Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MORGAN (Helen Riggins, dite Helen)

chanteuse et actrice américaine (Danville, Ill., 1900 - Chicago, id., 1941).

Du music-hall de bas étage aux splendeurs de Florenz Ziegfeld, des gangsters de la prohibition à la haute société, jusqu'à l'autodestruction par l'alcool, la vie d'Helen Morgan est un roman. Chanteuse avant tout, elle avait dans la voix ce même trémolo que Piaf ou Judy Garland possédaient. Ses créations cinématographiques furent rares, mais les deux plus mémorables sont des manières de psychodrames d'une force peu commune : l'actrice de beuglant déchue et alcoolique d'Applause (R. Mamoulian, 1930), et la tragique Julie Laverne, la chanteuse au sang noir qui se détruit par l'alcool dans la première adaptation du musical de Kern et Hammerstein, Show Boat (J. Whale, 1936). Un film biographique lui fut consacré en 1957 (Pour elle, un seul homme de Michael Curtiz avec Ann Blyth dans le rôle principal).

MORGAN (Simone Roussel, dite Michèle)

actrice française (Neuilly-sur-Seine 1920).

On l'aperçoit, l'espace d'un éclair, dans des films du cinéaste-scénariste Yvan Noé (Mademoiselle Mozart, 1935 ; Gigolette, 1936 ; Mes tantes et moi, id.), et peu après dans un rôle à peine plus étoffé (le Mioche, L. Moguy, id.). Marc Allégret, qui a toujours eu la réputation d'un découvreur de vedettes féminines, la fait accéder tout à coup aux emplois de premier plan et justifie les espoirs qu'il avait fondés sur elle. Gribouille (1937) lui donne Raimu comme partenaire et Orage (1938), Charles Boyer. Elle joue la femme fatale, adoucie en femme-enfant inconsciente de son pouvoir et de sa beauté. Il appartient à Marcel Carné et à Jacques Prévert de créer le mythe Morgan pour accompagner le mythe Gabin (Quai des brumes, 1938). Le béret, le ciré noir, les cheveux pâles vont y contribuer, mais surtout la photogénie des yeux clairs et le charme prenant d'une voix légèrement blessée, qui transforme les répliques en une mélopée. L'immédiate avant-guerre voit sortir, à la suite de cette révélation, une série de films signés Albert Valentin (l'Entraîneuse, id.), Maurice Gleize (le Récif de corail, 1939), Georges Lacombe (les Musiciens du ciel, id.). Dans les deux premiers, elle retrouve son personnage de déclassée, brisée par la vie. Dans le troisième, elle pare de poésie discrète la figure conventionnelle de la « salutiste » amoureuse d'un mauvais garçon. Quant à Remorques (J. Grémillon, 1941 [ : 1939]), la Loi du Nord (J. Feyder, 1942) et Untel père et fils (J. Duvivier, 1945 [ : 1940]), leurs sorties respectives seront fortement retardées par les événements. Elle retrouve Gabin pour le poignant duo de Remorques, meurt d'amour dans le film de Feyder. Quand son image reparaît sur les écrans, elle se trouve à Hollywood, où elle a passé la guerre, tournant dans des films d'intérêt moyen où elle ne démérite nullement. Son retour en France lui permet de faire l'unanimité sur son interprétation de l'aveugle de la Symphonie pastorale (J. Delannoy, 1946). En même temps, son image s'aseptise. Elle devient l'actrice très représentative de ces films de qualité, où ne vibrent plus les cris passionnés qui donnaient tant d'émotion à son jeu. Films de Delannoy (Aux yeux du souvenir, 1948 ; la Minute de vérité, 1952 ; Destinées, 1954 ; Obsession, id. ; Marie-Antoinette, 1956), de R. Clément (le Château de verre, 1950), de Verneuil (Maxime, 1958), de Joffé (Fortunat, 1960). Le jeu reste impeccable et souvent émouvant (l'Orgueil dans les Septs Péchés capitaux et Marguerite de la nuit, Autant-Lara, 1952 et 1956 ; les Grandes Manœuvres, R. Clair, 1955) et elle manifeste un certain humour avec Landru (C. Chabrol, 1962) et Benjamin (M. Deville, 1968). Mais le mythe Morgan ne relève plus alors que des Histoires du cinéma.

