Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Gaulle (suite)

Pourtant, de Gaulle n'enregistre pas toutes les adhésions qu'il espérait, et, même après l'entrée en guerre des États-Unis, il aura le plus grand mal à se faire reconnaître par le président Roosevelt, pièce maîtresse de la coalition contre le nazisme, qui le tient pour un apprenti dictateur. Mais il joue avec une étonnante maîtrise des cartes les plus contradictoires, entrant en relation avec l'Union soviétique (qui, agressée par le IIIe Reich en juin 1941, est entraînée malgré elle dans le conflit), sans rompre les ponts avec les Anglo-Saxons, rassemblant peu à peu les terres périphériques d'Afrique et d'Asie.

Enfin et surtout, il noue des liens avec la Résistance intérieure. Non sans de longues incompréhensions, il parvient à assurer sur elle une autorité incarnée par son délégué sur le territoire national, Jean Moulin. Ce dernier réussit le tour de force de rassembler les divers courants et organisations au sein du Conseil national de la Résistance (CNR), avant de tomber entre les mains de la Gestapo en juin 1943.

Chef du Gouvernement provisoire

Tenu à l'écart du débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (8 novembre 1942), le président Roosevelt ayant tour à tour misé sur l'amiral Darlan (assassiné le 25 décembre 1943) et le général Giraud, Charles de Gaulle parvient finalement à s'imposer comme le vrai chef des forces civiles et militaires françaises. Le Gouvernement provisoire de la République française, créé à Alger en juin 1943, a, dans un premier temps, deux coprésidents : le général Giraud, soutenu par Roosevelt, et de Gaulle. Deux mois plus tard, l'homme du 18 Juin est seul maître du jeu, son partenaire se contentant du commandement militaire.

Néanmoins, lors du débarquement des forces alliées en Normandie, le 6 juin 1944, le président Roosevelt impose de nouveau la mise à l'écart du général de Gaulle, qui n'est « autorisé » à reprendre pied sur le sol national que six jours plus tard. Mais, alors que les Américains ont prévu de faire administrer la France libérée par une structure interalliée (Amgot), ce sont des personnalités ou organisations gaullistes qui reprennent les rênes du pouvoir.

Partout où de Gaulle passe, et d'abord à Bayeux, en Normandie, il est accueilli par un véritable plébiscite. Le général est « reconnu » par les foules, pourtant surprises de voir surgir ce géant dont la radio a rendu la voix familière, mais dont la silhouette et le visage étaient inconnus.

La libération de Paris

Les stratèges anglo-américains ont prévu de contourner Paris, pour ne pas perdre de temps dans leur poursuite de la Wehrmacht, qui bat en retraite vers l'Allemagne. Mais de Gaulle convainc le généralissime Eisenhower - qui entretient avec lui des relations beaucoup plus cordiales que ses collègues civils - que la libération de Paris constitue un acte décisif, de nature à abattre le moral des nazis et à ranimer la France. Mieux : il le persuade de désigner, pour accomplir cette tâche, la plus prestigieuse des grandes unités françaises, la 2e division blindée du général Leclerc, détachée de la IIIe armée américaine.

Entré le 25 août 1944 dans un Paris encore crépitant de balles, le général de Gaulle, passant outre à la désapprobation américaine, peut conduire, le 26, des Champs-Élysées à Notre-Dame de Paris, un immense cortège qui, d'emblée, prend figure de « sacre » du « libérateur ». Ce soir-là, et bien que la guerre soit encore loin de son terme, Charles de Gaulle a rempli la mission qu'il s'était assigné le 18 juin 1940 : la France est ressuscitée.

Le train est-il sur les rails ?

Il faut encore plus de sept mois au chef du Gouvernement provisoire de la République française pour saluer la libération complète du territoire et la victoire de la France et des Alliés sur le IIIe Reich. Mais il reste à remettre sur pied le pays dévasté, à tenter de rendre la « justice » à propos de la collaboration avec l'ennemi patronnée par Vichy, à essayer de rétablir les positions de la France dans ce que l'on appellera bientôt, non plus l'empire, mais l'Union française, à assurer à Paris sa place partout où se joue l'avenir du monde, notamment aux Nations unies, créées en juin 1945, à relancer l'économie, grâce à un plan conçu par Jean Monnet, afin de nourrir un peuple sorti exsangue du conflit.

À la tête d'un gouvernement dit « tripartite », où se côtoient communistes, socialistes et représentants du Mouvement républicain populaire (MRP), de Gaulle s'affirme homme d'État comme il a été homme de guerre. Mais il ne peut empêcher que le retour des forces françaises en Indochine allume les brandons d'une guerre de huit ans, que la production industrielle stagne cruellement, que les rations alimentaires restent inférieures à ce que les familles se jugent en droit d'exiger, que la représentation nationale dote le pays d'une Constitution infirme. À la fin de 1945, et bien que réélu chef du gouvernement à l'unanimité par l'Assemblée nationale, le « libérateur » affronte un dilemme : soit accepter d'être le simple exécutant d'un Parlement tout-puissant, soit supplanter par la force ce « pouvoir à 600 têtes ». Il préfère s'effacer, le 20 janvier 1946, après avoir déclaré, abusivement, que « le train a été remis sur les rails ».

La « traversée du désert »

De Gaulle croit que les députés, affolés, le rappelleront bientôt. Il se trompe : le « régime des partis » s'installe, non sans révéler des hommes de valeur capables de mettre le pays, en six ou sept ans, sur la voie de la prospérité. Mais le régime improvisé à la Libération est condamné par le cancer des guerres coloniales, la leucémie provoquée par l'inflation - que de Gaulle s'est refusé à juguler dès l'origine en ne recourant pas aux procédures radicales proposées par son ministre Pierre Mendès France -, et l'incurable faiblesse des institutions.

Dans sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), Charles de Gaulle, tout en rédigeant ses Mémoires de guerre, prépare le « recours ». Dès juin 1946, à Bayeux, il rend public son plan de réforme constitutionnelle, axé sur le renforcement de l'exécutif. Puis il tente de conquérir pacifiquement la majorité en créant le Rassemblement du peuple français (RPF), dont Malraux est le porte-parole, et Jacques Soustelle le secrétaire général. Après un brillant démarrage à l'occasion des élections municipales de 1947, cet ensemble composite, où la droite pèse de plus en plus lourd, reste minoritaire lors des législatives de 1951, et se disloque du fait d'ambitions rivales. Alors, en 1955, de Gaulle dit adieu à la vie publique.