Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ALEKSANDROV (Grigori Mormonenko, dit Grigori) [Grigorij Vasil'evič Aleksandrov] (suite)

Sa carrière personnelle débute en 1934 avec les Joyeux Garçons (Veselye rebjata), comédie musicale (sur une partition fameuse de Dounaïevski) et burlesque qui fait figure d'archétype (avec le Bonheur, de Medvedkine, alors occulté) d'une tradition nationale de comédie légère d'où l'influence américaine n'est pas absente. Dans la même veine, il réalise ensuite le Cirque (Cirk, 1936) puis Volga Volga (1938) et la Voie lumineuse (Svetlyj put', 1940) : la vedette de ces quatre films est Lioubov Orlova, sa femme, une comédienne pleine de dynamisme et d'humour ; ces films ne sont pas seulement des divertissements mais aussi des satires de la bureaucratie, voire du racisme (le Cirque). Après la guerre il renoue, mais avec un moindre succès, avec cette inspiration drolatique et farfelue dans le Printemps (Vesna, 1947). La période de la guerre froide est marquée dans son œuvre par un film politique, Rencontre sur l'Elbe (Vstreča na El'be, 1949), vision engagée des relations soviéto-américaines. Puis il revient au genre musical avec une biographie, Glinka (Kompozitor Glinka, 1952) et deux films « expérimentaux » , D'homme à homme (Čelovek čeloveku, 1958) et Souvenir russe (Russkij suvenir, 1960). En 1966, il tourne Lénine en Suisse, un documentaire. En 1979, il signe une version de ¡ Que viva Mexico ! à partir du matériel original restitué par les Américains.

ALERME (André)

acteur français (Dieppe 1877 - Montrichard 1960).

Dans Amour et Carburateur (Pierre Colombier, 1925), il apparaît pour la première fois à l'écran en petit-bourgeois coléreux et vaniteux. Il évite rarement cet emploi (Nord Atlantique [M. Cloche, 1939]), mais Feyder sait gonfler sa silhouette (Pension Mimosas, 1935 ; la Kermesse héroïque, id.). Des comédies de Guitry (le Blanc et le Noir, 1931) aux fantaisies prévertiennes (l'Arche de Noé [Henry Jacques, 1947]), il a fait preuve d'une constante autorité : la Dame de chez Maxim's (A. Korda, 1933), Paradis perdu (A. Gance, 1940), la Comédie du bonheur (M. L'Herbier, 1942), Lettres d'amour (C. Autant-Lara, id.), le Baron fantôme (S. de Poligny, 1943), Pour une nuit d'amour (E. T. Gréville, 1947).

ALESSANDRINI (Goffredo)

cinéaste italien (Le Caire, Égypte, 1904 - Rome 1978).

Assistant de Blasetti (1929-30) pour Sole et Terra madre, il travaille ensuite à Hollywood au doublage des films MGM. Revenu en Italie, il dirige la version italienne d'un film de Wilhelm Thiele : La segretaria privata (1931). Il passera de la comédie brillante (Seconda B, 1934) à la biographie picaresque (Caravaggio / Il pittore maledetto, 1941), mais aussi au film de propagande fasciste (Giarabub, 1942 ; Noi vivi, id. ; Addio, Kira !, id.). Cinéaste quasi officiel du régime depuis Luciano Serra, pilota (1938), auquel avait collaboré Vittorio Mussolini, il fait sa rentrée en 1947 avec Furia, que suit en 1948 le Juif errant (L'Ebreo errante), fable antiraciste d'une grande dignité et d'une certaine qualité artistique, primée à Venise la même année. En 1951, il entreprend les Chemises rouges (Camicie rosse), film qui sera terminé par le jeune Francesco Rosi (1952). Après s'être occupé de production, Alessandrini n'est revenu au cinéma que dans les années 60, comme acteur de second plan pour quelques films (La Celestina, Lizzani, 1965). Il avait été marié brièvement à Anna Magnani.

ALEXEIEFF (Alexandre)

cinéaste et dessinateur français d'origine russe (Kazan 1901 - Paris 1982).

