Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GIROUD (Françoise Gourdji, dite Françoise)

journaliste et scénariste française (Genève 1916).

Avant de faire une carrière dans le journalisme (à Elle, puis à l'Express, dont elle est cofondatrice) et d'être promue secrétaire d'État à la Condition féminine puis à la Culture et à la Communication sous le septennat de Giscard d'Estaing, Françoise Giroud s'est imposée dans les « petits métiers » du cinéma : à quinze ans, elle était script-girl (de Marc Allégret, pour Fanny, 1932). Elle travaille, ensuite, à divers postes (scripte, assistante, scénariste, dialoguiste) avec Pierre Billon (Courrier Sud, 1937), Jean Renoir (la Grande Illusion, id.), Marcel L'Herbier (Au petit bonheur, 1946), Jacques Becker (Antoine et Antoinette, 1947), Jules Dassin (la Loi, 1958), Roger Vadim (les Liaisons dangereuses 1960, 1959), Jean Stelli, Gilles Grangier, Michel Boisrond, Francis Girod (le Bon Plaisir, 1984), Serge Leroy (le Quatrième Pouvoir, 1985). Au total, près d'une cinquantaine de films. C'est à elle que l'on doit, dans l'Express, l'invention de l'expression « Nouvelle Vague ».

GISH (Dorothy)

actrice américaine (Massillon, Ohio, 1898 - Rapallo, Italie, 1968).

Sa carrière est d'une certaine manière parallèle à celle de sa sœur cadette, Lillian, qui l'a un peu éclipsée. Elle débuta avec elle au théâtre en 1903 et fut engagée par Griffith, avec elle, en 1912. On la vit quelquefois en vedette unique : In Old Heidelberg (John Emerson, 1915) ; Nell Gwyn (H. Wilcox, 1926, GB) ; Madame Pompadour (id., 1927, id.). Mais, le plus souvent, elle fut le pendant pétulant et ironique de la plus prestigieuse Lillian (les Cœurs du monde, D. W. Griffith, 1918 ; les Deux Orphelines, id., 1922 ; Romola, H. King, 1924). Elle était elle-même une actrice gracieuse et brillante, que l'on vit au parlant dans de nombreux rôles de complément (Centennial Summer, O. Preminger, 1946 ; The Whistle at Eaton Falls, R. Siodmak, 1951 ; le Cardinal, Preminger, 1963).

GISH (Lillian)

actrice américaine (Springfield, Ohio, 1896 - New York 1993).

Elle et sa sœur Dorothy débutèrent très jeunes au théâtre. Lillian, à cinq ans, tourne déjà dans une compagnie enfantine qui compte Mary Pickford parmi la troupe. C'est cette dernière qui, plus tard, persuade David W. Griffith de donner leur chance aux deux sœurs, en 1912, dans An Unseen Enemy.

On serait tenté de voir en Lillian Gish la première actrice spécifiquement cinématographique. Au cours d'une carrière exemplaire et rigoureuse, qui va de Griffith à Robert Altman, Lillian Gish a couvert presque tout ce que le cinéma américain a été depuis ses origines. Sévère dans le choix de ses rôles et de ses cinéastes, elle peut être légitimement fière de ce qu'elle a accompli.

C'est au muet que ce qu'elle a de plus original et d'unique est le mieux perceptible. Modelée par Griffith, qui ne trouva plus chez aucun acteur cette souplesse et cette entente privilégiée, elle représente, dans le milieu des années 10, un idéal féminin fortement marqué par l'héritage victorien. Jeune fille virginale, à la petite bouche, aux paupières baissées et à la chaste et opulente chevelure, elle aurait pu être un cliché vivant dont le temps aurait impitoyablement accusé le ridicule. Mais Lillian Gish était d'une sensibilité peu commune et une actrice complète : par la force de sa personnalité, elle a donné à ses rôles l'éternité du classicisme.

En 1917, quand, après les grandes productions, Griffith revient à un certain intimisme dans les Cœurs du monde, Lillian Gish donne la pleine mesure de son génie, notamment dans cette scène extraordinaire où, pleurant nerveusement sur le cadavre de sa mère, elle crispe tout à coup son visage dans une expression de désarroi total. Griffith semble parfois perfectionner sa technique particulière du gros plan uniquement pour mettre en valeur le tempérament à la fois exceptionnel et sobre de l'actrice. Dans le bucolique Un pauvre amour (1919) ou dans le dickensien Lys brisé (1919), le visage de Lillian Gish, tantôt serein, tantôt torturé, joue le rôle d'une véritable ponctuation. On peut encore penser que c'est pour elle que Griffith s'orienta de plus en plus délibérément vers le mélodrame, érigeant avec À travers l'orage (1920) et les Deux Orphelines (1922) deux monuments du genre, fixant à jamais, en gros plans poétiques (fonds noirs, comme abstraits du réel), le dépouillement et la mobilité de l'expression de Lillian Gish. De fait, il se remit mal de la perdre et tenta vainement de la faire revivre en Carol Dempster.

Après avoir dirigé elle-même un film avec sa sœur Dorothy comme interprète (Remodeling Your Husband, 1920), Lillian Gish, de son côté, resta marquée à jamais par ce que Griffith avait fait d'elle : son personnage et sa manière de jouer. Pour Henry King, elle est, par deux fois, un lys de pureté dans les spectaculaires Sœur blanche (1923) et Romola (1924). Pour King Vidor (la Bohème, 1926), elle compose une Mimi idéale et totalement personnelle, jouant de son visage et de son corps : ainsi sa silhouette frêle et maladive qu'elle accroche désespérément à une charrette pour se traîner, mourante, jusqu'à Rodolphe. C'est elle qui décida du caractère chaste que devaient revêtir les scènes d'amour : ses lèvres ne devaient pas toucher celles de John Gilbert. Pruderie ? Certainement pas quand on constate le caractère complet et dense que Mimi acquiert dans son interprétation.

Pour Victor Sjöström, Lillian Gish tourne deux chefs-d'œuvre. Dans la Lettre rouge (1926), elle est Hester Prynne : innocente victime, délicatement colorée de sensualité, et finalement animée par la rage du juste. Inoubliable, son geste impétueux qui lui fait arracher l'austère bonnet qu'elle gardait pendant tout le film et qui libère, indomptée, sa chevelure en bataille dans un moment de joie. Dans le Vent (1928), c'est de son corps que Sjöström lui demande de jouer. Mince, voûtée, pliée par le vent et la douleur, elle était, en contrepoint à la beauté lourde et austère des images, la palpitation de la vie. Une interprétation qui est peut-être un des sommets de l'art de l'acteur du muet.