Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JARL (Stefan)

cinéaste suédois (Skara 1941).

Diplômé de la toute récente école de cinéma de Stockholm en 1966, il est d'abord directeur de production pour Stig Björkman, Maï Zetterling, Per Berglund, et publie des articles dans des revues de cinéma. Auteur de documentaires engagés, fermement indépendant, producteur de ses propres films, il intervient aussi dans la diffusion alternative et dans l'exploitation. Ses premiers documentaires relèvent de la critique sociale. Ainsi, On nous appelle les Mods (Dom kallar oss Mods, 1969) s'intéresse à des marginaux rejetés par les circuits de l'aide sociale, qu'il retrouvera dans Une vie respectable (En anständigt liv, 1979) – un film qui restera une année entière à l'affiche dans un cinéma de Stockholm. Il donnera un troisième volet à ce travail en 1994 avec le Contrat social (Det sociala arvet). Il fait de nombreuses interventions sur le terrain des luttes écologiques, dont la Vengeance de la Nature (Naturens hämmd, 1983), la Menace (Hotet,1986) – un terrible documentaire sur les conséquences de l'accident de Tchernobyl sur la vie en Laponie, largement diffusé hors de la Suède – et Le temps n'a pas de nom (Tiden har inget namm, 1989). Ses préoccupations écologiques l'amènent à produire et à réaliser deux films pour enfants sur le thème de la défense de la Nature et la protection de la vie sauvage : Des gens bien (Goda människor, 1990) et Combattant pour la nature (Jag är Din krigare, 1997).

JARMAN (Derek)

cinéaste britannique (Nothwood, Middlesex, 1942 - Londres 1994).

Il étudie la peinture à la Slade School of Fine Arts (1963-67) et devient décorateur pour le Royal Ballet et le film de Ken Russell, les Diables (1970). Auteur de courts métrages et de clips publicitaires en Super 8 et vidéo, il tourne simultanément des longs métrages et fait sensation avec Sebastiane (CO Paul Humfress, 1975), originale évocation de la vie du saint et hymne fervent au corps masculin, avec des dialogues en latin. La composante homosexuelle de son inspiration réapparaît dans Jubilee (1977), The Tempest (d'après Shakespeare, 1979), Angelic Conversation (sur les sonnets de Shakespeare, 1985) et le somptueux Caravaggio (1986). Son épisode (Louise, d'après l'opéra de Gustave Charpentier) du film collectif Aria (1987), montre une tendresse inattendue pour le personnage de la petite couturière. Son goût constant de l'insolite volontiers provocant, souvent manifesté par un style visuel de type « underground », éclate dans The Last of England (1987), pamphlet grinçant et convulsif sur la fin de l'Empire britannique, mais son écriture est plus apaisée dans le grandiose War Requiem (1989), inspiré et magnifié par la puissante partition de Benjamin Britten. Après The Garden (1990) et un Edward II esthétique et volontairement anachronique, Jarman réalise entièrement en studio Wittgenstein (1992), évocation à la fois ironique et dramatique du philosophe autrichien établi à Cambridge. Atteint par le sida, il tourne Blue (1993), un film-limite où des voix off relatent des fragments de sa vie quotidienne sur une image uniformément bleue. C'est à la fois un testament sur l'attente de la mort et l'aboutissement forcé de ses recherches sur l'image.

Autres films :

In the Shadow of the Sun (MM, 1980); The Dream Machine (1983); Glitterbug (CO David Lewis, compilation par Jarman lui-même , juste avant sa mort, de ses oeuvres en super-8 des années 1971 à 1986). ▲

JARMUSCH (Jim)

cinéaste américain (Akron, Ohio, 1953).

Avec deux films, Stranger Than Paradise (1984) et Down by Law (1985), Jim Jarmusch est devenu un réalisateur fétiche pour toute une génération. La pratique de son cinéma comme celle de quelques confrères parfois proches de lui (Eric Mitchell, Amos Poe, Sara Driver, Mark Rappaport) le rapproche de la première vague du cinéma indépendant new-yorkais du début des années 60 : esthétique minimaliste, noir et blanc, acteurs peu connus. Il avait signé auparavant un film de diplôme, Permanent Vacation (1980), errance dans Manhattan d'un jeune adolescent. Héritier à la fois de la Nouvelle Vague française, du cinéma tchèque des années 60 et de Wim Wenders, qui l'a soutenu, Jarmusch a su toucher une sensibilité contemporaine faite de désœuvrement, d'humour, de vagabondage et de dérision. Dans Down by Law, il a même su intégrer à son univers l'acteur comique italien Roberto Benigni. Ses films, contemplatifs et cool, de structure musicale, établissent un pont entre la sensibilité américaine et la culture européenne. En 1989, il signa Mystery Train, troisième volet d'une trilogie sur l'Amérique contemporaine où l'on retrouve son goût des dérives désenchantées, musicales et humoristiques, puis Coffee and Cigarettes (id., id.), Night on Earth (id., 1991) et en 1995, Dead Man (id.), un étrange western initiatique. Après un documentaire consacré au musicien Neil Young (Year of the Horse, 1997), il revient à son ton détaché lent qu'il applique à un film d'action, Ghost Dog, la voie du samouraï (Ghost Dog, 1999).

JAROV (Mikhaïl) [Mihail Ivanovič Zarov]

acteur soviétique (Moscou 1899 - id. 1981).

Après des études théâtrales, il joue au Théâtre Kamerny à partir de 1931, puis, dès 1938, au Maly. Ses débuts au cinéma datent de 1924 dans Aelita (Y. Protazanov). On le voit ensuite dans la Fièvre des échecs (V. Poudovkine, 1925) et Miss Mend (B. Barnet et F. Ozep, 1926). Mais, son prestige et sa popularité considérables, il les doit à son interprétation du chef des voyous dans le Chemin de la vie (N. Ekk, 1931), où il s'impose par sa rondeur et sa faconde, par son cynisme et sa truculence. Souvent confiné dans les personnages négatifs, il incarne des figures peu sympathiques dans le Retour de Maxime et le Quartier de Vyborg (G. Kozintsev et L. Trauberg, 1937 et 1939). Mais il tient la vedette avec beaucoup d'abattage et d'humour aux côtés du tsar dans les deux époques de Pierre le Grand (V. Petrov, 1937-1939), puis il interprète avec un satanisme saisissant l'âme damnée d'un autre tsar dans Ivan le Terrible (S. M. Eisenstein, 1942-1946). On le verra encore dans Mitchourine (A. Dovjenko, 1948), Vassa (G. Panfilov, 1982), toujours avec la même étonnante présence.