Fixé en France en 1921, il travaille comme décorateur et costumier pour Gaston Baty, Louis Jouvet, Georges Pitoëff et les Ballets russes, et comme illustrateur de livres. Bon graveur et admirateur de l'Idée, de Bartosch, il se tourne vers le cinéma en 1930 avec une invention originale et féconde, l'écran d'épingles, qu'il met en œuvre avec sa collaboratrice et épouse Claire Parker. Il s'agit d'un panneau (1,30 m × 1 m) percé de quelque 500 000 trous dans lesquels sont engagées autant d'épingles mobiles, qui, éclairées en lumière oblique, donnent suivant leur émergence toutes les nuances du noir au blanc, le tout étant filmé image par image selon le principe de l'animation. De 1932 à 1934, il réalise avec ce procédé Une nuit sur le mont Chauve, illustration visuelle de Moussorgski, un chef-d'œuvre d'imagination et d'atmosphère fantastiques. Suivant le même procédé, il réalise encore, au Canada, En passant (1943), d'après une chanson populaire, puis, en France, le Nez, d'après Gogol (1963), Tableaux d'une exposition (1972) et Trois Thèmes (1980), d'après Moussorgski, ainsi que le prologue du film d'Orson Welles, le Procès (1962), et des illustrations pour une édition du Docteur Jivago. Il s'est aussi consacré, dès les années 30, au cinéma publicitaire, où il a réalisé des chefs-d'œuvre grâce à un autre procédé de son invention, la totalisation (principe du « pendule composé », repris par Étienne Raïk), permettant des trucages raffinés et inventifs, ainsi qu'une grande poésie visuelle (Fumées, Pure Beauté, Sève de la terre). Son écran d'épingles a notamment été utilisé et adapté à la couleur par Jacques Drouin et Bretislav Pojar dans l'Heure des anges (1986). Un écran d'épingles est conservé aux Archives du film à Bois-d'Arcy.

ALFA (Joséphine Alfreda Bassignot, dite Michèle)

actrice française (Gujan-Mestras 1911 - Le Vésinet 1987).

La scène lui apporte plus de satisfactions que l'écran, mais, pendant l'Occupation, elle est l'une des vedettes les plus employées. Auparavant, elle n'avait fait que de la figuration : on l'entrevoit dans des films tournés à Berlin ; toutefois, le Corsaire (M. Allégret, 1939), dont elle doit être l'héroïne et que la guerre interrompt, lui permet de jouer le premier rôle de nombreux films entre 1940 et 1944 : le Dernier des six (G. Lacombe, 1941), Le pavillon brûle (J. de Baroncelli, id.), le Lit à colonnes (R. Tual, 1942), le Comte de Monte-Cristo (R. Vernay, 1943), le Secret de Mme Clapain (A. Berthomieu, id.). Puis le silence, ou peu s'en faut (Premières Armes [R. Wheeler, 1950]).

ALGÉRIE (Barr al-Djaza'ir).

