été retrouvée à Tournai en 1653, ait été enterré non seulement avec l'apparat dû à un chef barbare mais aussi avec des attributs de commandement militaire romain ; ni que l'évêque métropolitain Remi de Reims ait écrit au jeune Clovis, dès son avènement, le félicitant d'hériter de ses pères « l'administration de la Belgique seconde », province romaine qui s'étend de la Champagne aux embouchures de la Somme et de l'Escaut.

Cette lettre, que nous avons conservée, et dans laquelle Remi demande, de surcroît, à Clovis de gouverner avec le conseil des évêques, suggère que la royauté franque a une longue pratique de collaboration avec l'autorité romaine, et qu'elle ne répugne pas à s'entendre avec le corps épiscopal, qui, dans cette période de déliquescence de l'autorité centrale (il n'y a même plus d'empereur en Occident depuis 476), exprime localement, dans chaque cité, la continuité d'un ordre romain devenu chrétien. La capacité de Clovis à collaborer avec les évêques, éventuellement malgré la pression de son peuple, constitue, semble-t-il, un trait permanent de sa politique, avant et après sa conversion. Sans nul doute, elle l'aide dans ses conquêtes et dans la revendication d'une royauté qui impose à toutes les populations des territoires soumis - Barbares, certes, mais aussi Gallo-Romains encadrés par les évêques - de reconnaître sa souveraineté.