Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
G

Grand Schisme, (suite)

La victoire du concile.

• Le schisme perdure : au pontife romain Boniface IX succède Innocent VII en 1404, puis Grégoire XII en 1406, tandis que Benoît XIII refuse d'abdiquer. La tenue d'un concile semble donc la seule solution possible pour mettre fin à la division de l'Église. Mais le concile tenu à Pise en 1409 est un échec : un troisième pape, Alexandre V, est en effet élu alors que les deux autres refusent d'être déposés. Aux papes d'Avignon et de Rome s'ajoutent désormais ceux de Pise.

L'empereur Sigismond de Luxembourg reprend l'initiative en 1413 en incitant le pape de Pise Jean XXIII (successeur d'Alexandre V) à convoquer un concile auquel des clercs, des princes et des rois mais aussi les deux autres papes sont conviés. Le 1er novembre 1414 s'ouvre le concile de Constance, qui se donne pour mission de réformer l'Église et de mettre un terme au schisme. Mais Jean XXIII, qui se désolidarise de l'empereur et des Pères, s'enfuit ; le concile déclare alors sa supériorité sur le pape et continue de siéger. Ayant déposé Jean XXIII et obtenu l'abdication du pape de Rome Grégoire XII en 1415, puis déposé Benoît XIII en 1417, le concile élit, le 11 novembre 1417, le cardinal Oddo Colonna, qui prend le nom de Martin V. L'unité est rétablie grâce au concile, voie défendue par le cardinal français Pierre d'Ailly et son disciple Jean de Gerson.

Le Grand Schisme a profondément et durablement marqué l'Église. Dans les faits, il est vécu comme un scandale permanent et douloureux par la chrétienté. Les cadres ecclésiastiques éclatent ; ainsi, deux candidats sont parfois nommés à un bénéfice vacant. Cette situation ouvre la voie, en France, au gallicanisme. Cardinaux et universitaires, en voulant pallier les insuffisances des papes depuis le début du XIVe siècle, ont favorisé l'émergence du mouvement conciliaire. Mais le concile, en résolvant la crise au profit du pape, échoue durablement dans sa tentative de réforme de l'Église. C'est peut-être en cela que le Grand Schisme ouvre la voie à la Réforme.

Grands Jours d'Auvergne,

assises extraordinaires du parlement de Paris tenues à Clermont du 28 septembre 1665 au 30 janvier 1666.

Depuis 1454, des parlementaires parisiens sont, de temps à autre, envoyés, sur commission royale, dans les confins du ressort pour accélérer l'administration de la justice. Trente et un ans après ceux du Poitou, les Grands Jours d'Auvergne répondent à la volonté de Louis XIV de « faire régner la justice et de régner par elle en notre État » : il s'agit de réprimer les désordres, de réformer les abus et de raffermir l'autorité monarchique dans un espace s'étendant de la basse Marche au Lyonnais et du Berry à la haute Auvergne, encore en proie aux exactions de hobereaux insoumis, tels que les Canillac, et aux défaillances des juges et autres officiers.

En quatre mois, la cour, placée sous l'autorité du président à mortier Nicolas Potier de Novion, instruit 1 360 affaires, prononce 692 condamnations, dont 370 à la peine capitale - seules 23 furent exécutées -, et rédige 44 arrêts de règlement sur des sujets aussi divers que les poids et mesures, l'interdiction des fêtes baladoires et le contrôle de la mendicité. Or, bien que les Grands Jours d'Auvergne constituent l'une des affirmations les plus spectaculaires de l'État moderne et démontrent l'efficacité des commissaires royaux par rapport aux officiers, l'institution ne survit pas à ceux du Puy et de Nîmes, tenus un an plus tard : la montée en puissance des intendants la frappe d'obsolescence.

Grand Tric,

grève des compagnons imprimeurs déclenchée en 1539, et qui eut des prolongements pendant plus de trois décennies.

Le terme « tric » proviendrait de l'allemand Streik (« grève »), ce qui s'explique par la présence de nombreux ouvriers allemands dans l'industrie du livre.

La grève éclate à Lyon, principal centre français de l'imprimerie, au printemps 1539, puis gagne les ateliers parisiens. Les compagnons protestent contre la moindre qualité de la nourriture fournie par les maîtres (« pain, vin et pitance »), la rigidité accrue des conditions de travail, l'embauche abusive d'apprentis au lieu de compagnons. L'autorité judiciaire locale, puis le pouvoir royal, saisis de l'affaire par les maîtres imprimeurs et les marchands libraires, tranchent en faveur de ces derniers ; en vain, puisque les compagnons, bravant les édits royaux, poursuivent leur mouvement jusqu'en 1542, puis, de manière sporadique, jusqu'en 1572, entraînant le déclin de l'imprimerie lyonnaise au profit de ses concurrentes étrangères.

Cette grève s'inscrit dans la conjoncture du XVIe siècle, marquée, après 1530, par une baisse du salaire réel. Elle est également révélatrice des tensions sociales qui règnent au sein de l'imprimerie, industrie nouvelle affranchie des règles corporatives et dominée par les marchands libraires, véritables « capitalistes » qui n'hésitent pas à « délocaliser » l'impression pour en abaisser les coûts. Elle témoigne enfin de l'existence, dans ce métier largement alphabétisé et pénétré par la Réforme, d'une forte solidarité, encadrée par les confréries ou par des associations comme celle des griffarins, et d'une tradition d'insubordination alimentée par la conscience d'appartenir à un « art » supérieur.

Par ses revendications comme par ses formes d'organisation, le Grand Tric apparaît comme la première grève ouvrière moderne. C'est pour prévenir le renouvellement de tels conflits que sont introduites dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts (août 1539) des dispositions interdisant les « confréries de gens de métiers et artisans ».

Graufesenque (la),

centre de production de céramique gallo-romaine situé sur la rive gauche du Tarn, à l'est de Millau (Aveyron), datant du Ier siècle après J.-C.

Cet ensemble d'ateliers et de fours, installé à proximité d'une zone d'extraction d'argile et de massifs forestiers qui l'alimentent en combustible, est l'un des foyers les plus importants de production et d'exportation de céramique de la Gaule du Ier siècle. La céramique sigillée - du nom des sceaux ou moules en creux permettant sa décoration, de couleur rouge - s'inspire de la poterie toscane, qu'elle contribue à évincer. Expédiée vers le port de Narbonne, elle est ensuite exportée dans tout le monde romain. De grandes quantités d'objets fabriqués à la Graufesenque (vaisselle, récipients pour le stockage, instruments de culte...) ont été découvertes, notamment en Hispanie, à Rome, à Pompéi et dans le reste de l'Italie. La période la plus florissante se situe entre les années 40 et 60, mais ce n'est qu'après l'an 100 que l'activité décline au profit d'autres centres, tels Lezoux sur l'Allier puis les ateliers d'Hispanie.