Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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COULEURS (procédés de cinéma en). (suite)

Si les images du rouge, du vert et du bleu étaient de la sorte géométriquement identiques, leur superposition sur l'écran demeurait délicate. Le seul procédé de ce genre qui donna lieu à exploitation commerciale fut le Rouxcolor, mis au point par les frères (français) Lucien et Armand Roux et avec lequel Marcel Pagnol tourna la Belle Meunière (1948). (Contrairement au Technicolor et aux procédés actuels, qui reconstituent les couleurs à partir des images du rouge, du vert et du bleu, le Rouxcolor les reconstituait à partir de quatre images enregistrées derrière des filtres rouge, jaune, vert, bleu. La sélection du jaune permettait une meilleure restitution des couleurs.)

Les procédés à réseaux colorés.

Au lieu de séparer les trois images correspondant au rouge, au vert et au bleu, on peut les imbriquer les unes dans les autres, ce qui élimine automatiquement le problème de leur superposition. Cette méthode avait été proposée dès 1868 par le Français Ducos du Hauron, et mise en application à partir de 1907 par les frères Lumière, avec leurs plaques photographiques Autochrome.

Parmi les nombreux procédés cinématographiques imaginés à partir de ce principe, le seul qui déboucha sur quelques applications pratiques fut le Dufaycolor, mis au point en Grande-Bretagne vers 1935 à partir des travaux du Français L. Dufay. Dans ce procédé, le support était recouvert, par impressions successives, d'un réseau transparent constitué de bandes rouges et de bandes où alternaient rectangles verts et bleus, sur lequel on passait ensuite une couche sensible noir et blanc. La prise de vues s'effectuait à travers le support, chaque élément du réseau servant de filtre. À la projection, on procédait en sens inverse : compte tenu de la finesse du réseau (50 bandes au mm), les trois images colorées se fondaient visuellement, ce qui assurait la synthèse recherchée.

En développement inversible, le procédé donnait des résultats satisfaisants. Pour le tirage des copies, il fallait que l'image noir et blanc de la copie trouve exactement sa place derrière son propre réseau coloré : la difficulté était à peu près insurmontable, et le procédé fut abandonné. (La seule tentative ultérieure fut celle de Polaroïd, avec les films Super 8 à développement instantané de son système Polavision.)

La synthèse additive par images imbriquées connut une éclatante revanche avec la télévision en couleurs, où l'image formée sur l'écran du récepteur résulte de la juxtaposition de plusieurs centaines de milliers de points rouges, verts et bleus qui se fondent visuellement, comme dans le Dufaycolor, en raison de leur extrême petitesse.

Les films gaufrés.

Une troisième méthode, a priori fort élégante, de synthèse additive trichrome reposait sur les travaux des Français Berthon et Keller-Dorian. Le principe consiste à « gaufrer » le support, par pressage, pour y former une multitude de fines cannelures cylindriques ; la couche sensible noir et blanc est située sur l'autre face, demeurée plane, du support (figure 1a). La prise de vues s'effectue à travers le support, l'objectif de la caméra étant coiffé d'un filtre fixe en trois parties : en chaque point de l'image, les cannelures, agissant comme autant de minuscules lentilles, séparent les rayons lumineux issus des trois parties du filtre (figure 1b). À la projection, on procède en sens inverse.

Après des démonstrations effectuées dans les années 20 sous le nom de « procédé KDB », le film gaufré fut commercialisé vers 1930 en 16 mm inversible, à l'intention des amateurs, sous des noms de marque (Kodacolor, Agfacolor) qui allaient ensuite être repris pour des procédés soustractifs. La faible sensibilité (quelques ASA) n'autorisait guère que le tournage en plein soleil, et des franges colorées apparaissaient à la projection par suite de la difficulté à obtenir, et surtout à maintenir lors des manipulations du film, des cannelures d'une précision parfaite.

En cinéma professionnel, outre les problèmes ci-dessus, on se heurtait, pour les mêmes raisons qu'en Dufaycolor, au problème du tirage des copies. Dans l'immédiat après-guerre, il vint à l'idée de certains de tourner sur film gaufré, ce qui évitait d'avoir recours à l'énorme caméra Technicolor, et d'extraire en laboratoire trois sélections noir et blanc distinctes destinées à un tirage Technicolor. À l'instigation des promoteurs de cette méthode, Jour de fête (1947) de Jacques Tati fut ainsi entièrement tourné sur film gaufré. Il se révéla malheureusement impossible, à l'époque, d'extraire les sélections, et Jour de fête fut monté à partir du négatif noir et blanc enregistré à toutes fins utiles par une seconde caméra.

En 1995, à l'occasion du « premier siècle » du cinéma, les éléments couleurs originaux retrouvés ont été restaurés et il a été techniquement possible d'établir, à partir de ces éléments de la version couleurs, un nouveau négatif couleurs standard qui a permis de tirer des copies d'exploitation 35 mm couleurs exploitées en salle.

Les procédés soustractifs.

La synthèse additive n'était pas la bonne solution : pour que le cinéma en couleurs s'impose, il fallait que les copies en couleurs soient aussi simples à projeter qu'une copie noir et blanc ou une copie « coloriée ». Parmi tous les procédés additifs, seuls les procédés à réseau auraient pu offrir cette simplicité. Mais ils se heurtaient de toute façon à l'obstacle majeur de la synthèse additive : la nécessité de tripler la puissance lumineuse de la lanterne si l'on veut obtenir un éclairement satisfaisant de l'écran ( COULEUR).

La solution correcte était donc la synthèse soustractive ( COULEUR), grâce à laquelle la couleur entra dans les mœurs dès les années 20 pour finalement conquérir presque totalement le cinéma à partir des années 50.

Le premier procédé soustractif de l'histoire du cinéma fut le Kodachrome (nom de marque qui serait repris plus tard pour un procédé tout à fait différent), breveté en 1915 par J. G. Capstaff. Grâce à un prisme diviseur placé derrière l'objectif, la caméra enregistrait deux négatifs noir et blanc derrière des filtres respectivement rouges et verts. Au tirage, ces deux négatifs étaient d'abord tirés sur deux couches sensibles coulées de part et d'autre d'un même support. Par virage, les deux images noir et blanc ainsi obtenues étaient ensuite amenées en couleurs complémentaires de celles des filtres de prises de vues, soit : rouge-orangé et bleu-vert.