Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CRIMINEL (cinéma). (suite)

Un motif fréquent est celui d'une grande fête du gang qu'interrompt un sanglant règlement de comptes. Dans les Nuits de Chicago, Buck Mulligan est tué pendant le « Carnaval diabolique » des gangsters ; dans The Beast of the City, le triomphe de Belmonte prélude à une bataille rangée ; dans Traquenard (N. Ray, 1958), situé à Chicago dans les années 20, un banquet se termine par l'élimination d'un rival. Le motif a été utilisé avec bonheur dans la comédie de Wilder Certains l'aiment chaud (1959) : les gangsters armés de mitraillettes sont cachés dans le gâteau du banquet.

En majeure partie, les films criminels ont pour cadre une grande ville américaine : New York bien sûr, mais aussi Chicago (gangsters de la prohibition), Los Angeles (adaptations de Chandler ou L. A. Confidential), San Francisco (adaptations de Hammett). L'ensemble du genre est ainsi associé à la poésie visuelle et à la menace que recèlent les métropoles. Innombrables sont les scènes situées la nuit, dans des rues désertes dont le pavé est humide, où roulent des automobiles souvent annonciatrices de mort, où guettent des silhouettes en chapeau mou et en imperméable. De nombreux titres originaux font allusion à la ville, à la nuit et à l'ombre : qu'il suffise de mentionner Night and the City (les Forbans de la nuit) et While the City Sleeps (la Cinquième Victime). La symbolique urbaine liée à l'ombre, la pluie, voire la boue, atteint une insistance particulière dans Seven (David Fincher, 1995).

Cette iconographie n'est cependant pas immuable. Il arrive que le film criminel contemporain s'inscrive dans son prolongement (Mean Streets de Scorsese, 1973) ; mais, le plus souvent, la généralisation de la couleur et les progrès de l'arsenal technologique ont permis d'élargir le registre diurne de la violence urbaine. Une figure obligée du genre devient la poursuite spectaculaire en voiture : Bullitt (P. Yates, 1968) ; French Connection, ou en hélicoptère (Tonnerre de feu, John Badham, 1983 ; l'Arme fatale, R. Donner, 1987). Ces morceaux de bravoure procèdent d'une recherche systématique de l'« effet de choc ». Ils transforment l'espace urbain en champ de bataille et l'activité policière en une guerre sans merci. Le conflit flics-gangsters gagne en intensité ce qu'il perd en subtilité. Le gangster y renonce à son humanité (résurgence des tendances caricaturales et manichéennes du sérial), et le policier aussi, qui va jusqu'à se transformer en machine (Robocop de Paul Verhoeven, 1987).

Élégance voyante, armes à feu, femme fatale, la ville la nuit, sur une musique jazzée : de ces éléments empruntés au film noir mais aussi au film de gangsters, Minnelli fait la matière d'un ballet (Girl Hunt Ballet) dans Tous en scène (1953). De même, Mankiewicz, dans Blanches Colombes et Vilains Messieurs (1955), d'après Damon Runyon ; le joueur professionnel qu'y interprète Brando rappelle, par son allure, le gangster de The Regeneration de Walsh (1915) : témoignage de la pérennité d'une iconographie. Silhouette stéréotypée, le gangster peut aisément devenir personnage de comédie (Certains l'aiment chaud avait été précédé par Grande Dame d'un jour de Capra, 1933, également d'après Damon Runyon, et par Toute la ville en parle de Ford, 1935), de même qu'il peut être transposé hors de son cadre urbain pour apparaître dans un désert d'Arizona clairement théâtral (Bogart/Duke Mantee dans la Forêt pétrifiée d'Archie Mayo, 1936, d'après la pièce de Robert E. Sherwood).

Nombre de films criminels utilisent d'ailleurs à de saisissantes fins de contraste un motif pastoral (la Grande Évasion, la Griffe du passé, Quand la ville dort) ; d'autres ont enveloppé de leur ombre menaçante de petites villes bien tranquillement américaines, ainsi que des stations-service et des « diners » (restaurants de routiers) isolés au bord d'une nationale : cf. l'Ombre d'un doute de Hitchcock ou Crime passionnel (Preminger, 1945), les Tueurs de Siodmak ou Le facteur sonne toujours deux fois (Tay Garnett, 1946 ; Bob Rafelson, 1981).

CRISP (Donald)

cinéaste et acteur britannique (Aberfeldy, Écosse, 1880 - Los Angeles, Ca., 1974).

Après son arrivée à New York en 1906, il commence une carrière de chanteur d'opéra, puis devient l'assistant de D. W. Griffith. De 1914 à 1930, il réalise une soixantaine de films muets dont deux restent célèbres : la Croisière du Navigator (The Navigator, CO B. Keaton, 1924) et Don X, fils de Zorro (Don Q, Son of Zorro, où il dirige Douglas Fairbanks, 1925). Mais il est surtout connu pour son impressionnante carrière d'acteur. Deux créations célèbres : le boxeur tyrannique du Lys brisé (D. W. Griffith, 1919) et Mr. Morgan de Qu'elle était verte ma vallée (J. Ford, 1941), qui lui valut un Oscar (best supporting actor).

Films

(acteur) : Home, Sweet Home (D. W. Griffith, 1914) ; Naissance d'une Nation (id., 1915, [il interprète le général Grant]) ; le Pirate noir (The Black Pirate, Albert Parker, 1926) ; le Retour de Sherlock Holmes (B. Dean, 1929) ; les Révoltés du Bounty (F. Lloyd, 1935) ; Marie Stuart (J. Ford, 1936) ; la Charge de la brigade légère (M. Curtiz, id.) ; la Vie d'Émile Zola (W. Dieterle, 1937) ; la Vallée des géants (Valley of the Giants, W. Keighley, 1938) ; l'Insoumise (W. Wyler, id.) ; les Hauts de Hurlevent (id., 1939) ; l'Aigle des mers (Curtiz, 1940) ; Docteur Jekyll et M. Hyde (V. Fleming, 1941) ; les Aventures de Mark Twain (I. Rapper, 1944) ; quatre films de la série des Lassie (1943-1949) ; Prince Vaillant (H. Hathaway, 1954) ; Ce n'est qu'un au revoir (J. Ford, 1955) ; l'Homme de la plaine (A. Mann, id.) ; la Dernière Fanfare (J. Ford, 1958) ; Pollyanna (D. Swift, 1960) ; la Montagne des neuf Spencer (D. Daves, 1963).

CRISPIN (Jeannine Crépin, dite Jeanine)

actrice française (Paris 1911 - id. 2001).

Avant la guerre, elle a promené sa blondeur et ses mines volontiers boudeuses à l'Odéon, chez Jouvet et, en 1945, à la Comédie-Française, où elle reste peu de temps. Le cinéma l'emploie dans des rôles de Slave exubérante : Tarass Boulba (A. Granowski, 1936) ou passionnée : Nostalgie (V. Tourjansky, 1937). Elle pare d'un romanesque souriant des évocations de musiciens célèbres dans la Chanson de l'adieu (Geza von Bolvary et A. Valentin, 1934) et la Guerre des valses (L. Berger, 1933). On la remarque aussi dans Du haut en bas (G. W. Pabst, 1933) et dans le Bataillon du ciel (Alexandre Esway, 1947), une de ses dernières apparitions à l'écran.