Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DOUBLAGE. (suite)

Contrairement à l'Italie par exemple, où il est très rare de projeter en version originale les films importés, la plupart des films étrangers diffusés en France le sont à la fois en version doublée et en version originale sous-titrée. La deuxième formule offre l'avantage de faire entendre la vraie voix des acteurs, mais certains reprochent aux sous-titres d'abîmer l'image (particulièrement dans les scènes de nuit). À l'inverse, le doublage peut créer une impression de factice et de plaqué, non pas tellement à cause du procédé lui-même (car on peut arriver à une grande précision dans la synchronisation) qu'en raison des discordances qui subsistent toujours entre les façons de s'exprimer du comédien de la version originale et du comédien du doublage, et les génies propres à chaque langue, à chaque culture. Par ailleurs, certains acteurs ont une voix caractéristique, qui fait partie d'eux-mêmes, dont le doublage les ampute, même si l'on met beaucoup de soin à trouver pour le doublage une voix adéquate au physique et à la personnalité de l'acteur. (Quand on a trouvé cette voix, on la conserve : certaines vedettes – John Wayne, par exemple – sont doublées en français, pendant des années, par le même acteur, dont la voix finit par s'identifier à la vedette elle-même.)

En France, le nombre de copies exploitées d'un film étranger, en version française, permet d'amortir le coût du doublage, ce qui n'est pas le cas de certains pays comme l'Islande ou les Pays-Bas, qui ne peuvent compter sur un public assez nombreux pour amortir un tel budget : ce n'est donc pas par préférence de principe qu'ils diffusent les films étrangers en version originale sous-titrée. Dans certains pays, comme l'URSS, on préfère souvent recourir à une traduction simultanée enregistrée par-dessus la voix originale, que l'on continue d'entendre.

Un problème quasi insoluble du doublage est celui des accents. Si l'on prend un film américain qui oppose, dans une intention humoristique, l'accent texan très prononcé du héros à l'accent urbain new-yorkais, comment traduire dans le doublage cette opposition qui joue un rôle important ? La solution adoptée autrefois aurait consisté à donner au héros un accent « non parisien » : accent méridional ou accent de terroir. Aujourd'hui, on cherche plutôt à traduire l'opposition d'accent par des différences de vocabulaire ou de syntaxe. En fait, toutes les solutions sont bâtardes, voire à la limite de l'absurde (militaires allemands se parlant entre eux en français avec un accent allemand dans les versions françaises de films de guerre). D'un autre côté, les plus réticents au principe même du doublage sont attendris de retrouver, dans les versions françaises de Laurel et Hardy, l'accent anglais caricatural qu'on leur a donné autrefois...

Technique du doublage.

Les premières opérations du doublage consistent, en faisant défiler la version originale sur une visionneuse sonore spécialement agencée : d'une part à décrypter puis à traduire les dialogues originaux ; d'autre part à détecter avec précision les instants où ces dialogues sont émis.

À partir de ces éléments, le « dialoguiste du doublage » établit un texte français en s'efforçant de respecter plusieurs critères a priori peu conciliables : rester autant que possible fidèle à la lettre et à l'esprit du texte original (notamment dans la transposition des jurons, des expressions imagées, argotiques, idiomatiques et familières) ; créer un dialogue qui s'adapte aux mouvements des lèvres des acteurs quand ces mouvements sont nettement visibles ; donner malgré tout une impression de naturel. Les bons dialoguistes du doublage (qui sont en général également auteurs des sous-titres, lesquels répondent à des critères différents) parviennent cependant à réaliser cette quadrature du cercle.

Pour l'enregistrement du doublage, le film est découpé en courtes séquences projetées aux comédiens « en boucle » : à la fin de la séquence, le film remonte en marche arrière rapide (dix fois la vitesse) au début de la séquence et la projection redémarre, et ainsi de suite. Cette technique permet d'enregistrer lors d'un premier passage, d'écouter l'enregistrement lors du passage suivant, de réenregistrer tout ou partie de la séquence au passage suivant, d'écouter, et ainsi de suite, pratiquement sans temps morts pour éviter de déconcentrer les comédiens. Le nom de cette technique « en boucle » provient de la technique initialement utilisée pour projeter aux comédiens les séquences de film physiquement bouclées sur elles-mêmes, la fin de la séquence collée au début. L'enregistrement se faisait sur bande magnétique perforée également en boucle, exactement de la même longueur que la boucle image. L'arrivée de projecteurs à croix de malte électronique ayant la possibilité de remonter à dix fois la vitesse, ainsi que l'enregistrement en numérique sur des systèmes à disques durs où il est possible d'accéder, en enregistrement ou en lecture, à n'importe quel point du programme, ont totalement fait disparaître la confection des boucles dans les années 90. Il s'en suit une réduction importante du travail de reconditionnement de la copie image et des bandes son, une fois les doublages enregistrés.

Le son original de la version étrangère est diffusé aux comédiens comme modèle pour l'intonation, le rythme, l'interprétation. On enregistre ensuite le doublage jusqu'à l'obtention d'une synchronisation et d'une interprétation jugées satisfaisantes par le directeur du doublage. Quand plusieurs comédiens parlent pendant la séquence, on les enregistre sur des pistes séparées de façon à faciliter le mixage.

En France, la procédure de doublage est complétée par une « bande rythmo », ou « bande synchro », film 35 mm transparent sur lequel le texte français est écrit à la main. Cette bande projetée sous les images du film défile horizontalement, de droite à gauche, en synchronisme avec l'image. Chaque syllabe est inscrite de façon à se présenter en face d'un repère à l'instant précis où elle doit être prononcée. Le comédien voit ainsi arriver son texte et peut anticiper mentalement la synchronisation qu'il doit réaliser. Ce système permet une synchronisation très serrée mais parfois assez figée, et certains directeurs de doublage préfèrent que le comédien se guide sur l'image plutôt que sur le texte.