Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

« çA TOURNE ! ».

Expression consacrée pour confirmer, en début de prise, le bon fonctionnement de la caméra et de l'appareil d'enregistrement du son. ( TOURNAGE.)

CAVALCANTI (Alberto de Almeida-Cavalcanti, dit Alberto)

cinéaste brésilien (Rio de Janeiro 1897 - Paris 1982).

Après avoir fait des études d'architecture aux Beaux-Arts de Genève, Cavalcanti se retrouve à Paris au début des années 20 et commence à travailler comme décorateur aux côtés de L'Herbier (Résurrection, l'Inhumaine, Feu Mathias Pascal) et de Delluc (l'Inondation). Dès 1926, il passe à la réalisation avec Rien que les heures, où il évoque la vie d'une grande cité, d'une aurore à l'autre, avec ses infinis contrastes, ses richesses et ses misères, les rencontres qu'y ménage le hasard. Cavalcanti crée ici le prototype de la symphonie urbaine, sans histoire mais non sans charpente interne, dramatise le documentaire, pour la première fois peut-être. Novateur, il manifeste dans ce film un sens quasi musical de l'image et du rythme, mais aussi, allié à une ironie caustique, un goût du jeu qui évoque les surréalistes, dont il est proche. Attentif à la réalité, Cavalcanti sait faire la part de la bizarrerie, de l'obscurité et du mystère qu'elle peut receler, attitude fondamentale dont il ne se départira pas au cours de sa longue carrière. Suivent des films qui, à l'instar de Rien que les heures, le font considérer comme un des jeunes maîtres de l'« avant-garde française » : En rade, tout imprégné de la poésie d'une ville portuaire et de la nostalgie d'un « ailleurs », la P'tite Lili et le Petit Chaperon rouge, fantaisies cinématographiques auxquelles sont associés les musiciens Milhaud et Jaubert. Parallèlement, Cavalcanti réalise des adaptations raffinées d'œuvres littéraires : Yvette (d'après Maupassant), le Capitaine Fracasse (d'après Gautier). Au début du parlant, il assume par nécessité de nombreux travaux alimentaires (notamment des versions françaises de films américains), mais en profite pour maîtriser l'utilisation du son. À Londres, en 1933, Cavalcanti accepte la proposition de Grierson de travailler pour le groupe cinématographique du GPO (administration des postes), qu'il fait bénéficier de sa grande expérience. Selon Henry Watt, son arrivée marque le « tournant décisif » de l'évolution du documentaire britannique. Tour à tour créateur de bandes sonores (Night Mail), réalisateur (Coal Face), producteur (The First Days), il épaule, outre Watt (North Sea), de jeunes cinéastes comme Len Lye (N. or N. W.), Humphrey Jennings (Spare Time), Pat Jackson (Men in Danger) et plus tard David McDonald (Men of the Light-ships). Après le départ de Grierson en 1937, Cavalcanti assure la continuité du GPO jusqu'à l'été 40, époque à laquelle il rejoint les studios d'Ealing que dirige Michael Balcon. Producteur associé, Cavalcanti continue d'y épauler des cinéastes débutants, en particulier Charles Frend (The Foreman Went to France), sans cependant abandonner la réalisation. À The Yellow Caesar, brûlant pamphlet antimussolinien, succèdent Quarante-Huit Heures, histoire de guerre d'une insolite violence ; Champagne Charlie, divertissement inspiré par la vie d'un chanteur de music-hall ; Au cœur de la nuit (coréalisé par Ch. Crichton, B. Dearden et R. Hamer), film fantastique à sketches, devenu un classique du genre ; Nicolas Nickleby, enluminure du roman de Dickens. Cavalcanti quitte ensuite les studios d'Ealing et réalise notamment deux policiers aux fortes résonances sociales : Je suis un fugitif et À tout péché miséricorde. Contraint de renoncer à une adaptation de Sparkenbroke de Morgan, dont la préparation est pourtant très avancée, Cavalcanti accueille favorablement la proposition qui lui est faite d'enseigner le cinéma au musée d'Art moderne de São Paulo et regagne le Brésil en 1949. Bientôt chargé de réorganiser une industrie cinématographique locale au sein de la Vera Cruz, il déchante vite et, reprenant son indépendance, revient à la réalisation avec Simão o Caolho, comédie burlesque d'une constante invention, et O Canto do Mar, une de ses œuvres les plus fortes, qui relate l'exode tragique, vers la côte, d'une famille du sertão, chassée par la sécheresse et la misère. Par la suite, Cavalcanti retourne en Europe, travaillant d'abord en Autriche, où il adapte non sans bonheur, et avec la complicité même de Brecht, Maître Puntila et son valet Matti, puis en RDA, en Roumanie, en Italie, en Angleterre et en France. Au Brésil, en 1976, Cavalcanti rassemble dans Um Homem e o Cinema des extraits, groupés par chapitres, des films auxquels il a participé et qui constituent l'anthologie d'une œuvre étrangement cohérente, sous ses multiples chatoiements ; œuvre d'un poète secret qui a su tirer parti de la dure école de l'exil et de l'incertitude. Il avait publié également en 1953 au Brésil : Filme e Realidade.

