Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
D

DOUX.

Faiblement contrasté, s'agissant d'un négatif ou d'une image positive.

DOUY (Max)

décorateur français (Issy-les-Moulineaux 1914).

Après ses études secondaires, il devient assistant décorateur de cinéma, travaillant successivement avec Jacques Colombier, Jean Perrier, Lazare Meerson, Serge Pimenoff, Eugène Lourié, soit toute la gamme des décorateurs français. La Règle du jeu de Renoir (1939) lui permet de s'affirmer, bien qu'il ne soit encore dans ce film que le second d'Eugène Lourié. Il est seul en piste à partir de Dernier Atout de Jacques Becker (1942) et signe, la même année, conjointement avec Léon Barsacq et Trauner, le décor « réaliste-poétique » de Lumière d'été de Jean Grémillon. C'est ensuite une succession ininterrompue de films importants : Adieu Léonard (P. Prévert, 1943), Le ciel est à vous (Grémillon, id.), Falbalas (Becker, 1945), les Dames du bois de Boulogne (R. Bresson, id.), Quai des Orfèvres (H.-G. Clouzot, 1947), Manon (id., 1949), l'Affaire Maurizius (J. Duvivier, 1954), French Cancan (J. Renoir, 1955), les Mauvaises Rencontres (A. Astruc, id.), Cela s'appelle l'aurore (L. Buñuel, 1956), etc. Chaque fois, Max Douy sait s'adapter à la personnalité du cinéaste qui l'engage. Mais c'est surtout avec Claude Autant-Lara qu'il enrichira sa palette : il signera le décor de tous ses films à partir du Diable au corps (1947), avec les points culminants d'Occupe-toi d'Amélie (qui lui vaut le prix du meilleur décor au festival de Cannes 1949), l'Auberge rouge (1951), le Rouge et le Noir (1954, pour lequel il se livre à des recherches historiques minutieuses) et Marguerite de la nuit (1956, son seul film résolument « irréaliste »). Pour Max Douy, le décor doit tendre à une stylisation aussi rigoureuse que possible, permettant l'évocation d'une réalité aussi bien psychologique que sociale ou morale. Le moindre accessoire doit concourir à l'harmonie de l'ensemble, dans une perspective non d'esthétisme gratuit, mais de crédibilité. Cela se vérifie également dans ses travaux pour le théâtre : il a décoré notamment des pièces de Marcel Achard, Jean-Paul Sartre, Roger Vailland, Armand Salacrou.

Son frère Jacques Douy (Paris 1924), également décorateur, a assisté ou relayé son aîné sur de nombreux films, entre autres Terreur en Oklahoma (P. Paviot, 1950), Tamango (J. Berry, 1959), les Dragueurs (J.-P. Mocky, id.).

DOVE (Lillian Bohney, dite Billie)

actrice américaine (New York, N. Y., 1900 – Woodlands Hills, Ca., 1997).

Ancienne et sculpturale vedette des Ziegfeld Follies, Billie Dove fut utilisée à Hollywood principalement pour sa beauté décorative. Elle était une demoiselle en détresse que secourait Douglas Fairbanks dans le Pirate noir (Al Parker, 1926). Elle joua souvent son propre rôle de Ziegfeld Girl, comme dans Blondie of the Follies (E. Goulding, 1932), qui mit fin à sa carrière. En 1963, on l'a revue dans le Seigneur d'Hawaii (G. Green).

DOVJENKO (Aleksandr) [Aleksandr Petrovič Dovženko]

cinéaste soviétique (Sosnitsi, Ukraine, 1894 - Moscou 1956).

Dovjenko naît dans une famille paysanne d'origine cosaque, donc non serve, mais nombreuse, pauvre, irréligieuse et illettrée. De son père, de son grand-père surtout, figures hautes en couleur et riches d'humanité, il s'inspirera pour créer les protagonistes majeurs de ses films. Son art est inséparable de ses racines, de sa province, de cette « Desna magique » (un affluent du Dniepr) qu'il a chantée dans un merveilleux récit autobiographique. Eisenstein justifiait les plans statiques, longs, immenses, presque immobiles, symboliques, de Dovjenko, ses représentations fabuleuses de la nature, son humour figuratif, par les liens étroits qui unissaient l'homme à la culture populaire, érudite ou naïve, et à la mythologie nationale de l'Ukraine : « Si notre pays est un grand pays, c'est que les petites gens y sont grands. »

Instituteur (après trois ans d'école normale) à Jitomir d'abord, ensuite à Kiev, où il s'inscrit à l'Institut du commerce, Dovjenko participe à la guerre civile dans la division Chtchors (1918-1920), puis la révolution fait de lui un commissaire (à l'Enseignement, aux Beaux-Arts, au Théâtre), un agitateur politique et, finalement, un diplomate (1921) : Varsovie, Munich, Berlin. À Berlin, il suit les cours du peintre expressionniste Erik Hekkel. Revenu à Kharkov, il se consacre à la peinture, à l'illustration, à la caricature (1923-1926). À travers cette dernière, surtout, se met en place sa vision synthétique, sa conception du plan-sketch, du plan-affiche, qui enferme le maximum d'informations avec le minimum de mouvement. En juin 1926, persuadé que la peinture est sans avenir, que l'art du futur est le seul cinéma, il abandonne tout pour se rendre à Odessa et s'y faire engager par les studios du VUFKU.

