Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
V

VERNON (Howard)

acteur suisse (Baden, Suisse, 1914 - Paris 1996).

De mère américaine et de père suisse, d'abord danseur de claquettes, il joue dans Un ami viendra ce soir (la pièce, puis le film de Raymond Bernard, 1945) avant d'interpréter le rôle de l'officier allemand du Silence de la mer (J.-P. Melville, 1949). C'est le début d'une longue carrière vouée aux rôles de militaire antipathique et d'épouvantable sadique (dans les films d'horreur de Jésus Franco ou Jean Rollin). Parmi ses autres prestations intéressantes, citons celles de Bob le Flambeur (Melville, 1956), le Diabolique Docteur Mabuse (F. Lang, 1960), Léon Morin, prêtre (Melville, 1961), le Théâtre des matières (Jean-Claude Biette, 1977), la Mort d'Empédocle (J. M. Straub et D. Huillet, 1987).

VERNON (Amélie Paris, dite Suzy)

actrice française (Nice 1904 - Mougins 1997).

Brune, svelte et souriante, elle paraît dans Visages d'enfants (J. Feyder, 1925). On la retrouve dans Napoléon (A. Gance, 1927). Elle tourne une quantité considérable de films entre 1928 et 1930, dont bon nombre dans les studios allemands, sans qu'aucun titre ne parvienne à la notoriété. Malgré un séjour à Hollywood au début du parlant (Contre-enquête, Jean Daumery, et le Chanteur de Séville, Yvan Noé et Ramon Novarro, en 1931), sa vogue décline (Un homme en or, J. Dréville, 1934 ; Touche-à-tout, id., 1935 ; Ademaï au Moyen Âge, Jean de Marguenat, id. ; Retour au bonheur, René Jayet, 1940).

VEROIU (Mircea)

cinéaste roumain (Tîrgujiu 1941 - Bucarest 1997).

Il étudie la mise en scène de 1965 à 1967, période durant laquelle il dirige plusieurs courts métrages. En 1971, il participe avec Dan Piţa à la réalisation d'un long métrage documentaire ‘ l'Eau telle un buffle noir ’. L'année suivante, il signe l'un des deux épisodes de Noce de pierre (Nunta de piatra) et, en 1974, du ‘ Maléfice de l'or ’ (Duhul aurului), le second épisode des deux films étant mis en scène par Piţa. Il poursuit ensuite seul une carrière qui lui a donné une place privilégiée parmi les cinéastes roumains des années 70 et 80 : ‘ Au delà du pont ’ (Dincolo de pod, 1975), ‘ À travers les miroirs ’ (Intro oglinzi paralelo, 1978), ‘ le Signe du serpent ’ (Semnul sarpelui, 1981), ‘ En attendant le train ’ (Asteptinó un tren, 1982), ‘ la Fin de la nuit ’ (Sfirsitul noptii, id.) ‘ Blessé pour l'amour de la vie ’ (Sa mori ranit din dragoste viata, 1983), Adela (1984).

VERSION.

Film en version originale, ou version originale, film présenté dans sa langue d'origine. Contraire : film en version française, ou version française, syn. de film doublé en français. Version internationale, bande sonore comportant tous les éléments sonores d'un film sauf les dialogues et commentaires. ( BANDE SONORE.)

VERSOIS (Katiana de Poliakoff-Baïdaroff, dite Odile)

actrice française (Paris 1930 - id. 1980).

Deuxième des quatre sœurs Poliakoff (qui toutes firent du cinéma, sous les noms de Hélène Vallier, Marina Vlady et Olga Ken), Odile Versois est d'abord petit rat de l'Opéra avant de débuter à l'écran, à l'âge de 17 ans, dans les Dernières Vacances (R. Leenhardt, 1948), un rôle de « vraie jeune fille », tout en nuances, évoquant la Juliette au pays des hommes de Giraudoux, qui lui vaut le prix Suzanne-Bianchetti. De la trentaine de films où elle paraît ensuite, on peut retenir Toi le venin (R. Hossein, 1959), À cause, à cause d'une femme (M. Deville, 1962), Benjamin (id., 1968) et une ultime et émouvante apparition dans le Crabe-Tambour (P. Schoendoerffer, 1977). Elle travailla également un peu en Grande-Bretagne (Deux Anglais à Paris, R. Hamer, 1955, avec Alec Guinness) et beaucoup pour le théâtre et la télévision.

VERTOV (Denis Arkadievitch Kaufman [Denis Arkad'evič Kaufman], dit Dziga)

cinéaste soviétique (Białystok 1895 - Moscou 1954).

