Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JARRE (Maurice)

musicien français (Lyon 1924).

Après le Conservatoire de Paris, il se fait connaître par ses musiques de scène pour le Théâtre national populaire. C'est Georges Franju qui lui demande la partition de son premier court métrage (Hôtel des Invalides, 1952) puis de la Tête contre les murs (1959). On découvre alors un musicien original, affectionnant les petits ensembles insolites, les sonorités un peu précieuses, les mélodies égrenées délicatement, et c'est dans sa longue collaboration avec Franju que s'épanouit pleinement cet aspect de son talent (les Yeux sans visage, 1960 ; Pleins Feux sur l'assassin, 1961 ; Thérèse Desqueyroux, 1962 ; Judex, 1964), ainsi que dans des titres comme les Dimanches de Ville-d'Avray (S. Bourguignon, 1962) ou Un roi sans divertissement (F. Leterrier, 1963). Il signe en 1962 les partitions de deux superproductions internationales : le Jour le plus long ( PRO : D. ZANUCK) et Lawrence d'Arabie (D. Lean), qui décident du nouveau cours de sa carrière. Il y opte pour le principe d'un thème unique, aisé à retenir et à fredonner, orchestré avec plus d'emphase que de subtilité, et le succès de la formule le condamne à la répéter. D'autres titres : Docteur Jivago (D. Lean, 1965) ; Paris brûle-t-il ? (R. Clément, 1966) ; les Professionnels (R. Brooks, 1966) ; Isadora (K. Reisz, 1969) ; les Damnés (L. Visconti, id.) ; l'Étau (A. Hitchcock, id.) ; l'Homme qui voulut être roi (J. Huston, 1975) ; le Dernier Nabab (E. Kazan, 1976) ; le Tambour (V. Schlöndorff, 1979) ; la Route des Indes (D. Lean, 1984) ; Julia et Julia (P. del Monte, 1987) ; Gorilles dans la brume (M. Apted, 1989) ; le Cercle des poètes disparus (P. Weir, id.) ; Ghost (Jerry Zucker, 1990).

JARROTT (Charles)

réalisateur britannique (Londres 1927).

Après avoir débuté dans la reconstitution historique (Anne des Mille Jours [Anne of the Thousand Days], 1969 ; Marie Stuart, reine d'Écosse [Mary, Queen of Scots, 1971), cet homme à tout faire a réalisé indifféremment un catastrophique pseudo-musical (Horizons perdus [Lost Horizon], 1973), un incroyable mélodrame (De l'autre côté de minuit [The Other Side of Midnight], 1977) destiné, croyait-on, à faire de Marie-France Pisier une star américaine, et un ersatz de James Bond (Condorman, id., 1981).

JARVA (Risto)

cinéaste finlandais (Helsinki 1934 - id. 1977).

Sa mort tragique, dans un accident de voiture juste après la première de son plus beau film (l'Année du lièvre), interrompt prématurément une brillante carrière commencée alors même qu'il était encore étudiant. Ses films valent à Jarva plus de récompenses dans son propre pays qu'à tout autre, et les cinéastes de sa génération ont un profond respect pour sa volonté arrêtée de mettre le cinéma au service de la réforme sociale. Comme Zanussi, ce Polonais dont l'œuvre est parfois assez proche de la sienne, il se passionne pour les sciences. S'il doit beaucoup à la Nouvelle Vague, ‘le Jeu de la chance’ (Onnenpeli, 1965), le meilleur film de ses débuts, est déjà une analyse mordante des rapports humains en même temps qu'une réflexion sur les conflits surgis de la soif de liberté et du besoin d'un certain confort bourgeois.

