Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

baroque. (suite)

Y a-t-il un âge baroque ?

• Ce sont les historiens de l'art allemands qui, à la fin du XIXe siècle, donnent au mot, qui n'a plus de sens péjoratif, son premier ancrage historique en employant le mot Barockstil pour désigner, d'une part, l'art du Bas-Empire et, d'autre part, le style qui suit la Renaissance. Mais déjà apparaissent in nuce les causes de l'imbroglio sémantique : Henri Wölfflin et Cornelius Gurlitt ne s'accordent ni sur le champ chronologique (1520-1630 pour Heinrich Wölfflin ; 1600-1700 pour Gurlitt) ni sur les caractères du style ainsi dénommé, tandis que l'emploi de barock dans des champs historiques très lointains (Antiquité tardive, Europe moderne) prépare le glissement du mot vers une signification transhistorique.

Partageant l'ambition de nombre d'es-prits de sa génération de construire une science de l'art, Wölfflin reprend le terme dans ses ambitieux Principes fondamentaux de l'histoire de l'art (1915, édition française 1952)  : il y oppose les formes classiques qu'il met en lumière au XVIe siècle (composition linéaire, en surface, close, procédant par analyse, cherchant l'absolue clarté) et les formes baroques du XVIIe (composition picturale, en profondeur, ouverte, cherchant la synthèse et l'obscurité relative). Wölfflin suggère aussi qu'il s'agit d'un couple qui revient de manière cyclique (art grec classique/hellénistique ; art romain antique classique/baroque ; gothique classique/gothique tardif, qu'il suggère d'appeler baroque). Dans son essai Du baroque (1928, édition française 1935), Eugenio d'Ors pousse à son paroxysme une lecture transhistorique, dont le succès favorise des développements qui relèvent plus de la causerie que de l'histoire, notamment dans le champ de l'histoire littéraire, qui utilisa le mot pour qualifier une période encore différente : 1560-1570 (parfois plus tôt) - 1650-1670 (Marcel Raymond, Jean Rousset).

Les musicologues, qui ont repris le terme aux historiens de l'art, sont les seuls à s'accorder sur une base commune : la période baroque s'étend de Monteverdi à Bach, de 1600 à 1750 environ, et est caractérisée par l'emploi de la basse continue. Toutefois, nombre de ces spécialistes renoncent aujourd'hui à employer un terme jugé trop vague et trop connoté.

En histoire de l'art, l'introduction du terme maniérisme - pour désigner ce que Wölfflin décrivait en 1888 sous le nom de baroque - a déporté définitivement ce dernier vers le XVIIe siècle, mais aussi le XVIIIe. Cependant, les auteurs hésitent entre une définition extensive, où le vocable se dissout jusqu'à devenir synonyme de XVIIe siècle, et une définition restrictive, réduite à certains aspects de l'art du XVIIe siècle, souvent ceux qui répondent de manière plus évidente aux critères de Wölfflin (l'architecture romaine, de 1630 à 1680, mais aussi le grand style architectural, du Bernin à Le Vau, Hardouin-Mansart et Wren, la grande peinture décorative, de Pierre de Cortone au père Pozzo, mais aussi le style de Rubens, etc.). « Baroque » s'applique aussi, par la seule force de l'usage, à l'architecture rococo allemande (mais non au rococo français) ou à l'architecture hispanique du XVIIIe siècle, qui n'ont guère de point communs ni avec le Bernin ni entre eux.

Trois facteurs expliquent que le mot ait résisté à toutes les incohérences évidentes de son emploi en histoire : la tradition hégélienne d'une histoire totale, synchrone (là où l'on explore aujourd'hui le chaos d'une histoire fractale) ; l'illusion réaliste (parce que le mot existe, on croit qu'il s'agit d'une chose, en oubliant que tout change selon le corpus de référence) ; la présence sous-jacente de la notion transhistorique (et notamment de la formulation très forte que Wölfflin lui donna).

Barras (Paul François Jean Nicolas, vicomte de),

homme politique (Fox-Amphoux, Var, 1755 - Paris 1829).

 Issu de la vieille noblesse provençale, Barras entre dans l'armée à 16 ans. Il combat en Inde, où il est fait prisonnier par les Anglais en 1778. De retour en France en 1780, il s'embarque sous les ordres de Suffren dès l'année suivante, séjourne au Cap jusqu'en 1783, puis quitte l'armée en 1786.

Un homme en retrait.

• En 1789, il assiste en spectateur à la prise de la Bastille avant d'assumer des responsabilités administratives en Provence. Élu député suppléant du Var à la Convention en septembre 1792, il bénéficie du désistement de Dubois-Crancé et siège à Paris deux mois plus tard. S'il vote la mort du roi, il reste assez effacé à la Convention et part en province, missionné pour plus d'un an. En mars 1793, il est envoyé avec Fréron dans les départements des Alpes, puis auprès de l'armée d'Italie. Lors de la rébellion fédéraliste, les deux amis sont chargés de contrôler les troupes républicaines qui assiègent Toulon livrée aux Anglais. Lors de deux brèves visites sur le front, en octobre et novembre 1793, Barras rencontre le lieutenant Bonaparte, mais l'incertitude de leurs récits empêche de connaître la réalité de ces entretiens. Il participe à la répression brutale contre les Toulonnais et les Marseillais. Dénoncé par les députés des Bouches-du-Rhône, il est rappelé à Paris par le Comité de salut public le 23 janvier 1794.

Après le 10 thermidor an II (28 juillet 1794), la légende en fait l'un des principaux responsables du complot qui aboutit à l'exécution de Robespierre et de ses amis. En fait, désigné pour commander les troupes fidèles à la Convention, Barras se contente d'arrêter Robespierre réfugié à l'Hôtel de Ville.

Une figure du Directoire.

• Membre du Comité de sûreté générale de novembre 1794 à mars 1795, président de la Convention en février 1795, réintégré dans l'armée au grade de général de brigade en août 1795, il se trouve désormais au premier plan de la vie politique. Le 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), c'est lui qui, nommé commandant en chef de l'armée de l'intérieur, mate l'insurrection royaliste, avec Bonaparte parmi ses adjoints. Devenu le « sauveur de la République », il est élu membre du Directoire le 1er novembre 1795, et il le reste jusqu'à la fin du régime. Personnifiant le Directoire et ses vices, aimant le luxe, Barras n'est pourtant pas aussi volage et corrompu que ne le croient ses contemporains. Lié à tous les partis, il prend des décisions plutôt modérées et ménage les différentes forces en présence, d'où l'accusation de mener double jeu. Lorsque les royalistes gagnent les élections de l'an V, il hésite, mais finit par défendre la République en soutenant le coup de force du 18 fructidor (4 septembre 1797). En revanche, il appuie celui du 22 floréal an VI (11 mai 1798) contre les jacobins. En 1799, les élections et les revers militaires affaiblissent le pouvoir. Barras aurait alors pris contact avec Louis XVIII. En octobre, il accueille avec prudence Bonaparte de retour d'Égypte. Prévenu du coup d'État du 18-19 brumaire an VIII (9-10 novembre 1799), il s'efface, déclarant qu'aucun militaire n'est de taille à s'opposer à Bonaparte. À partir de 1801, il est tenu à l'écart de Paris, puis, en 1810, exilé à Rome. Il ne rentre en France qu'après la première abdication de l'Empereur, mais ne soutient pas les Cent-Jours. C'est la raison pour laquelle, bien que régicide, il échappe à la proscription sous la Restauration. Il meurt à Chaillot.