Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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LETERRIER (François)

cinéaste français (Margny-lès-Compiègne 1929).

Il aborde le cinéma en interprétant le rôle principal d'Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson (1956), puis devient l'assistant de Louis Malle et passe à la réalisation. Les Mauvais Coups (1961) ne sont qu'une adaptation scrupuleuse du roman de Roger Vailland, mais Un roi sans divertissement (1963), d'après Giono, est un grand film lyrique incompris. Son échec, suivi de celui de la Chasse royale (1969), a semblé condamner Leterrier à des tâches alimentaires : Projection privée (1973) ; Va voir maman, papa travaille (1978) ; Good-bye Emmanuelle (id.) ; Je vais craquer (1980) ; Quand tu seras débloqué, fais-moi signe (1981) ; le Garde du corps (1984) ; Tranches de vie (1985).

LETH (Joergen)

cinéaste danois (Aarhus 1937).

Auteur de courts métrages expérimentaux dès 1963 et de documentaires originaux sur le jazz, le sport ou les nouveaux comportements sociaux, il est consacré dans les années 1970 comme un documentariste élégant échappant à toute classification avec notamment la Vie au Danemark (Livet i Danmark, 1971), où les personnages filmés se mettent en scène eux-mêmes, et 66 Scener fra Amerika (1981), film dans lequel le rapport entre les mots et l'image n'est pas sans évoquer un Chris Marker. Il réalise d'originales fictions : le Bien et le Mal (Det gode og det onde, 1975, primé dans plusieurs festivals ouverts au cinéma expérimental), Notes sur l'amour (Notater om kaerligheden, 1989) et Haïti Express (Udenrigs korrespondenten, 1982).

Il n'abandonne pas les techniques plus traditionnelles en réalisant des reportages sportifs comme : Un dimanche en enfer (En forar sdag i Helvede, 1976), sur une course cycliste filmée avec vingt-sept caméras. Mais ses documentaires deviennent plus personnels ; ils sont parfois déterminés uniquement par le montage ou le collage, et dépourvus de commentaire. C'est le cas de Det legende menneske (Moments of play, 1986), diffusé dans de nombreux pays. Avec Notebook from China (1986), sorte de ciné-journal, sa méthode s'apparente à celle de Johan Van der Keuken. Ses productions se raréfient dans les années 90, avec seulement trois titres en dix ans, dont Haïti – Uden titel (Haïti – sans titre, 1996), cahier de son retour dans l'île où il avait tourné en 1982.

LETHEM (Roland)

cinéaste belge (Bruxelles 1942).

Grand amateur d'érotisme et de science-fiction – il collabore à la revue Midi-Minuit fantastique et à des ouvrages sur ces thèmes –, Lethem passe à la réalisation en 1964 avec le court métrage Double Insomnie. Rapidement, son goût de la provocation, doublé d'une esthétique baroque et surréalisante, l'impose comme le plus iconoclaste des court-métragistes belges, proche en cela du courant underground international. En 1971, l'auteur réunit ses principales œuvres sous le titre évocateur de Cinq Éjaculations dans le système. En effet, la Ballade des amants maudits (1967), les Souffrances d'un œuf meurtri (1967), la Fée sanguinaire (1968), le Sexe enragé (1969) et le Vampire de la cinémathèque (1970) font le point sur les obsessions asociales et le penchant pour la parodie du cinéaste. Lethem aborde le long métrage avec Bande de cons (1970) et l'Imagination au pouvoir, le saigneur est avec nous (1974) ; ce film nous vaut d'étonnantes séquences au banc-titre. Le Dernier Chant de Marilyn (1979) allie projet expérimental et spiritisme. En 1983, Lethem mène à terme un long métrage consacré à une voyante : la Saga de Madiana puis, en 1989, Hotel Party.

LETO (Marco)

cinéaste italien (Rome 1931).

