Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Louis XIV (suite)

Cette « prise de pouvoir », souvent commentée, fut suivie d'une autre décision importante : celle d'écarter le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, qui fut arrêté le 5 septembre 1661. Fouquet avait travaillé avec Mazarin à trouver des ressources financières pour achever la guerre et assurer la paix ; il avait aussi permis au cardinal d'amasser une belle fortune et avait abondamment tiré profit des avantages de sa position : en recevant avec faste le roi à Vaux-le-Vicomte au cours de l'été 1661, il avait indisposé le souverain qui pensait qu'une telle splendeur lui était réservée. Ce dernier avait déjà en secret condamné le surintendant, parce qu'il avait le contrôle des Finances et détenait ainsi un pouvoir qui échappait au monarque. C'était donc toute l'organisation financière et le monde des financiers que Louis XIV - et à travers lui l'État - souhaitait surveiller et contrôler. Enfin, comme l'a rappelé Marc Fumaroli, Fouquet, par ses amitiés et ses fidélités, représentait une tradition modérée - qui n'était plus celle de la monarchie, depuis Richelieu et l'affirmation de la « raison d'État » -, une politique de réconciliation et de dialogue qui n'était pas dans les vues du jeune roi autoritaire.

Ces décisions de 1661 révélèrent Louis XIV à ses sujets. Il allait respecter son engagement et consacrer son énergie au métier de roi, qu'il jugeait délicieux, et dont il avait la plus haute idée. Cela signifia un travail constant tout au long de sa vie, pour écouter ses ministres et ses généraux, pour étudier les affaires et les projets, pour trancher et décider. Il fit sien le souci de ses prédécesseurs d'être exactement et parfaitement obéi, et il se fit craindre. Il voulut donner du faste à toutes les cérémonies publiques, telles les audiences accordées aux ambassadeurs étrangers. Lui-même ne dédaignait pas alors les habits somptueux ni les bijoux. Il savait parler avec clarté et force. Pour renforcer le prestige de la monarchie auprès des Français ou des autres pays européens, une célébration de la personne royale se développa tout au long du règne, à travers des poèmes, médailles, portraits ou statues équestres.

Les rouages de l'État.

• Le principal artisan de la chute du surintendant Fouquet avait été Colbert, qui avait géré l'immense fortune de Mazarin, et que le cardinal avait recommandé au roi. Il fut chargé de remplacer Fouquet, mais sans en avoir le titre. Comme Louis XIV voulait assumer lui-même la charge de surintendant, Colbert, ministre dès 1661, ne fut contrôleur général qu'en 1665. Il fit de cette fonction la première dans l'État, alors que, depuis le Moyen Âge, le rôle principal était dévolu au chancelier. L'historien Michel Antoine a vu là une révolution pour la monarchie, dont le fondement était désormais les Finances, et non plus la Justice, d'autant plus que Colbert eut la charge de nombreux autres domaines - les Eaux et Forêts, les Bâtiments du roi, la Maison du roi, la Marine. Il travailla à mieux connaître les revenus et les dépenses de l'État, et il s'efforça, non sans succès, de trouver les ressources nécessaires pour payer les armées, préparer une marine de guerre, construire les palais royaux.

Les collaborateurs de Mazarin, Fouquet excepté, restèrent en place. Le Tellier avait la responsabilité des affaires militaires, et il s'appuya de plus en plus sur son fils Louvois. Hugues de Lionne dirigeait la diplomatie. Louis XIV consacra lui-même beaucoup de temps aux affaires de l'État, qui étaient discutées dans des Conseils. Le plus important pour les affaires de politique générale et les affaires étrangères était le Conseil d'en haut (le Conseil des ministres) : toute personne qui y était appelée devenait ministre d'État. Dans ce cadre, le roi n'eut qu'une poignée de ministres, auxquels il conservait sa confiance, souvent jusqu'à leur mort, non sans rappeler, au besoin rudement, le poids de son autorité. Il demandait un dévouement de tous les instants, le secret le plus absolu et un travail énorme. Il choisissait ces conseillers dans un petit nombre de familles, issues de la bourgeoisie, et non de la noblesse, les Le Tellier ou les Phélypeaux, par exemple. Au cours de son règne, il eut comme ministres, outre Jean-Baptiste Colbert, son frère Colbert de Croissy, son neveu Colbert de Torcy, son fils Seignelay, son gendre le duc de Beauvillier, un autre neveu, Desmarets, et comme ministre officieux un autre gendre, le duc de Chevreuse.

Le détail des affaires était traité par le Conseil d'État, qui tranchait les litiges au nom du roi. Telle était l'organisation ancienne de la monarchie. Il faut y ajouter une administration nouvelle, qui fut renforcée autour du contrôleur général et des secrétaires d'État - à la Guerre, aux Affaires étrangères, à la Maison du roi et à la Marine, aux Affaires de la religion prétendue réformée. Louis XIV choisit souvent de travailler en tête à tête avec eux. Seuls certains de ces collaborateurs étaient ministres. Ils étaient secondés par des premiers commis et des commis, et ils exécutaient le détail des décisions prises par le roi. Dans les provinces, le pouvoir royal s'appuya de plus en plus sur les intendants, qui ne dépendaient que de lui, et dont les compétences ne cessèrent de s'élargir (justice, police, finances).

Le pouvoir royal était, par définition, absolu, c'est-à-dire sans liens. La façon dont Louis XIV a exercé ce pouvoir et cette administration plus étoffée sont à l'origine de la notion d'absolutisme, que nombre d'historiens ont privilégiée, non sans risque d'erreur. Avec l'historien Roland Mousnier, il est préférable d'évoquer une monarchie administrative qui ne se contente plus d'arbitrer et de contrôler, mais qui entreprend, gère et dirige.

Une politique étrangère conquérante.

• D'emblée, la politique de Louis XIV fut orientée vers une affirmation de la France en Europe, et le roi suivit la ligne fixée par son père et par les deux cardinaux-ministres. Le pays bénéficiait alors d'une situation favorable. Il n'y avait plus à craindre la menace des Habsbourg, bien affaiblis par de longues guerres, ainsi que par les traités de Westphalie et des Pyrénées. Le royaume de France était le plus peuplé d'Europe, et il avait montré qu'il était capable de financer de grandes armées. Louis XIV, un roi jeune, avait l'ambition de s'illustrer dans un univers où la gloire était avant tout militaire. La situation de paix en Europe lui permettait d'envisager et de préparer la guerre, sans avoir à la subir.