En 1962, il n'existe aucune infrastructure de production, sinon les studios de télévision de la capitale. Avant l'indépendance, le parc de salles se limitait à quelque 350 salles pour la diffusion des films européens et américains, dont certains évoquaient l'exotisme du bled, des oasis, sans effleurer les réalités. Si le fameux opérateur des frères Lumière, Félix Mesguich*, natif d'Alger, filme un programme de scènes vues en 1899, si Camille de Morlhon tourne dès 1911 les premières fictions dans le Sud algérien (En mission, la Belle Princesse et le marchand, l'Otage, Pour voir les mouquères), Feyder*, lui, doit rompre avec Gaumont pour tourner, dans le Hoggar, une partie de l'Atlantide (1921). L'Algérie n'est qu'un décor, ou un sujet de documentaires réalisés pour le Gouvernement général. C'est, à partir de 1957, à un autre documentarisme (celui du combat) que sont formés, avec le concours du cinéaste français René Vautier*, les premiers opérateurs et cinéastes algériens du Front de libération nationale (FLN) autour de Tébessa, puis à Tunis, Belgrade, Prague... Après la guerre, Ahmed Rachedi* et Mohamed Lakhdar Hamina* vont réaliser avec peu de moyens les premiers films algériens, marqués par le souci de témoigner : l'Aube des damnés, de Rachedi (1965), ou d'exalter la lutte populaire pour la libération : le Vent des Aurès, de Lakhdar Hamina (1966), parfois sous forme de fresque assez romanesque : la Nuit a peur du soleil, de Mustafa Badie (1965), coproduit par la télévision (RTA) et le Centre national du cinéma (CNC). Ce dernier est absorbé en 1967 par l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographiques (ONCIC), auquel est dévolu le monopole de production et de distribution. Mais l'Office des actualités algériennes (1965-1974), notamment, bénéficie de nombreuses dérogations avant d'être, lui aussi, absorbé par l'ONCIC. Pourtant, depuis 1978, la production est dominée par la RTA. La volonté de centralisation et de coordination s'applique difficilement. La fonctionnarisation n'assure pas un dynamisme nécessaire. Le taux d'importation, âprement disputé, a pu être ramené à un niveau assez bas (de 450 films en 1962 à 110 en 1979) sans pour autant donner un coup de fouet à la production nationale. Les studios et moyens mis en place à Alger et Oran assurent, sauf pour les traitements du film et le sous-titrage, une relative autonomie à une production encore peu nombreuse (5 LM pour l'ONCIC en 1979). Les années de guerre et de l'immédiat après-guerre privilégient le court métrage, film militant, documentaire, de montage ; puis la fiction relaie le témoignage dans des films à sketches (l'Enfer à dix ans, 1969) ou des productions lourdes, en couleurs : l'Opium et le Bâton (Thala [Rachedi, 1970]). Ce cinéma ne satisfait pas absolument un désir de participation critique à l'élaboration d'une société algérienne nouvelle. Les héros quasi anonymes de la guerre (le Vent des Aurès) sont devenus les jeunes gens de l'Obstacle (CM de Mohamed Bouamari*, 1966) en butte aux interdits de la tradition, frères aînés du titi algérois de Omar Gatlato (Merzaq Allouache*, 1976), ou des marginaux : le Charbonnier (al-Fahham, 1972), de Bouamari ; les Nomades (ar-Ruhhal), de Sid Ali Mazif* (1975). Aussi le cinéma algérien développe-t-il concurremment deux courants complémentaires. À l'analyse du passé, dont Abdellaziz Tolbi réussit un sobre poème épique, Noua (1972), Lakhdar Hamina une fresque flamboyante, Chronique des années de braise (Palme d'Or à Cannes en 1975), ou Lamine Merbah une belle reconstitution fondée sur l'arrivée des réfugiés d'Alsace-Lorraine après la défaite de 1870 et leur mainmise sur l'Ouarsenis (les Déracinés [Beni-Hendel], 1976), répondent des œuvres en prise sur le quotidien : l'évolution des campagnes (le Peuplier [Min quib as-Saf-saf ], de Moussa Haddad, 1972) ; la résurgence des féodalités ou des privilèges (les Bonnes Familles, de Djaffar Damardji [1973], produit par le parti [FLN], ou l'Héritage, de Bouamari [1974]). Les deux films consacrés par Mohamed Ifticène à la jeunesse, Gorine (1971) et Jalti (1980), produits par la RTA, révèlent les failles d'une société qui n'a pas encore équilibré modernisme et tradition. La délinquance juvénile y est interprétée par des garçons pris dans la rue, sans espoir et sans attaches. Le cinéma algérien n'a pas oublié ses origines et manifeste la volonté de témoigner, aussi près que possible, du quotidien, du vécu : Haddad, Merbah, Tolbi, ont eux aussi recours à des interprètes non professionnels (peut-être parce que les auteurs algériens sont, d'abord, issus du théâtre : Keltoum, Rouiched, Hassan al-Hassani). Mohamed Chouikh* et Mohamed Zinet* sont aussi, quant à eux, occasionnellement des cinéastes. D'autre part, des noms nouveaux apparaissent, dont celui d'une romancière, Assia Djebar, venue à la caméra (la Nouba des femmes du mont Chenoua, 1977 ; la Zerda et les Chants de l'oubli, 1982), de Mehdi Charef (le Thé au harem d'Archimède, 1985), de Mohamed Chouikh* (la Citadelle, 1988 ; Youcef, 1993) ou de Mohamed Rachid Benhadj (la Rose des sables [Louss], 1989 ; Touchia, 1993).