Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

ÉCLAIRAGE. (suite)

Même sans désir de dramatisation, il est plus agréable qu'un acteur qui se déplace passe dans des zones (relativement) sombres et dans des zones éclairées, sinon la scène paraîtra plate. On rejoint ici le fait que le cinéma est mouvement. Il ne faut pas figer l'image au nom de la « belle image ». Il faut inventer à chaque fois une dynamique de la lumière. Le mouvement est spatial, comme on vient de le voir. Il est aussi temporel : on n'éclaire pas de la même manière quelque chose qui restera cinq secondes sur l'écran et quelque chose qui y restera deux minutes. On doit également tenir le plus grand compte de la place du plan dans le déroulement du film : qu'y a-t-il avant, et après ? Ce choc possible, ou cet accord possible, de deux images successives et différentes, les peintres ne pouvaient pas le prévoir.

De toute manière, dans l'éclairage d'une scène, il faut s'assurer qu'il existe un contraste suffisant — de couleur et de luminosité — entre les éléments filmés : le décor, les acteurs et leurs vêtements. La couleur facilite les choses, certes, par rapport au noir et blanc, mais on doit rester attentif.

Autre piège à éviter : les ombres multiples. Si les acteurs sont assez loin des murs, les ombres se perdent au sol. Sinon, il faut appliquer la règle : une seule source visible, une seule ombre.

On peut aussi souhaiter adoucir l'apparence d'un visage, féminin en particulier, ou vouloir en gommer les imperfections, ou effacer « des ans l'irréparable outrage ». Pour cela, on emploiera une lumière douce et diffusée, ou bien on placera, devant l'objectif de la caméra, un diffuseur en verre, un morceau de tulle, un bas de soie. Cette technique du soft focus (utilisée, dit-on, dès 1916) est rapidement devenue indispensable à la photogénie des stars. Les maquilleurs apportent ici une contribution essentielle.

Jusque-là, on a considéré implicitement que la scène était éclairée pour un axe donné de prise de vues. Lorsque la caméra se déplace — soit pendant le plan, soit entre deux plans —, il faut redonner la même atmosphère dans un autre axe en donnant cependant l'impression d'avoir respecté les directions de lumière établies pour le plan principal, et ce (parfois) en faisant le tour du décor sur 360°. C'est tout l'art de l'opérateur que de savoir pratiquer cette tricherie volontaire au service de la fidélité du propos initial. De même, il arrive fréquemment (par ex. pour une question de disponibilité d'un acteur) qu'une scène soit interrompue et reprise plusieurs jours ou plusieurs semaines plus tard. L'opérateur doit pouvoir se souvenir de l'organisation de son éclairage, de l'emplacement, du nombre et du type de projecteurs utilisés, de manière à reconstituer un éclairage qui raccorde avec l'éclairage initial.

Les prises de vues hors studio. En extérieurs, il est souvent nécessaire, comme on l'a vu, de comprimer le contraste en éclairant ce qui se trouve à l'ombre ou à contre-jour. Comme il faut pour cela beaucoup de lumière, on emploie des arcs, des projecteurs HMI ou des panneaux réflecteurs.

Par temps gris, un jeu de lumière artificielle permet de modeler les personnages. En contrebalançant la lumière naturelle provenant du plafond de nuages, lumière qui n'éclaire pas les yeux et donne un regard « mort », on rend les visages plus vivants.

On peut même, avec des arcs, continuer le tournage d'une scène si le soleil vient à disparaître. Il faut toutefois se placer devant un fond éclairable et travailler en plans relativement rapprochés, pour n'avoir pas à éclairer une trop grande surface.

Un cas particulier d'extérieur est le tournage à l'intérieur d'une voiture qui roule. On retrouve ici les mêmes problèmes que dans un intérieur réel avec vue sur l'extérieur : il faut éclairer à l'intérieur de la voiture. On est alors amené à placer un petit groupe électrogène sur le toit ou dans une remorque, ou bien à faire porter ou tracter la voiture par un véhicule portant ce groupe. (On peut aussi utiliser des batteries puissantes.) Cela permet d'alimenter des projecteurs installés soit sur le véhicule porteur ou tracteur, soit en déport, à l'extérieur de la voiture elle-même, à l'aide de tubes et de colliers d'assemblage. De nuit, le problème est plus simple, car il faut évidemment moins de lumière : quelques lampes quartz de 50 à 100 W, alimentées par la batterie de la voiture, suffisent. (Une tout autre solution, pour ce genre de scène, consiste à tourner en studio devant une transparence [ EFFETS SPÉCIAUX].)

En intérieurs réels filmés de jour, la lumière provient en partie des fenêtres, en partie des projecteurs. La seule lumière du jour est en effet rarement adéquate, sauf pour un plan isolé où les personnages sont situés tout près de la fenêtre.

Le problème est ici de mélanger deux sources de lumière dont les températures de couleur sont différentes : environ 5 600 K (kelvins) pour la lumière du jour, 3 200 K pour les sources artificielles à incandescence. Les arcs peuvent apporter une réponse mais seulement dans un très grand décor, un hall de gare par exemple. Dans la plupart des cas, ils sont impraticables, en raison de leur taille et de leurs émissions de fumée et de chaleur qui rendent le décor rapidement invivable.

Deux possibilités s'offrent alors. On peut placer sur les fenêtres des filtres qui abaissent la température de couleur de la lumière extérieure. (Ces filtres, éventuellement combinés avec du gris neutre pour réduire le flux lumineux entrant, existent en grands rouleaux de 1, 20 m de large sur une vingtaine de mètres. Ils existent aussi en panneaux rigides.) Mais on ne peut plus ouvrir la fenêtre, ce qui ne fait pas nécessairement l'affaire de la mise en scène.

L'autre possibilité consiste à filtrer en bleu la lumière des lampes à incandescence pour élever sa température de couleur. (Bien entendu, on place alors sur la caméra le filtre correspondant au tournage en lumière du jour.) L'inconvénient est ici qu'on perd environ 40 p. 100 de la puissance lumineuse des lampes. Actuellement, une bonne solution est apportée par les lampes HMI, qui émettent une lumière comparable à celle du jour tout en chauffant peu, en consommant peu de courant et en se prêtant à des matériels peu encombrants.