Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E

EFFETS SPÉCIAUX. (suite)

LES EFFETS D'ÉCRITURE.

Un grand sous-ensemble des effets spéciaux d'écriture est constitué par les liaisons, dont la plus connue est sans doute le fondu : fondu au noir (l'image s'obscurcit progressivement jusqu'au noir complet), fondu à l'ouverture (inverse du fondu au noir), fondu enchaîné (une image est progressivement remplacée par une autre). Initialement, les fondus étaient réalisés à la prise de vues, par fermeture ou ouverture du diaphragme, le fondu enchaîné s'obtenant par combinaison des deux (la pellicule étant rembobinée entre-temps jusqu'au point de départ du fondu au noir). L'usage du diaphragme est toutefois malcommode. Dans le cas du fondu au noir (les autres cas s'en déduisent aisément), pour parvenir au noir franc, il faut que la scène soit initialement filmée avec le diaphragme grand ouvert, sinon l'on ne parviendra qu'à un obscurcissement plus ou moins prononcé de l'image. Cet inconvénient disparaît avec les caméras où l'ouverture de l'obturateur est réglable en cours de fonctionnement : quelle que soit l'ouverture initiale du diaphragme, il est possible d'arriver au noir complet.

Il est néanmoins exceptionnel depuis longtemps de pratiquer les fondus à la prise de vues, notamment parce que c'est seulement au montage que l'on peut déterminer l'emplacement exact, et la durée exacte, d'un fondu. Celui-ci est alors effectué en laboratoire sur tireuse optique. (Voir ci-dessus.) Le seul inconvénient est la légère dégradation de l'image due au contretypage : à l'époque des premiers films en couleurs par procédé négatif-positif, dans certains westerns à plans très longs liés par de lents fondus enchaînés et où l'on contretypait uniquement la longueur du fondu, le cinéphile averti pouvait deviner, au changement de la texture de l'image, l'imminence d'un fondu. (C'est pour éviter ce phénomène que les fondus du Quarante et Unième [G. Tchoukhraï, 1956] avaient été réalisés dès la prise de vues, exception qui confirme la règle.) D'autres effets de ponctuation, tel l'iris ( SYNTAXE), étaient initialement réalisés à la prise de vues en plaçant une sorte de diaphragme à quelque distance devant l'objectif de la caméra. Eux aussi sont aujourd'hui effectués sur tireuse optique par cache-contre-cache, sauf exception, quand on veut retrouver l'aspect particulier des iris d'autrefois (l'Enfant sauvage, F. Truffaut, 1970).

À l'inverse, certains effets de ponctuation ne peuvent être réalisés qu'en laboratoire. Les laboratoires spécialisés proposent par exemple une gamme extraordinairement variée de truquages optiques par cache-contre-cache permettant à la nouvelle image de prendre progressivement la place de l'ancienne (par bandes de largeur croissante, par carrés de taille croissante, par spirales, etc.). Ces liaisons, employées dans les années 30 et 40 jusqu'à devenir clichés, demeurent couramment employées dans les bandes-annonces. (L'une d'elles, le volet enchaîné — où la nouvelle image prend la place de l'ancienne derrière une ligne de séparation verticale qui traverse l'image dans le sens de la largeur —, est réalisable avec un cache métallique défilant au contact du film vierge.)

Les variations du temps

(ralenti, accéléré) constituent une autre grande catégorie d'effets d'écriture. Contrairement aux effets de ponctuation, ceux-ci sont généralement réalisés à la prise de vues. (Sur tireuse optique, en doublant, triplant, etc., chaque image, on obtient un ralenti ; mais le résultat est saccadé si le mouvement initial est rapide. À l'inverse, en ne prenant qu'une image sur deux, sur trois, etc., on accélère ; mais c'est économiquement absurde.) On a toutefois recours à la tireuse optique dans certains cas, par exemple un ralentissement supplémentaire (le « trou noir » du film le Trou noir [The Black Hole, Gary Nelson, 1980] était en fait un tourbillon de liquide coloré filmé à très grande vitesse et ensuite ralenti sur tireuse optique) ou bien encore les marches arrière. Ces dernières peuvent toutefois être réalisées dès la prise de vues — certaines caméras fonctionnant aussi en marche arrière — ce qui supprime l'inconvénient du contretypage : cf. les Moissons du ciel, (T. Malick, 1978), où un lâcher de grains de riz depuis un hélicoptère simule l'envol des sauterelles. (Avec les caméras du muet, une technique très simple — mais impraticable aujourd'hui car l'image n'est plus centrée sur l'axe longitudinal du film à cause de la piste sonore — consistait à filmer avec la caméra la tête en bas et à retourner le film tête-bêche.) Par contre, c'est bien sur tireuse optique que Walt Disney, par des alternances marche avant/marche arrière, faisait « danser » en musique les animaux du Désert vivant (1953).

Parmi les nombreux autres effets d'écriture faisant appel à la tireuse optique, il en est que le spectateur ne perçoit pas (du moins pas de façon consciente) : l'arrêt sur l'image (systématique comme dans la Jetée [C. Marker, 1962] ou quasi imperceptible lorsque l'on prolonge d'un tiers de seconde une expression trop fugitive) ; le recadrage (qui grossit malheureusement le grain de l'image), l'inversion droite-gauche (qui peut permettre — cela s'est vu — de dissimuler un faux raccord du déplacement de l'acteur).

Il est aussi des effets de laboratoire parfaitement « visibles » : le multi-image, où l'on juxtapose plusieurs images sur le film (Woodstock, Michael Wadleigh, 1970) ; le passage graduel du noir à la couleur (la Blonde et moi, F. Tashlin, 1956 ; Nous nous sommes tant aimés, E. Scola, 1974), qui s'obtient très simplement par un fondu enchaîné entre un négatif noir et blanc tiré du négatif couleur original et ce même négatif couleur, etc. L'incrustation du générique en lettres de couleur sur une scène du film, obtenue par cache-contre-cache, est également un effet de laboratoire. (La technique des sous-titres est totalement différente.)

Certains effets d'écriture, par contre, ne sont réalisables qu'à la prise de vues : le fondu au flou (impraticable en tireuse optique car le grain de l'image doit rester net) ; le Transtrav (cf. la scène finale de la Curée, R. Vadim, 1966), où l'on combine avec précision un travelling avant et un zoom arrière : le personnage filmé reste de taille constante sur l'écran mais toute la perspective de la scène « bascule », etc. Il faut également mentionner l'inversion du mouvement relatif : le spectateur croit voir le train démarrer, mais en réalité c'est la caméra qui recule. (Même chose pour un intérieur de bateau : c'est la caméra qui « tangue ».) La méthode peut déboucher sur le truquage (au sens de truc) pur et simple. Dans Top Hat (M. Sandrich, 1935), Fred Astaire danse successivement sur le plancher, les murs, le plafond d'une pièce : en réalité, la caméra était solidaire d'un décor rotatif.