Autres films :

la Vie parisienne (R. Siodmak, 1935) ; Mayerling (A. Litvak, 1936) ; Une fille à papa (René Guissart, id.) ; Joan of Paris (R. Stevenson, 1942) ; Two Tickets to London (Edwin L. Marin, 1943) ; Amour et Swing (Higher and Higher, Tim Whelan, id.) ; Passage to Marseille (M. Curtiz, 1944) ; l'Évadée (The Chase, Arthur Ripley, 1946) ; Première Désillusion (C. Reed, 1948) ; Fabiola (A. Blasetti, 1949) ; Maria Chapdelaine (M. Allégret, 1950) ; la Belle que voilà (J. -P. Le Chanois, id.) ; l'Étrange Madame X (J. Grémillon, 1951) ; les Orgueilleux (Y. Allégret, 1953) ; Napoléon (S. Guitry, 1955) ; Oasis (Y. Allégret, id.) ; Si Paris nous était conté (S. Guitry, 1956) ; les Vendanges (The Vintage, J. Hayden, 1957) ; Retour de manivelle (D. de La Patellière, id.) ; le Miroir à deux faces (A. Cayatte, 1958) ; Femmes d'un été (G. Franciolini, id.) ; Brèves Amours (Vacanze d'inverno, C. Mastrocinque, 1959) ; Grand Hôtel (Menschen in Hotel, G. Reinhardt, id.) ; Pourquoi viens-tu si tard ? (H. Decoin, id.) ; les Scélérats (R. Hossein, 1960) ; le Puits aux trois vérités (François Villiers, 1961) ; Les lions sont lâchés (H. Verneuil, id.) ; Rencontres (Ph. Agostini, 1962) ; Le crime ne paie pas (épisode : l'Affaire Hughes, G. Oury, id.) ; Un cœur gros comme ça (F. Reichenbach, id., caméo) ; le Procès des doges (Il fornaretto di Venezia, D. Tessari, 1963) ; Constance aux enfers (Villiers, id.) ; Méfiez-vous mesdames (A. Hunebelle, id.) ; les Pas perdus (J. Robin, 1964) ; les Yeux cernés (R. Hossein, id.) ; Dis-moi qui tuer ? (Étienne Périer, 1965) ; les Centurions (M. Robson, 1966) ; le Chat et la Souris (C. Lelouch, 1975) ; Robert et Robert (id., 1978, caméo) ; Un homme et une femme, vingt ans déjà (C. Lelouch, 1986) ; Ils vont tous bien (Stanno tutti bene, Giuseppe Tornatore, 1990). ▲

MORI (Yukimitsu Arishima, dit Masayuki)

acteur japonais (Tokyo 1911 - id. 1973).

Fils de l'écrivain Takeo Arishima, il fait ses études à l'université de Kyoto, avant d'aborder le métier d'acteur au théâtre dans les années 30. Entré à la Toho en 1942, il y tient de nombreux rôles, et y fait la rencontre d'Akira Kurosawa (la Légende du grand judo, 1943 ; les Hommes qui marchent sur la queue du tigre, 1945), dont Rashomon (1950) lui permet d'accéder à une renommée internationale, grâce à son interprétation du mari. Kurosawa lui donnera ensuite le rôle principal dans son adaptation de l'Idiot, de Dostoïevski (1951) puis celui du PDG des ‘ Salauds dorment en paix ’ (1960). Mais il devient surtout un des comédiens de prédilection de Kenji Mizoguchi, pour qui il interprète des films importants : ‘ la Dame de Musashino ’ (1951), les Contes de la lune vague après la pluie (1953, rôle du potier Genjiro), l'Impératrice Yang-Kwei-Fei (1955, rôle de l'empereur). En dehors de ces deux maîtres du cinéma japonais, ses rôles les plus marquants, dans un style raffiné et intériorisé, sont ceux de ' Un bal chez les Anjo ' (K. Yoshimura, 1947), ‘ le Tambour brisé ’ (Yabure daiko, K. Kinoshita, 1949), ‘ le Cœur ’ / ‘ le Pauvre Cœur des hommes ’ (K. Ichikawa, 1955), ‘ Nuée d'oiseaux blancs ’ (Yoshimura, 1953), Nuages flottants (M. Naruse, 1955), ‘ les Tambours de la nuit ’ (T. Imai, 1958), Tendre et Folle Adolescence (Ichikawa, 1960), ‘ Histoire cruelle du Bushido ’ (Imai, 1963), ‘ Des jours et des mois ’ (Nakamura, 1969). Il a également joué dans de nombreuses pièces de théâtre.