Après une activité de critique cinématographique, il travaille comme assistant de Franco Rossi et de Vancini et collabore à plusieurs scénarios. Il débute comme réalisateur à la télévision, où il dirige de nombreux feuilletons historiques et romanesques. Son premier film pour le cinéma, La villeggiatura (id., 1973), drame psychologique axé sur le conflit entre un intellectuel antifasciste et le gardien qui le surveille pendant sa relégation, obtient un succès international et relance en Italie les thèmes de la Résistance. Son deuxième film est moins réussi, Al piacere di rivederla (1976), comédie policière d'après un roman de Paolo Levi. Il réalise ensuite plusieurs films pour la télévision.

LETTRISME.

Mouvement fondé par Isidore Isou en 1945 à Paris. D'abord voué à la poésie sonore, il renouvelle en 1951-52 le cinéma expérimental français et anticipe parfois sur les réalisations du cinéma expérimental international. Pour Isou et ses amis, le cinéma, comme tout art, passe par deux phases : amplique, où il se développe, et ciselante, où il réfléchit sur ses moyens et se dépouille jusqu'à l'autodestruction. Ciselants sont les films lettristes : de la non-synchronisation de la bande images et de la bande sonore (Traité de bave et d'éternité d'Isou, 1951) ou de l'intervention directe à la peinture sur la pellicule impressionnée (dans les films de Maurice Lemaître), ils vont vers la réduction ad minimum de l'image (l'Anticoncept de Gil Wolman, 1952 ; Hurlements en faveur de Sade de Guy-Ernest Debord, id.), jusqu'à sa disparition totale (Tambours du Jugement premier de François Dufrêne, id.), au profit de riches bandes sonores. En même temps, tout en incorporant l'écran et la salle à l'œuvre (le « syncinéma » de Lemaître), ils font de plus en plus place à un cinéma imaginaire, à la charge du spectateur et variant à chaque séance (films « infinitésimaux et super-temporels » d'Isou, Lemaître ou Roland Sabatier). À côté de ce cinéma « conceptuel » avant qu'il n'en soit encore question, des lettristes font des films plus figuratifs : Gabriel Pomerand ou Jean-Louis Brau en 1952 ; Marc'O ; Pierre Jouvet (Théophanie, 1977).

LEUNG (Leung Chiu-wai, dit Tony)

acteur chinois (Canton 1962).

Il se fait connaître à travers des feuilletons pour la chaîne de télévision TVB. En 1983, il décroche son premier rôle au cinéma (Mad Mad 83, Feng kuang ba san, Yuen Chow), puis enchaîne rapidement de nombreux films, comme Love unto Waist (Stanley Kwan, 1986). Possédant un jeu basé sur le regard et le geste, il est magnifique en photographe sourd et muet dans la Cité des douleurs (Hou Hsiao-hsien, 1989). L'année suivante, il collabore avec John Woo (Une balle dans la tête) et interprète un personnage complexe, proche de celui de Robert De Niro dans Voyage au bout de l'enfer (Michael Cimino, 1978). Sa rencontre avec Wong Kar-waï est décisive. S'il apparaît peu dans Nos années sauvages (1990), ses rôles de chevalier et de policier amoureux marquent les Cendres du temps (1994) et Chungking Express (id.). Il continue à jouer dans des films plus commerciaux qui assurent sa popularité, comme Histoires de fantômes chinois 3 (Ching Siu-tung, 1991) ou À toute épreuve (John Woo, 1992). En 1995, il incarne un poète pour Tran Anh-hung (Cyclo). Dans Happy Together (Wong Kar-wai, 1997), en homosexuel exilé souffrant d'une séparation, il casse son image glamour ; Hou Hsiao-hsien l'utilise aussi à contre-emploi, lui offrant le rôle d'un introverti, lâche et ennuyeux dans les Fleurs de Shanghai (1998). En 2000, il obtient le prix d'interprétation au Festival de Cannes (In the Mood for Love, Wong Kar-waï).