Après avoir ébauché des études de musique, puis de médecine, il écrit poèmes et romans. Il se réclame du futurisme et, dans cet esprit, prend le pseudonyme de Dziga Vertov (en ukrainien : « Toupie, tourne ! »). En 1916, dans son « laboratoire de l'ouïe », il expérimente des « musiques de bruits », montage de phonogrammes et montage de mots. En 1918, il est engagé par le Comité du cinéma de Moscou comme secrétaire et devient rédacteur en chef (jusqu'à la fin de 1919) du Kinonedelija (Ciné-Semaine, le premier journal d'actualités cinématographiques soviétique). Il organise le travail des opérateurs sur les fronts de la guerre civile et monte leurs matériaux. Entre 1920 et 1922, il réalise plusieurs documentaires militants, voyage avec les trains de propagande Révolution d'Octobre et Lénine et dirige le Ciné-Calendrier de l'État, magazine filmé qui comptera 55 numéros (1923 - 1925). Participant lui-même aux prises de vues, il fonde le Kino-Pravda (1922 - 1925), magazine de reportage dont le titre doit être traduit par « Ciné-Pravda » plutôt que par « Cinéma-Vérité », qui peut prêter à confusion. Parmi les 23 numéros du Kino-Pravda, sept sont consacrés à un thème unique. À la fin de 1922, Vertov constitue, avec son frère Mikhaïl Kaufman et sa femme Elizavieta Vertova-Svilova (1900 - 1975), le Conseil des Trois, qui lance, non sans outrance provocatrice, proclamations, résolutions et ordres du jour. Des manifestes Nous (1922) et les Kinoki — une révolution (1923), ce dernier publié dans LEF, la revue des futuristes-communistes, naît le groupe des « Kinoki » ou adeptes du « Ciné-œil » (Kino-Glaz). Le premier film des Kinoki, Kino-Glaz, première série (1924), devait inaugurer le cycle de « la vie à l'improviste ». Mais les Kinoki ne peuvent s'appuyer sur un mouvement de masse (à l'image de ce que firent les correspondants de presse ouvriers) et Vertov, renonçant provisoirement (espérait-il) à ce cinéma d'analyse et d'exploration sociale, ce « déchiffrement communiste du monde réel » que devait être le Ciné-œil, se tourne vers le film de commande, qu'il traite en poète et en inventeur de formes, sur le mode du chant. Après Soviet en avant ! et la Sixième Partie du monde (1926), il rompt avec le Goskino, hostile à sa conception du documentarisme artistique. Grâce aux studios d'Ukraine (VUFKU), il produit ses œuvres les plus audacieuses et les plus achevées : la Onzième Année (1927 - 28), l'Homme à la caméra (1929), la Symphonie du Donbass (1930). Les idées de Vertov sont d'une importance primordiale : elles ont desservi sa carrière mais elles font de lui l'initiateur et le prophète d'une pratique toujours neuve du cinéma. Vertov condamne sans nuances tout cinéma de fiction (il est excessif et on le lui fera payer) : « Le drame cinématographique est l'opium du peuple. À bas les fables bourgeoises et vive la vie telle qu'elle est ! » Il pense le cinéma comme journalisme artistique : il ne faut plus d'histoires mais des études documentées, des exposés didactiques et poétiques — une interprétation créatrice de la réalité. Il exalte les pouvoirs de la caméra, œil supérieur, « ciné-œil » grâce auquel le travailleur disposera d'un nouveau regard. Le « ciné-opérateur » apprend à voir, le « ciné-monteur » apprend à penser ce qui est vu. Le montage est une écriture. Il n'est pas question de s'en tenir à l'apparence « objective » des choses (« Ne copiez pas sur les yeux ! », « À bas les 16 images/seconde » de l'enregistrement passif). Les images de la vie réelle doivent être remaniées, organisées aux fins d'un discours, d'un poème. Vertov met à profit toutes les ressources du cinéma : outre le montage, le ralenti, l'accéléré, la marche arrière (« le négatif du temps »), le dessin animé, les images multiples, les surimpressions, le collage, les virages-teintages, le montage métrique, le contrepoint sonore. Son travail sur les intertitres est passionnant : il joue de la grosseur, de la place, de la forme, du mouvement, de la durée des mots à l'écran ; il les fait dialoguer avec les images ; il invente ainsi une « diction », une éloquence visuelle. Trois Chants sur Lénine (1934), film d'anniversaire qu'il tourne à Moscou, lui vaut une dernière gloire. Il s'efforce ensuite de poursuivre son œuvre, sans moyens, sans appuis, dans une incompréhension quasi générale. Il déborde de projets novateurs mais on l'enferme dans des tâches subalternes et dans les « actualités ». Il meurt d'un cancer en 1954.