Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
K

KAZAN (Elia Kazanjoglou, dit Elia) (suite)

Autres films :

It's Up to You (DOC, 1941) ; le Maître de la prairie (The Sea of Grass, 1947) ; Man on a Tightrope (1953). ▲

KEACH (Stacy)

acteur américain (Savannah, Ga., 1941).

Fils de comédien, il débute à l'écran dans le personnage de Blount, le vagabond du Cœur est un chasseur solitaire (R. E. Miller, 1968). Il trouve ses meilleurs rôles dans Au bout du chemin (A. Avakian, id.), Brewster McCloud (R. Altman, 1970), la Ballade du bourreau (J. Smight, id.), Doc Holliday (F. Perry, 1971), Fat City (J. Huston, 1972), Les flics ne dorment pas la nuit (The New Centurions, R. Fleischer, id.), Juge et Hors-la-Loi (Huston, id.), Luther (Guy Green, 1973). Sa curieuse figure, dure, mobile, comme un masque capable de trahir ce qu'il cache ou ce qu'il protège, n'a malheureusement plus eu l'occasion de se faire valoir. Il joue en compagnie de son frère James Keach dans le Gang des frères James (W. Hill, 1980). Au cours des années 80, il apparaît davantage à la télévision qu'au cinéma. On le remarque néanmoins en 1990 dans Milena de Vera Belmont aux côtés de Valérie Kaprisky.

KEATON (Joseph Francis Keaton, dit Buster)

acteur, scénariste et cinéaste américain (Piqua, Kans., 1895 - Woodland Hills, Ca., 1966).

Enfant de la balle, initié on ne peut plus tôt, puisqu'on le voit sur scène dès l'âge de trois ans, au vaudeville, aux variétés et à l'acrobatie, le jeune Keaton, surnommé Buster par Harry Houdini alors qu'il est encore au berceau, partage la vie itinérante de sa famille. En dépit de la dégradation progressive des spectacles et des talents paternels, il parvient à une notoriété certaine et décide, en 1917, de tenter sa chance de son côté. Le hasard lui fait connaître Roscoe « Fatty » Arbuckle. Il se joint à sa compagnie, dont le producteur est Joseph M. Schenck, participe à des pochades (Fatty garçon boucher), suit la Comique (ou Comicque) Film Corp. de New York à la côte Ouest. Mobilisé en juin 1918, il passe sept mois en France sans voir le front. En 1919, Keaton retrouve Comique Film après avoir décliné les offres de contrat de Jack Warner et de William Fox. C'est alors que « Fatty » Arbuckle passe à la Paramount, après leur dernier film commun : Fatty et Malec mécanos ; Schenck fonde aussitôt les Buster Keaton Comedies. Buster en prend la direction et tourne dix-neuf courts métrages en deux ans ; il joue également en premier rôle dans Ce crétin de Malec (The Saphead, Herbert Blache, 1920), qui le consacre l'égal de « Charlot », c'est-à-dire étoile de première grandeur. La même année, il réalise ses premiers shorts en deux bobines, dont la Maison démontable, qui est comme une préface à son œuvre étonnante. Soulignons qu'il est le seul des grands comiques de l'époque à n'être pas sorti de l'usine burlesque de Sennett.

Maître d'œuvre, Keaton acteur endosse dans ses courts métrages, sous les défroques de Malec ou de Frigo, son personnage futur, si proche dans le temps, oublieux déjà des fous rires et des farces (souvent assez vulgaires) de Fatty Arbuckle, et répugnant tout à fait aux gags éculés. Son apprentissage familial et mouvementé l'a rompu (pour un peu, aux deux sens du terme : il est arrivé à son père, Joe Keaton, de le jeter, comme un projectile naturel, à la tête d'un spectateur protestataire), non seulement à l'athlétisme, ou au mime, mais aux secrets de la comédie et de la vie sur le plateau. L'initiative du cinéma lui est donnée aux côtés d'Arbuckle, de Al St. John, Eddie Cline, Malcolm St. Clair, puis bientôt de Clyde Bruckman avec qui il collaborera étroitement pour plusieurs scénarios et qui sera après Ed Cline son coréalisateur préféré.

Ce qui est remarquable, dès le médiocre Fatty garçon boucher, c'est l'aisance avec laquelle l'acteur de théâtre devient acteur de cinéma. Sans hésitation ni transition, il joue déjà un autre jeu que celui de cette farce. La silhouette imperturbable est dessinée, le masque si subtilement animé par le seul regard est fixé. L'accoutrement, le couvre-chef peuvent à l'avenir être échangés à l'infini, le masque demeure pur de toute altération : Buster n'y apporte, sauf erreur, de trompeurs accessoires que dans Frigo Fregoli (1921). C'est seulement à partir des films frelatés de la MGM, où il convient d'abîmer son image, que barbe et postiches divers, binocles professoraux ou faux cils et perruque de travesti lui sont imposés. Mais l'œuvre personnelle, alors, en 1929, est achevée. Après les batailles d'arrière-garde de l'acteur-auteur dont deux réussites, le Cameraman et le Figurant (son dernier film muet), sortent à peu près indemnes, le coup de grâce à l'indépendance de Keaton est assené dès 1930 par le premier parlant des sept films de cette veine, celui dont le titre relève de l'humour : Free and Easy. La MGM, qui avait « acheté » une vedette au sommet de sa gloire (Keaton n'était ni propriétaire ni actionnaire majoritaire de sa compagnie) et dont elle distribuait les films depuis 1923, se défendit de lui avoir retiré sa liberté d'action. Quoi qu'il en soit, une fois son équipe dissoute, où l'amitié complice servait efficacement le travail, la mécanique et l'administration autoritaire du grand studio démolirent jusqu'à la caricature une des plus belles figures de l'écran. On ne sait pas très bien pour quelles raisons Joe Schenck fit « passer » Buster chez son frère à la MGM. Toujours est-il qu'il brisa une carrière qu'il avait su lancer et laisser jusqu'alors libre de toute ingérence.

C'est à ce moment que sa vie privée semble se briser elle-même comme verre sur le divorce d'avec Natalie Talmadge, qui le ruine et le sépare de ses deux fils (1932). Ses autres mariages, avec Mae Scribbens (1933 ; divorce : 1935), puis Eleanor Norris, qu'il épouse en 1940, ne lui rendent pas un équilibre perdu, que le recours à l'alcool achève de détruire, comme il avait détruit Joe Keaton, son père. Buster doit subir plusieurs cures de désintoxication. Les années 40 ne sont qu'une lente et pénible survie : spots publicitaires, cirque, travaux alimentaires (gagman). En 1957, il est conseiller pour le film de Sidney Shelton, l'Homme qui n'a jamais ri (The Buster Keaton Story), où il est incarné non sans peine par Donald O'Connor. Des nombreuses apparitions de l'acteur dans des films oubliés à juste titre, il n'y a rien à dire, rien à retenir. Mais on peut se souvenir de la brève partie de cartes dans Boulevard du Crépuscule (B. Wilder, 1950) ou de son « rôle » dans le pâle Limelight de Chaplin (1952). Son véritable adieu d'acteur, nous le voyons dans un court métrage, tourné par Alan Schneider sur un sujet muet de Samuel Beckett, Film (1965), et dans les deux titres tournés au Canada l'année précédente, l'Homme du rail (Gerald Potterton, CM) et le reportage de 60 min sur le même film et réalisé par John Spotton, Buster Rides Again, tous deux diffusés en 1965.