Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GHANA.

Indépendant en 1957, l'ancienne Gold Coast britannique dispose, dans les années 60, de la meilleure infrastructure de l'Afrique tropicale, et d'une poignée de jeunes techniciens et cinéastes formés tant à Londres que par la Colonial Film Unit locale. Des Anglais tournent plusieurs longs métrages avec des Ghanéens : The Boy Kumasemu (Sean Graham, 1960), The Tongo Hamlet (Terry Bishop, 1965). En 1966, un Ghanéen, Ato Yanney, réalise le court métrage qui est sans doute le premier film national, Panoply of Ghana. Il est produit par Sam Aryetey, lequel tourne en 1968 un premier long métrage (parlé en anglais et en akan) d'après un conte populaire, No Tears For Ananse. Les titres suivants, dont les auteurs ne paraissent avoir pu s'affirmer, évoquent le sempiternel conflit des générations, du passé et du présent : I Told You So (Egbert Adjesu, 1970) ; Doeing Their Thing (Bernard Odjidja, 1971) ; You Hide Me (Kwaté Nee Owoo, 1972, CM) ; plusieurs projets n'ont pas abouti, et une coproduction avec l'Italie, en 1976, s'est révélée désastreuse. En 1980, Kwaw Paintie Ansah, homme de théâtre, tourne (en anglais) L'amour mijote dans la marmite africaine (Love Breved in the African Pot).

GHATAK (Ritwik Kumar)

cinéaste indien bengali (Dacca, Bengale-Oriental [auj. Bangladesh] 1925 - Calcutta 1976).

Très marqué par l'indépendance, suivie de la partition de l'Inde qui fait de sa province un État étranger et de lui-même un réfugié au Bengale-Occidental, il étudie à l'université de Calcutta, fait du journalisme, du théâtre avec l'Indian People's Theatre Association, rejoint le parti communiste, traduit Brecht en bengali, devient l'assistant de Manoj Bhattacharya puis passe à la mise en scène. Il laisse une œuvre inégale, convulsée, brutale, faite de quelques films, et plusieurs d'entre eux sont d'incontestables chefs-d'œuvre du cinéma indien dont il reste pourtant le plus méconnu des auteurs. La Pathétique Illusion / l'Homme-Auto (Ajantrik, 1957) raconte l'histoire des relations entre un chauffeur de taxi et sa vieille voiture, laquelle finit par rendre l'âme. L'Étoile voilée de nuages / l'Étoile cachée (Meghe Dhaka Tara, 1960) aborde le thème des réfugiés du Bengale-Oriental, des effets désastreux de la partition, de la misère et de l'aliénation. Mi bémol (Komal Gandhar, 1961), œuvre presque autobiographique, raconte les efforts d'un groupe de jeunes gens engagés qui espèrent résoudre par l'art les contradictions de l'Inde indépendante. Le Fil d'or (Subarnarekha, 1966 ; 1962) reprend, avec davantage de brutalité, le thème des réfugiés et décrit l'anéantissement d'une famille dans la misère et l'humiliation. Une rivière nommée Titas (Titash Ekti Nadir Naam, 1973), réalisé au Bangladesh, après l'éclatement du Pakistan, raconte, à travers l'histoire d'une rivière qui s'ensable, la dégradation du pays et les conflits qu'elle provoque. Raison, Illusion, Histoire / Raison, discussion et un conte (Jukti Takko Aar Gappo, 1974), son dernier film, hanté par la déchéance et la mort, est l'histoire d'un intellectuel alcoolique finalement tué par les naxalites (gauchistes). Dans tous ces films, Ritwik Ghatak a identifié ses souffrances à celles vécues par un peuple arraché à son pays et à ses traditions : de là, la volonté de peindre des personnages toujours reliés à une conscience collective et à une mythologie dont la jonction constitue pour lui la source des émotions les plus authentiques ; de là aussi, venus de l'intensité vécue de ces souffrances, l'impatience du cinéaste, sa violence et son dédain absolu pour toute forme de pudeur ou de bon goût. Ses films connurent rarement le succès. Aujourd'hui, ils sont l'objet d'un culte de la part de nombreux jeunes cinéastes indiens, d'autant que Ritwik Ghatak fut, en 1966-67, directeur du Film and Television Institute of India et qu'il dispensa un enseignement fort peu orthodoxe mais que beaucoup de ses étudiants, notamment Mani Kaul, John Abraham et Kumar ´Shahani, n'ont pas oublié.