Le peintre Dovjenko se donnait dix ans pour devenir maître de sa technique. Le cinéaste Dovjenko acquiert cette maîtrise en moins d'une année avec le Petit Fruit de l'amour (1926), court métrage burlesque macksennettien — l'unique comédie de sa carrière — et la Sacoche du courrier diplomatique (1927), récit d'aventures et d'espionnage qui emprunte au policier allemand autant qu'au jeune cinéma soviétique, celui de la FEKS notamment. Zvenigora, qu'il tourne durant l'été 1927, inaugure son œuvre véritable. Sous les dehors d'un film-fresque qui emmêle les temps sur l'exemple d'Intolérance, c'est une geste en douze chants, à la gloire de l'Ukraine et de sa prestigieuse histoire, longue de plus d'un millénaire. L'art singulier de Dovjenko est déjà là dans son intégralité : simplicité et souffle épiques, généralisations philosophiques, audacieuses métaphores à la fois naïves et raffinées, humour corrosif, explosions lyriques, et cette écriture si personnelle, qui ne ressuscite pas un réel, passé ou présent, selon ses coordonnées spatio-temporelles mais qui le raconte dans la liberté du poème.

1928 : le cinéaste épouse Youlia Solntseva, la belle souveraine d'Aélita (1924) et la timide jeune fille de la Vendeuse de cigarettes du Mosselprom (id.). L'actrice renonce à son métier pour devenir la première collaboratrice de son mari. Celui-ci disparu, elle vouera son fidèle talent à le servir encore. Le « Dovjenko posthume », inventé par une certaine critique, c'est elle, qui a réalisé, entre 1958 et 1969, cinq films que l'auteur de la Terre avait laissés à l'état de scénarios, de découpages ou de récits littéraires. Entre 1928 et 1935, Dovjenko accumule les réussites (les deux premières sont muettes) : Arsenal (1929), qui égale l'Octobre d'Eisenstein en puissance comme en didactisme révolutionnaire mais le surpasse en émotion ; la Terre (1930), l'un des films les plus glorieusement charnels de l'histoire du cinéma, qui célèbre les noces de l'homme avec le monde et les saisons et, dialectiquement, réintègre la mort dans la plénitude de l'existence ; Ivan (1932), dédié aux constructeurs du barrage géant du Dnieprostroï (le film s'ouvre sur un hymne à l'édification socialiste, montage polyphonique d'une grandeur et d'une force rarement égalées) ; Aérograd (1935), consacré aux bâtisseurs d'une cité radieuse mais pour l'heure encore utopique. Dans tous ces films, Dovjenko se plie spontanément aux exigences d'éducation, d'exaltation révolutionnaire et de propagande politique propres à l'art soviétique de ce temps. Il chante les combats et les victoires du nouveau sur l'ancien. Mais, quasiment seul parmi les cinéastes de l'URSS, il prend en compte, dans ses œuvres, la douleur des enfantements. Chez lui, l'utopie n'exclut pas le tragique : « La souffrance est une composante de l'être aussi grande que le bonheur ou la joie. » Chtchors (1939) — « un Tchapaïev ukrainien » — demeure le plus beau et sans doute l'unique film parfaitement, authentiquement « réaliste socialiste » du cinéma stalinien. Dovjenko souffre de tant de difficultés durant sa réalisation qu'au moment de la guerre germano-soviétique il préfère se consacrer au journalisme et au documentaire. La publication, en septembre 1943, du scénario d'Ukraine en flammes fait scandale. Dovjenko n'y a pas fardé la réalité. Accusé de défaitisme, de complot nationaliste, relevé de toutes ses fonctions, il subit un ostracisme qui durera jusqu'à la mort de Staline (1954). Il se réfugie dans l'écriture et l'enseignement. La réalisation de Mitchourine (1947-48) n'est qu'une parenthèse, au demeurant malheureuse (le cinéaste se désintéressa de son film dont il ne put sauver que deux superbes séquences) et, en 1951, le tournage de Adieu, Amérique fut suspendu sans explications : le cinéaste, un matin, trouva le studio fermé. Staline disparu, Dovjenko, soutenu par Khrouchtchev, peut de nouveau s'établir en Ukraine. Il y prépare minutieusement le Poème de la mer. Peu de jours avant le début du tournage, un infarctus l'emporte (1956). Youlia Solntseva réalise le film à sa place, scrupuleusement fidèle, bien résolue à faire rendre à Dovjenko le rang éminent qui lui revient.