Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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France (territoire de la). (suite)

Particularismes culturels et linguistiques.

• Plusieurs siècles de centralisation ne les ont pas fait disparaître. Ils sont autant d'éléments hérités d'un passé souvent lointain, de plus en plus revendiqués aujourd'hui au nom d'une personnalité culturelle, d'un régionalisme, d'une plus grande authenticité de terroir, au nom des traditions, au nom d'une qualité de vie ou de produit qui valorise tel ou tel « pays ».

L'opposition Nord-Sud entre la France de langue d'oïl et celle de langue d'oc demeure aujourd'hui la division territoriale la plus visible. Les différences de nature spirituelle renforcent ces contrastes régionaux. Alors qu'aux XIe et XIIe siècles, la poésie lyrique des troubadours traduit l'héritage culturel arabe du Midi, la chanson de geste est issue de la France du Nord. À l'époque moderne, les appartenances religieuses ont elles aussi forgé des clivages géographiques, les régions de forte tradition catholique jouxtant des bastions protestants (la Vendée papiste, La Rochelle huguenote). Aujourd'hui encore, la géographie urbaine doit tenir compte des implantations nouvelles des mosquées tandis que d'autres quartiers, généralement plus centraux, abritent, souvent depuis longtemps, des synagogues.

L'espace français ne s'est donc véritablement unifié que très tardivement, au lendemain de la Révolution. L'enjeu linguistique fut sans doute le symbole le plus marquant de la politique centralisatrice qui devait assurer l'uniformisation des us et coutumes de la nation tout entière. Constituée de peuples divers, au cours des siècles, la France a enrichi sa langue de termes d'origine non indo-européenne au Pays basque, d'origine celtique en Bretagne et dans le Nord de langue d'oïl, d'origine latine dans les régions de langue occitane. Le latin parlé, progressivement abandonné à partir du XIe siècle, a évolué en une centaine de dialectes plus ou moins proches. L'unité linguistique est récente. En 1539, l'édit de Villers-Cotterêts fait du français la langue officielle, selon le vœu de François Ier qui entend promouvoir le « langage maternel françois ». Mais ce n'est qu'au début du XVIIe siècle que la « langue vulgaire » l'emporte sur le latin. L'unicité linguistique est renforcée par la Révolution au nom de la souveraineté de la nation, désormais représentée par le peuple et non plus par la seule famille royale. Au fil de l'histoire, conscient que la langue fonde la nation, le pouvoir restreint le droit à l'usage des langues régionales. Cependant, l'emploi de la langue française ne se généralise qu'à la fin du XIXe siècle, sous l'influence de l'école primaire rendue obligatoire. Pourtant, en 1920, une enquête faisait apparaître que 13 millions de Français (sur 38) avaient pour langue maternelle l'occitan ou un parler alémanique, plus minoritairement le corse, le basque ou le catalan. De nos jours encore, les régions périphériques, de parlers breton, flamand, allemand, italien, catalan ou basque, restent les plus différenciées culturellement.

Les divisions du territoire français

L'héritage topographique.

• Les frontières naturelles définissent, au cœur des milieux tempérés (entre 42o 20' et 51o 5' de latitude nord, 5o 56' de longitude ouest, et 7o 9' de longitude est), des territoires plus ou moins occupés par les hommes. Les montagnes peuplées de paysans, vivantes dans le passé, subissent aujourd'hui une très forte déprise. Regroupées dans la moitié sud-orientale du pays, ces hautes terres, loin de former un ensemble homogène, constituent une série de massifs très différents. À la fin du primaire émerge la chaîne hercynienne qui dessine un V depuis le Massif central vers la Bretagne et la Cornouailles britannique d'une part, vers les Vosges et la Forêt-Noire d'autre part. Au secondaire, les terres les plus basses ont été successivement inondées et découvertes au gré des abaissements et des soulèvements du socle ; les Bassins parisien et aquitain ont été progressivement et partiellement colmatés par des sédiments. C'est au tertiaire que se produisent les plissements les plus importants : les Pyrénées (pic d'Aneto, en Espagne, 3 404 mètres ; pic Vignemale, en France, 3 298 mètres) se forment à l'éocène, les Alpes (mont Blanc, 4 808 mètres) et le Jura (crêt de la Neige, 1 723 mètres), au pliocène. Parallèlement, le vieux socle primitif - Ardennes, Vosges, Morvan - se soulève une seconde fois. Des fractures séparent les Vosges de la Forêt-Noire. Ces mouvements tectoniques provoquent la formation de bassins d'effondrement (Alsace, Limagnes...). Le volcanisme se développe, entraînant la poussée des plus hauts sommets du Massif central : puy de Sancy (1886 mètres), plomb du Cantal (1855 mètres). La période glaciaire du quaternaire a laissé elle aussi des traces profondes dans le paysage actuel. Les alluvions fluviales comblent les anciens golfes marins : Bassin parisien, Bassin aquitain, Sillon rhodanien et Alsace. Les rias bretonnes sont noyées par la fonte des glaces.

Les massifs montagneux : des espaces en déclin.

• L'altitude joue un rôle déterminant dans la mise en valeur de ces montagnes. Les bas de versants portent quelques cultures au-dessus des prairies de fonds de vallée, tandis que les pentes en aval des alpages sont toutes forestières. Milieux particulièrement rudes, de moins en moins adaptés aux contraintes économiques exigeant une forte productivité, ces hautes terres ont été les premières affectées par l'exode rural. L'équilibre précaire entre ressources et population a été rompu, l'effondrement s'amorçant au milieu du XIXe siècle. Ainsi, de 1831 à 1911, 1,5 million de départs sont comptabilisés (Corse non comprise). La Grande Guerre accentue cet exode, dont les effets sont renforcés par la baisse de la natalité et par la surmortalité masculine. Il se poursuit, très important dans les années cinquante, ralenti depuis les années soixante-dix. Les populations ont vieilli ; les jeunes qui sont restés ont diversifié leurs activités, partagées entre agriculture et tourisme. Les éleveurs ont abandonné nombre d'alpages pyrénéens ou alpins ; la production laitière régresse ou disparaît. L'économie rurale s'éteint dans une bonne partie des Cévennes ou des Pyrénées orientales, dans les Préalpes de Digne ou les Baronnies. Certaines régions, cependant, refusent de sombrer dans l'inertie et valorisent leurs productions par des fabrications de haut niveau reconnues par de multiples appellations d'origine contrôlée. Ces AOC garantissent des revenus beaucoup plus élevés aux producteurs de beaufort en Tarentaise, à ceux des fruitières à comté dans le haut Jura, aux producteurs des nombreuses AOC du Massif central. Ces réussites économiques inégales opposent quelques régions vivantes (haut Jura, Savoie...) à d'autres fortement touchées par la crise (Aveyron, Auvergne) ou par un dépeuplement accéléré (Vosges, Pyrénées, l'essentiel des Alpes, les prairies et alpages du Massif central). L'engouement pour les sports d'hiver, mais aussi pour la découverte des milieux naturels, ont un impact important sur l'espace lui-même et sur l'économie des pays de montagne, avec la création d'infrastructures routières et sportives, la construction et la réhabilitation de nombreux hébergements ou l'ouverture de parcs, régionaux notamment. Le renouveau et la diversification que suscite le tourisme permettent de freiner, ces dernières années, le fort exode rural qu'ont connu ces régions.