Autres films :

Bedeni (1951) ; le Citoyen (Nagarik, 1952) ; le Fugitif (Bari Theke Paliye, 1959) ; Kata Ajanare (id.).

GHEERBRANT (Denis)

cinéaste français (Paris, 1948).

Il réalise des études littéraires avant de rentrer à l'IDHEC en 1969, où il obtient un diplôme de réalisation et de prises de vues. Il travaille ensuite comme enseignant, comme photographe, et collabore en tant que chef-opérateur à des films tels que Histoire d'Adrien (1980) et la Palombière (1982) de Jean-Pierre Denis, et Faux fuyants (1983) d'Alain Bergala et Jean-Pierre Limosin. Son premier film en tant que réalisateur, Printemps de square (1978), consacré à trois jeunes de banlieue, indique immédiatement l'inscription sociale qui caractérisera l'ensemble de son travail de documentariste. Dans chacun de ses films à venir, il s'attachera en effet à explorer l'univers d'individus marginalisés par la société, en mettant en évidence leur monde intérieur et leur dignité. Dans les années 80, il signe ainsi Amour rue de Lappe (1984), sur trois couples de patrons de bistrots, puis Question d'identité (1986) sur trois jeunes Beurs qu'il suit depuis la Kabylie jusqu'à la banlieue parisienne, et enfin la Parole d'abord (1986) avec de jeunes marginaux d'un centre de réinsertion. Entre 1989 et 1990, il tourne Et la vie, un documentaire consacré à la France du chômage et de l'émigration, parcourue du Nord au Sud. En 1994, il signe La vie est immense et pleine de dangers, l'histoire d'un enfant malade du cancer. Il réalise ensuite Un printemps de cinéma (1995), le portrait de deux étudiants de la Fémis, avant de tourner, entre 1995 et 1998, Grands comme le monde (1999), un documentaire de long métrage consacré à un groupe de collégiens de classes de 5è, film qui le consacre définitivement comme un grand documentariste de l'enfance, qu'il capte avec tendresse, intelligence et optimisme.

GHERARDI (Piero)

décorateur et costumier italien (Poppi, Arezzo, 1909 - Rome 1971).

Il débute en 1946 comme ensemblier pour Notte di tempesta (G. Franciolini) et pour Eugénie Grandet (M. Soldati). L'année suivante, il devient décorateur pour Daniele Cortis (M. Soldati), suivi par quelques films néoréalistes : Sans pitié (A. Lattuada, 1947) ; De nouveaux hommes sont nés (L. Comencini, 1948) ; Naples millionnaire (E. De Filippo, 1949). Dans les années 50, il travaille avec Steno (Cinema d'altri tempi, 1953), où il dessine les costumes aussi, comme dans plusieurs autres films, L. Zampa (Anni facili, id.), Monicelli (Du sang dans le soleil, 1955 ; Pères et Fils, 1957 ; le Médecin et le Sorcier, id. ; le Pigeon, 1958). Depuis les Nuits de Cabiria (1957), il collabore souvent avec F. Fellini, et il crée pour ses films des décors fantastiques, toujours plus grandioses à mesure que ses budgets augmentent — avec une vraie apothéose dans Juliette des esprits (1965). Ses libres évocations historiques dans l'Armée Brancaleone (M. Monicelli, 1966), dans Brancaleone aux croisades (id., 1970) et dans Casanova, un adolescent à Venise (L. Comencini, 1969) sont parmi les plus inspirées du cinéma italien.