Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

CLÉMENT (René) (suite)

En 1944-45, à l'initiative du chef opérateur Henri Alekan, il est chargé par la Coopérative générale du film français, et diverses associations de Résistance, de diriger la Bataille du rail, long métrage qui mélange habilement documentaire et fiction, comédiens et non-professionnels, à la gloire des cheminots qui s'étaient dressés contre l'Occupant. Le succès du film — qui aurait pu inaugurer un néoréalisme à la française, mais eut peu de descendants, hors quelques œuvres de Daquin et de Pagliero — est tel que Clément est engagé par Jean Cocteau comme conseiller technique sur le tournage de la Belle et la Bête (1946), et qu'il dirige pour Noël-Noël le Père tranquille (id.), une autre chronique de résistance.

On cherche vainement une unité dans les films qui suivent et qui, presque tous, sont des productions ambitieuses, bien accueillies à la fois par les professionnels, la critique et le public, récompensées dans les festivals français et étrangers. René Clément, un des premiers parmi les cinéastes français, s'installe dans le système des coproductions mis en place par divers accords commerciaux européens, tourne en Italie et en Grande-Bretagne, emploie avec une grande intelligence des acteurs étrangers et donne à ses films ce caractère cosmopolite qui marque son œuvre. Il dirige à Gênes Au-delà des grilles, dont le scénario est écrit par Cesare Zavattini et Suso Cecchi d'Amico, avec Isa Miranda aux côtés de Jean Gabin, et y tente, sans y réussir vraiment, le mariage du réalisme français d'avant-guerre avec le néoréalisme italien de tradition zavattinienne. Puis il réalise à Londres Monsieur Ripois (sujet proposé par Raymond Queneau, qui en écrit les dialogues français, d'après un roman de Louis Hémon) avec Gérard Philipe et des comédiennes britanniques.

Jeux interdits (primé à Cannes et à Venise en 1952, Oscar à Hollywood en 1953) est son film le plus populaire. La guerre vue par le regard, inconscient peut-être, mais pas innocent, de deux enfants, fait jauger sans tendresse une France rurale délibérément noircie. Ce film séduit autant par la finesse psychologique que par l'interprétation de Brigitte Fossey et de Georges Poujouly, ou la musique jouée à la guitare par son auteur (alors anonyme), Narciso Yepes. Gervaise en 1956, Barrage contre le Pacifique en 1958 (le premier d'après l'Assommoir de Zola, le second d'après le roman homonyme de Marguerite Duras) sont deux films à la fois parfaits et froids. Le premier cherche dans le temps, dans la reconstitution soignée d'une fin de siècle misérabiliste, le second dans l'exotisme (le tournage en extérieurs en Thaïlande avec une distribution italienne et américaine), une matière romanesque que le cinéaste ordonne avec une maîtrise incontestable. C'est pourtant à leur propos qu'on commence à se demander qui est René Clément. L'homme Clément, à la différence de Clouzot et de Becker qui sont ses contemporains, se dérobe de film en film. Il n'a pas de regard qui lui soit propre, pas d'attitude de moraliste ou de mémorialiste qui conférerait à son œuvre une unité de ton ou de thème. Chaque film, au moins dans la première partie de son œuvre, fonctionne comme une entité isolée, souvent admirable, mais déracinée.

Après Plein Soleil (adaptation rigoureuse d'un roman de Patricia Highsmith, avec Alain Delon, réalisée avec brio à contre-courant au moment où la Nouvelle Vague préconisait l'écriture relâchée et le dédain du scénario serré), René Clément tourne encore une série de films mineurs, nostalgiques, où il fait une part de plus en plus belle aux comédiens américains (Stuart Whitman dans le Jour et l'Heure, Jane Fonda et Lola Albright dans les Félins, Charles Bronson dans le Passager de la pluie, Faye Dunaway dans la Maison sous les arbres, Robert Ryan dans la Course du lièvre), comme pour signifier sa rupture avec un cinéma français à la fois provincialisé et investi par une nouvelle génération qu'il comprend mal.

Paris brûle-t-il ?, enfin, qu'il dirige en 1966 avec d'énormes moyens mis à sa disposition par l'armée, est une tentative malheureuse pour créer en France un cinéma d'inspiration officielle et commémorative. La pléthore de comédiens français et étrangers qui y endossent les rôles des héros de la libération de Paris fait du film (dont le scénario est de Gore Vidal et Francis Ford Coppola) une revue et un dîner de têtes autant qu'un monument de propagande raté.

Films :

— CM (entre 1937 et 1944) : Soigne ton gauche ; l'Arabie interdite ; Flèche d'argent ; la Grande Chartreuse ; la Bièvre ; Énergie électrique ; le Triage ; Toulouse ; Ceux du rail ; la Grande Pastorale ; Chefs de demain ; Moutain ; Paris sous la botte.LM : la Bataille du rail (1946) ; les Maudits (1947) ; Au-delà des grilles (Le mura di Malapaga, 1949) ; le Château de verre (1950) ; Jeux interdits (1952) ; Monsieur Ripois (1954) ; Gervaise (1956) ; Barrage contre le Pacifique (La diga sul Pacifico, 1958) ; Plein Soleil (1960) ; Quelle joie de vivre ! (Che gioia vivere, 1961) ; le Jour et l'Heure (1962) ; les Félins (1964) ; Paris brûle-t-il ? (1966) ; le Passager de la pluie (1969) ; la Maison sous les arbres (1971) ; la Course du lièvre à travers les champs (1972) ; la Baby-Sitter (1975).

CLEMENTELLI (Silvio)

producteur italien (Rome 1926).

Directeur de production à la Lux Film entre 1949 et 1952 pour vingt films, dont L'imperatore di Capri (L. Comencini, 1949) et Dans les coulisses (Steno et M. Monicelli, 1950), il dirige, entre 1954 et 1963, les productions à la Titanus et obtient un grand succès commercial avec Pauvres mais beaux (D. Risi, 1956). En 1966, il fonde sa propre maison de production, la Clesi, et exploite surtout le filon des comédies érotiques : Malicia (S. Samperi, 1973) ; La bambina (A. Lattuada, 1974) ; sans négliger les coproductions ambitieuses avec l'étranger : le Grand Embouteillage (L. Comencini, 1979), le Saut dans le vide (M. Bellocchio, id.). Dans les années 80, il produit surtout des feuilletons pour la télévision (Cristoforo Colombo, A. Lattuada, 1985).

CLÉMENTI (Pierre)

acteur français (Paris 1942 - id. 2000).