Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ANIMATION (techniques de l'). (suite)

Alors que le spectacle cinématographique naît avec Georges Méliès, aux effets proprement photochimiques de la magie noire (surimpression, multiples expositions, cache/contre-cache, cadres composites) va s'ajouter toute une gamme de trucs fondés sur la succession des images. Le procédé de l'arrêt sur image (stopper le déroulement du film et reprendre le tournage en assurant une immobilité parfaite de la caméra permet de provoquer des apparitions ou des disparitions) sera progressivement perfectionné par un contrôle plus attentif des 4 ou 5 images assurant la transition de la disparition ou de la métamorphose : les substitutions sont renforcées par une transition dans le mouvement ou par le maintien calculé de quelques mouvements flous (le Tonnerre de Jupiter, Méliès, 1903) pour arriver à de véritables animations par prise continue de 4 ou 6 images successives : Jack and the Beanstalk (Edison, 1902) ; Check to Order (American Mutoscope and Biograph, 1903) — en tirant des mouvements inexplicables ; le Locataire diabolique (Méliès, 1909), qui annonce les animations en « stop motion » de Norman McLaren. Lorsque le cinéma devient un art industriel (de 1906 à 1911), les réalisateurs exploitent toutes les capacités de rupture et d'accélération (les Effets d'une valse lente, G. Velle, 1903) à un haut niveau de virtuosité instrumentale, parcourant dans le même film toutes les cadences de tournage de 18 images par seconde à 1 image pour 3 secondes de réalité, tels Onésime horloger et Onésime et le Nourrisson (1912) réalisé par Jean Durand pour Gaumont.

Le cinéma image par image.

Toute extraction discontinue d'images instantanées prises à temps régulier d'un phénomène lent accélère ce dernier à la projection. Dès 1864, Louis Ducos du Hauron proposait d'appliquer ce principe à des instantanés successifs séparés par des délais réguliers afin de mettre en évidence la croissance des plantes ou la construction des édifices. En 1897, William Kennedy Laurie Dickson réalise une accélération de la reconstruction du Star Theatre de Broadway en prenant une image toutes les demi-heures et Robert William Paul brutalise, par un tournage réduit presque à l'image par image, le trajet de On a Run Away Motor Car Through Picadilly Circus (1898). Dès 1902, Lucien Buhl construit un dispositif filmant image par image le développement d'une colonne de botrylles. Ces méthodes de l'accéléré deviendront une approche indispensable du cinéma de recherche dans les années 20 et 30 (Bernard Lyot, MacMath, Jean Commandon).

Procédé d'observation, le tournage de non-reproduction des phénomènes, en tendant vers l'image par image, va devenir un moyen dynamique de composition scénographique, graphique et plastique. En 1895, Edison, qui n'était pas encore capable de tourner image par image à 1 image près, parvient à animer par blocs de plusieurs images successives certains passages de The Execution of Mary Queen of Scots. Léon Gaumont fait breveter en 1900 un procédé de tournage image par image de cartes et de schémas animés. Cette méthode assure la prise d'une image pour un tour de manivelle, « one tour, one picture » ; on l'appellera longtemps le mouvement américain. Secundo de Chomón réalise, avec El hotel eléctrico (1905), le premier film d'objets et de personnages vivants (cheveux, vêtements, meubles, etc.), immédiatement repris par James Stuart Blackton dans Hôtel hanté (1907) ainsi que par l'American Mutoscope and Biograph dans Mister Hurry Up of New York (1907) et The Tired Tailor's Dream (id.). De la réalisation de ces premiers films vont progressivement se dégager différentes techniques économiques et expéditives, autorisant une production solitaire, et des applications plus ou moins plastiques ou sculpturales, que l'on retrouvera à chaque nouveau départ de style national ou de créateurs indépendants, qu'il s'agisse de la naissance de l'Office du film au Canada en 1940, ou des styles européens vers la fin des années 50.

Animation d'objets et de personnages en volume. Stop motion, ou pixilation.

À partir de ces quelques œuvres, il se développera une forme de création scénographique et de dramatisation, première forme de cinéma image par image en trois dimensions posant tous les problèmes de l'animation par mouvement arrêté. Le mouvement arrêté consiste à disposer objets ou personnages dans une position donnée, à prendre l'image, à les replacer ou à les déformer pour reprendre une autre image.

Afin, d'abord, de réaliser ce que McLaren appellera plus tard la « pixilation », mais que pratique déjà Émile Cohl (les Chaussures matrimoniales, 1909) avec un plan de chaussures qui marchent toutes seules, les meubles de Mobilier fidèle (Cohl, 1910), ou les ciseaux, fils et tissus dans les Quatre Petits Tailleurs (id., id.), et cela jusqu'à Renaissance (1963) de Walerian Borowczyk. Ce procédé ne cessera de réapparaître dans des passages truqués des films de Mack Sennett ou de Hal Roach, voire de fonder les petits films fantastiques de Willy O'Brien (The Lost World, 1925), ou d'être exploité dans quelques œuvres de McLaren : Two Bagatelles (1952), les Voisins (id.), Il était une chaise (1957), dans lesquels des animateurs s'immobilisent eux-mêmes dans des positions successives, changent de position et d'équilibre pour chaque image, aboutissant à la projection d'un mouvement continu image après image.

Films de marionnettes.

Ce qui est réalisé en décor réel avec des personnages vivants provisoirement immobilisés dans une position donnée peut être plus facilement réglé, dans un décor miniature soigneusement éclairé, avec des marionnettes dont les articulations métalliques sont suffisamment souples pour pouvoir être disposées dans des attitudes successives exigées par l'animation image par image et suffisamment rigide pour conserver la position pendant toute la durée de prise de vues d'une phase de mouvement (inutile de dire que le pied fixé d'un personnage doit être solidement vissé au sol, pour éviter à la marionnette des écarts de position non contrôlés, et l'immobilité du décor rigoureusement maintenue, pour éviter des effets de tremblement de terre involontaires).