Films ▲

— En France : Rien que les heures (DOC, 1926) ; Yvette (1927) ; En rade (id.) ; le Train sans yeux (1928) ; la P'tite Lili (id.) ; le Capitaine Fracasse (1929) ; la Jalousie du Barbouillé (id.) ; le Petit Chaperon rouge (id.) ; Vous verrez la semaine prochaine (id.) ; Toute sa vie (1930 / version portugaise : A Canção do Berço) ; Dans une île perdue (1931) ; À mi-chemin du ciel (id.) ; les Vacances du diable (id.) ; Tour de chant (DOC, 1932) ; En lisant le journal (id.) ; le Jour du frotteur (id.) ; Revue montmartroise (id.) ; Nous ne ferons jamais de cinéma (id.) ; le Mari garçon (1933) ; Plaisirs défendus (id.) ; S. O. S. Radio Service (DOC, 1934) ; Coralie et Cie (id.) ; — en Grande-Bretagne : Pett and Pott (CM, 1934) ; New Rates (id.) ; Coal Face (DOC, 1935) ; Message from Geneva (DOC, 1936) ; We Live in Two Worlds (DOC, 1937) ; The Line to Tcherva Hut (DOC, id.) ; Who Writes to Switzerland ? (DOC, id.) ; Four Barriers (DOC, 1938) ; Men of the Alps (DOC, 1939) ; Midsummer Day's Work (DOC, id.) ; The Yellow Caesar (1941) ; Film and Reality (1942) ; Went the Day Well ? / 48 Hours (id.) ; Alice in Switzerland (CM, id.) ; Greek Testament (DOC, id.) ; Watertight (1943) ; Champagne Charlie (1944) ; Au cœur de la nuit (Dead of Night ; épisode The Ventriloquist's Dummy, 1945) ; Nicolas Nickleby (Nicholas Nickleby, 1947) ; Je suis un fugitif (They Made Me a Fugitive, id.) ; The First Gentleman (1948) ; À tout péché miséricorde (For Them That Trespass, 1949) ; — au Brésil : Simão o Caolho (1952) ; O Canto do Mar (1953) ; Mulher de Verdade (1954) ; — en Autriche : Maître Puntila et son valet Matti (Herr Puntila und sein Knecht Matti, 1956) ; — en Roumanie : Castle in the Carpathians (1957) ; — en Italie : les Noces vénitiennes (la Prima Notte, 1959) ; — en Grande-Bretagne : The Monster of Highgate Pond (CM, 1960) ; — en Israël : Thus Spoke Theodor Herzl (DOC, 1967).