Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
M

MARVIN (Lee)

acteur américain (New York, N. Y., 1924 - Tucson, Ariz., 1987).

Engagé dans les Marines en 1943, gravement blessé, il débute au théâtre à New York (1946) puis au cinéma, assez obscurément (La marine est dans le lac [You're in the Navy Now], H. Hathaway, 1951). Son ascension est pourtant rapide, mais son physique et son allure le confinent dans les rôles de mauvais garçon ou de tueur professionnel, qu'il nuance de façon extraordinaire si l'on tient compte de l'immobilité de sa physionomie, immobilité dont la fascination s'est précocement enrichie d'une couronne de cheveux blancs. Il passe de la rage sournoise explosant brusquement (Règlement de comptes, F. Lang, 1953 ; la Peur au ventre, S. Heisler, 1955) au pittoresque de l'aventurier sympathique (la Taverne de l'Irlandais, J. Ford, 1963) ou à l'activisme glacé, presque monolithique (les Professionnels, R. Brooks, 1966 ; les Douze Salopards, R. Aldrich, 1967) pour une bonne ou une moins bonne cause. Oscar du second rôle pour un mauvais numéro de shérif ivrogne (Cat Ballou, E. Silverstein, 1965), cet excellent acteur fut parfaitement dirigé par John Boorman dans le Point de non-retour (1967) le nimbant enfin de la lumière « mythologique » à laquelle il aspirait visiblement (il fut d'ailleurs à l'origine du projet mais laissa ensuite Boorman travailler à sa guise), et dans Duel dans le Pacifique (1968) — où il fait jouer ses possibilités de renouvellement les plus saisissantes face à l'acteur japonais Toshiro Mifune. Depuis lors, il n'a cessé d'être une vedette mais il a paru somme toute assez peu avant d'être le « porte-parole » de Fuller dans Au-delà de la gloire (1979).

Autres films :

l'Équipée sauvage (L. Benedek, 1954) ; Un homme est passé (J. Sturges, 1955) ; les Inconnus dans la ville (R. Fleischer, id.) ; la Peau d'un autre (J. Webb, id.) ; Sept Hommes à abattre (B. Boetticher, 1956) ; les Comancheros (M. Curtiz, 1961) ; l'Homme qui tua Liberty Valance (J. Ford, 1962) ; À bout portant (D. Siegel, 1964) ; la Nef des fous (S. Kramer, 1965) ; l'Empereur du Nord (R. Aldrich, 1973) ; The Iceman Cometh (J. Frankenheimer, id.) ; l'Homme du clan (The klansman, T. Young, 1974) ; Chasse à mort (Death Hunt, Peter Hunt, 1980) ; Gorky Park (M. Apted, 1983) ; Canicule (Y. Boisset, 1984) ; The Delta Force (M. Golan, 1986).

MARX BROTHERS (les).

Nom collectif des cinq, puis quatre et enfin trois frères Marx (Leonard, dit Chico, 1886 - 1961 ; Adolph [Arthur], dit Harpo, 1888 - 1964 ; Julius Henry, dit Groucho, 1890 - 1977 ; Milton, dit Gummo, 1893 - 1977 ; Herbert, dit Zeppo, 1901 - 1979). Tous nés à New York, tous décédés à Los Angeles.

Enfants d'un tailleur juif malchanceux d'origine alsacienne et d'une mère issue du monde du spectacle, qui prend en main leur éducation artistique dès leur plus jeune âge et les fait passer au musical-hall dans un numéro, ils y jouent de divers instruments de musique. C'est seulement en 1924 qu'ils atteignent Broadway : ils ont pris l'habitude de ponctuer leurs exhibitions de virtuoses (Chico au piano, Harpo à la harpe...) de reparties non-sensiques et d'allusions insolentes qui les font subitement triompher dans deux revues : The Cocoanuts (1925) et Animal Crackers (1926). Gummo a déjà quitté la troupe pour une carrière d'imprésario, et seul Harpo est apparu fugitivement dans un film muet (Too Many Kisses, 1925). Les frères Marx débutent vraiment à Hollywood avec la version filmée de The Cocoanuts : Noix de coco (J. Stanley et R. Florey, 1929), qui n'est pas un succès ; mais ils obtiennent de la Paramount une nouvelle chance pourl'Explorateur en folie (Animal Crackers, Victor Heerman, 1930), début de réussites fondées sur un délire sans exemple jusqu'alors, mais qui ne prendra ses véritables dimensions et n'acquerra ses rythmes excentriques qu'après le départ de Zeppo, en 1935. La mauvaise insertion des numéros musicaux et l'inutile intrigue sentimentale ne servent qu'à casser le mouvement, pour faire une place à ce jeune premier gominé. Animal Crakers apparaît d'emblée aux surréalistes, en dépit de ces défauts, comme un chef-d'œuvre d'humour noir (Breton) et le premier exemple de comique « matérialiste » (Artaud), les beuglements d'un veau se substituant dans la scène finale à la parole humaine.

La même énergie triomphe toujours par l'absurde dans les films ultérieurs : Monnaie de singe (Monkey Business, de N. Z. McLeod, 1931) ; Plumes de cheval (Horse Feathers, id., 1932). Débarrassé de Zeppo, qui abandonne le cinéma pour rejoindre Gummo, le trio se répartit le travail, si l'on peut dire, de la façon suivante : à Groucho, le torrent des inventions verbales, les apophtegmes abominables, les sarcasmes où la muflerie le dispute à la gratuité, expression d'un marxisme qui atteint au sublime du pessimisme (« Je retourne dans le placard où les hommes sont des pardessus vides ») ; à Harpo, le mime muet, une effervescence sexuelle ininterrompue (il prend la jambe des dames au lieu de la main) et à Chico, avec sa faconde napolitaine, le soin d'achever d'embrouiller l'écheveau des quiproquos et des fausses identités. Groucho est coureur de dots ; Harpo, innocent et radieux, charrie dans ses poches un attirail inimaginable d'ustensiles et d'outils grotesques mais menaçants, telle une lampe à souder crachant le feu ; et puis Chico, le croirait-on ?, triche au jeu. C'est qu'il s'agit pour le trio famélique de se nourrir, de se loger et si possible de conquérir la fortune. Leur agitation comporte sa part d'autoparodie parallèlement à ses éléments ludiques, elle puise sans frein dans un fonds de sadisme joyeux et d'irrespect total. Le rêve (quand Harpo joue avec ou pour des enfants) corrige à peine ce nihilisme vigoureux, qui ne respecte ni la logique ni les conventions esthétiques, et à peine le code de censure.

Pour un de leurs meilleurs films, les Marx bénéficient du concours d'un grand cinéaste : Soupe au canard (Duck Soup), réalisé par Leo McCarey en 1933. C'est leur seul film « satirique » : antimilitariste, voire antifasciste. Le cinéaste comprend que les parcours à grandes enjambées aplaties de Groucho, comme ses discours fulgurants (« Mon client a l'air d'un imbécile, eh bien ! ne vous fiez pas aux apparences, c'est un imbécile ! ») et les galopades de Harpo exigent un espace élargi et bien analysé par la caméra. Le film comporte également un collage (fragments d'actualités, d'aventures de Tarzan, etc.), une évocation de zoophilie, et une bataille finale digne de Mack Sennett, pendant laquelle chaque boulet qui passe provoque un changement de costumes, sinon d'époque !