Jarva se livre à une première approche didactique des problèmes socio-économiques dans le Journal d'un ouvrier (Työmiehen päiväkirja, 1967) : cherchant à améliorer son sort, un jeune ouvrier d'usine s'y trouve à la fois victime des préjugés sociaux et de sa propre faiblesse morale. ‘Le Temps des roses’ (Ruusujen aika, 1969) tente de faire passer un message social par le biais de la science-fiction, tandis que ‘Rallye’ (Bensaa suonissa, 1970) narre sur le mode humoristique l'histoire extravagante d'un pilote de rallye aux ambitions matérialistes. Jarva a fait la preuve de la portée de son talent dans ‘Quand le ciel tombera’ (Kun taivas p˙utoaa, 1972), qui évoque la presse à sensation. ‘La Guerre d'un homme’ (Yhden Miehen sota, 1973), œuvre pessimiste, d'une grande beauté plastique, met en scène un ouvrier du bâtiment qui s'efforce de monter sa propre affaire dans une société régie par l'opportunisme économique. Jarva devait témoigner également de son habileté à l'occasion de comédies dramatiques teintées de satire, telle l'Année du lièvre (Jäniksen vuosi, 1978). Cette épopée d'un homme d'affaires, qui abandonne tout pour courir la campagne en compagnie d'un lièvre blessé trouvé le long de la route, demeure à la fois le plus percutant et le plus subtil des films de cette veine, avec une délicatesse de style qui faisait souvent défaut dans ses documentaires critiques plus directs.

JARVET (Jüri) [Jurij Evgenevič Jarvet]

acteur soviétique estonien (Tallinn 1919).

Diplômé de l'Institut théâtral de Tallinn, il est surtout connu des spectateurs de théâtre et des téléspectateurs (pour avoir été l'animateur avec Woldemar Panso d'une émission populaire de sketches comiques), quand il se voit — à l'âge de 40 ans — proposer de petits rôles au cinéma. On le voit dans ‘le Laitier de Mäekula’ (Moločnik iz Mjaekjula, Leïda Laïus, 1966), ‘le Timbre-poste viennois’ (Venskaja počtovaja marka, Velie Kasper, 1967), ‘Morte-Saison’ (Mërtvyj sezon, Savva Kulich, 1968), Démence (K. Kiisk, id.), mais il ne devient célèbre qu'au début des années 70 grâce à ses deux interprétations du rôle-titre dans le Roi Lear (G. Kozintsev, 1971) et de Snaut, le savant sceptique dans Solaris (A. Tarkovski, 1973). Il apparaît ensuite notamment dans ‘le Violon rouge’ (Krasnaja skripka, K. Kiisk, 1974).

JASNÝ (Vojtěch)

cinéaste tchécoslovaque (Kelc u Vsetina, Moravie orientale, 1925).

Il débute au début des années 50 en signant plusieurs scénarios et mises en scène avec Karel Kachyňa, notamment ‘Le temps n'est pas toujours couvert’ (Není stále zamračeno, 1950) et les ‘Années exceptionnelles’ (Neobyčejná léta, 1952). En 1957, il dirige seul les Nuits de septembre (Zářijové noci) d'après la comédie de Pavel Kohout et remporte un succès international avec Désir (Touha, 1958). Après ‘la Procession à la Vierge’ (Procesi k Panence, 1961) d'après un récit satirique de M. Stehlík, il s'impose avec Un jour, un chat (Až přijde kocour, 1963), fable-satire poétique à l'humour malicieux où triomphe l'acteur Jan Werich. Il ne renouvelle pas cette réussite avec les Pipes (Dymky, 1965) ni même avec Chronique morave/Mes bons compatriotes (Vsichni dobri rodaci, 1968) qui tombera sous le couperet de la censure. En effet, les événements de 1968 ont une répercussion sur sa carrière. Jasný quitte son pays natal, travaille pour la télévision en Allemagne et en Autriche, et son retour au cinéma n'a lieu qu'en 1976 avec l'adaptation d'un roman de Heinrich Böll : ‘le Clown’ (Ansichten eines Clowns). Ses œuvres suivantes, Fluchtversuch (id.), Ruckkehr (1977), ‘le Suicidaire’ (Bis später, Ich muss mich erschiessen / Eläköön itsemurhaaja, RFA-FINL, 1983), ne parviennent pas à renouer avec le ton d'Un jour, un chat. Jasny quittera au cours des années 80 l'Europe pour les États-Unis, réalisera un film pour enfants : la Grande terre des Nains (The Great Land of Small, 1987) et enseignera à l'Université de Columbia. Après la « révolution de velours », il rentre à Prague et tourne Pourquoi Havel ? (Why Havel ?, 1991) ; Où est l'Eden ? (Návrat ztraceného ráje, 2000).