Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MEXIQUE. (suite)

Désillusions et nouveaux espoirs.

L'espoir ne dure guère au-delà du sexennat 1970-1976, et cela malgré l'organisation d'un front de jeunes cinéastes, dont le manifeste estime que le cinéma mexicain s'est fait un agent actif du colonialisme culturel (1975). L'œuvre destructrice du sexennat suivant, sous la direction de Margarita López Portillo (sœur du président), reconduit loin en arrière : dissolution des principales entreprises officielles de production, reprivatisation en règle, réémergence des intérêts traditionnels. Le marasme et la chute de la production, l'incendie de la Cinémathèque nationale (1982) acquièrent, dans cette atmosphère de démantèlement, une dimension de symbole. Les gouvernements suivants amorcent un retour du balancier, à partir de la création d'IMCINE (Institut mexicain de la cinématographie, 1983), sans remettre en question pour autant le désengagement progressif de l'État. Les réalisateurs les plus doués (Ripstein, Leduc, Hermosillo) peuvent enfin donner toute la mesure de leur originalité et entretenir un dialogue fructueux avec la tradition. Le renouvellement suscité par les écoles professionnelles et soutenu par les nouvelles autorités favorise les débuts de Ariel Zú~niga, Alejandro Pelayo, Nicolás Echevarría (auteur du superbe Cabeza de Vaca, 1991), Juan Antonio de la Riva, Alberto Cortés, Gerardo Lara, María Novaro (Danzón, 1990), Gabriel Retes (El bulto, 1992), Dana Rotberg (Angel de fuego, 1992), Carlos Carrera (La mujer de Benjamín, 1990 ; Palme d'or à Cannes pour son dessin animé El héroe, 1993), Guillermo del Toro (Cronos, 1993), José Buil, Juan Carlos Rulfo, Carlos Bolado et Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes/Amores perros, 2000), parmi d'autres. À l'heure de son intégration plus que problématique dans le vaste marché nord-américain, le Mexique est confronté au défi de préserver ses industries culturelles et son identité, sans se contenter du virtuel monopole exercé par Televisa. Le cinéma aura été une de ses formes d'expression privilégiées, tout au long du siècle.

MEYER (Jean)

acteur et cinéaste français (Paris 1914).

Fortement influencé par son maître Louis Jouvet, Jean Meyer entre en 1937 à la Comédie-Française et y prend rapidement une place prépondérante. Il aborde le cinéma avec un mauvais film de Pierre Caron (Ne bougez plus !, 1941) et n'y trouve guère de motifs de satisfaction, mis à part Adieu Léonard (P. Prévert, 1943), Clara de Montargis (H. Decoin, 1951) et le Plaisir (M. Ophuls, 1952). Sur le plateau du Théâtre-Français, il a filmé deux spectacles tels qu'on les présentait alors : le Bourgeois gentilhomme (1958) et le Mariage de Figaro (1959), mais l'expérience n'a pas été poursuivie.

MEYER (Russ)

cinéaste américain (Oakland, Ca., 1923).

Photographe professionnel, il découvre sa voie lors d'un travail pour Playboy. Il produit et dirige, en 1959, The Immoral Mr. Teas, premier film soft-porno de l'histoire du cinéma, qui lui rapporte plus d'un million de dollars. Sur des intrigues rudimentaires pimentées de violence, il pratique l'exploitation du sexe : 20 titres en 15 ans, titres révélateurs : Faster, Pussycat ! Kill ! Kill ! (1965). Il frôle même la grande production avec Vixen (1968), qui lui ouvre les portes de la Fox (Beyond the Valley of the Dolls, 1970 ; Supervixens, 1975). Sortis ou ressortis lors de sa retraite après 1980, ses films sont l'expression fastidieuse, autant qu'involontairement comique, d'une seule obsession mammaire et d'un total mauvais goût. Par ailleurs, Russ Meyer a réalisé (sous le contrôle d'un autre fétichiste, le producteur fou d'Universal, Albert Zugsmith) une part de Fanny Hill (1964), curieux produit germano-américain qui marqua la dernière apparition à l'écran de Miriam Hopkins.

MEYERHOLD (Vsevolod) [Vsevolod Emil' evič Mejerhol'd]

metteur en scène de théâtre, acteur et cinéaste russe (Penza 1874 - Moscou 1940).

Acteur au Théâtre d'art de Stanislavski (1898), il fonde le premier studio du Théâtre d'art (1905) puis élabore, sous la triple influence du no japonais, de la commedia dell'arte et du ballet russe, une conception originale du théâtre caractérisée par le jeu excentrique des acteurs (mis en condition par une technique d'entraînement physique qu'il appelait biomécanique) et par le style constructiviste (non figuratif) des décors. Rallié avec enthousiasme à la Révolution, il fonde le Premier Théâtre soviétique (1920) et influence profondément le cinéma du nouveau régime en formant des cinéastes comme Eisenstein et Youtkevitch et en inspirant le FEKS (Fabrique de l'acteur excentrique) de Kozintsev et Trauberg. Critiqué de plus en plus violemment pour son « formalisme » après l'instauration du dogme du réalisme socialiste, il est arrêté en 1939 et « liquidé » peu après son arrestation ; il a été « réhabilité » en 1955.

Il a personnellement réalisé et interprété trois films (aujourd'hui perdus), où il a tenté, selon ses propres termes, de « subordonner le jeu des acteurs aux lois du rythme » et d'« utiliser le plus largement possible les effets de lumière » : le Portrait de Dorian Gray (Portret Doriana Greja, 1915 ; CO Mikhail Doronine), Un homme fort (Sil'nyj čelovek, 1916 ; CO Doronine) et Ensorcellements d'outre-tombe (dans des décors de Tatline), resté inachevé (Roza i krest, 1917). Il a également joué dans d'autres films, dont l'Aigle blanc de Protazanov (1928), où il fait une composition saisissante d'un dignitaire tsariste.

MEYERS (Sidney)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1906 - id. 1969).

Il étudie au De Witt Clinton High School. Il a une passion pour le violon et joue avec le Cincinnati Orchestra. Sa rencontre, au début des années 30, avec Lionel Berman et Leo Hurwitz modifie le cours de sa vie. De 1934 à 1942, il participe activement comme monteur, critique (sous le pseudonyme de Robert Stebbins), opérateur, à l'aventure du courant documentariste engagé américain. Il est successivement membre de la Workers Film and Photo League, du Nykino et de Frontier Films, ce qui le conduit à participer à la réalisation de The History and Romance of Transportation (1941), White Flood (1940) et Native Land — dont les maîtres d'œuvre sont Leo Hurwitz et Paul Strand, en 1942. Pendant la guerre, il travaille comme monteur pour le US Office of War Information. Il tourne, en 1949, le Petit Noir tranquille (The Quiet One), centré sur la vie d'un jeune garçon autistique. On considère ce film, qui gagne un prix à Venise, comme la première manifestation de l'École de New York, un mouvement non structuré pratiquant le documentaire romancé. En 1959, Sidney Meyers coréalise avec Joseph Strick et Ben Maddow — vieux camarade du temps de Frontier Films — l'Œil sauvage (The Savage Eye), qui s'attache à dépeindre la solitude d'une femme. Meyers travaille aussi pour la télévision comme réalisateur et monteur. Il monte, entre autres, Esclaves d'Herbert J. Biberman en 1968. ▲