Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PROJECTION. (suite)

C'est donc bien dans la projection, dans l'apparition sur l'écran d'une représentation animée du réel, que réside l'essence du cinéma. (Depuis 1892, É. Reynaud projetait avec succès ce que nous appellerions aujourd'hui des dessins animés : l'événement du cinématographe ne fut pas la projection en elle-même, mais bien la projection d'une représentation du réel.)

Mécanismes d'avance intermittente.

À l'exception près des rares projecteurs – évoqués plus loin – à défilement continu, les projecteurs utilisent, comme les caméras, l'avance intermittente du film : pendant que le film est immobilisé dans le couloir de projection (qui le guide derrière l'objectif), l'obturateur démasque le faisceau lumineux qui fait apparaître l'image sur l'écran ; l'obturateur masque ensuite ce faisceau, créant une phase d'obscurité pendant laquelle le film avance d'une image ; puis le cycle recommence.

Pour réaliser cette avance intermittente, trois types de mécanismes sont employés.

Le mécanisme de la griffe, apparu avec le Cinématographe Lumière, est identique dans son principe à celui des caméras ( CAMÉRA) : une ou plusieurs griffes pénètrent dans les perforations du film pendant la phase d'immobilisation, puis elles tirent le film sur la longueur d'une image ; dans un mouvement de retrait, elles se dégagent ensuite des perforations et reviennent en position de pénétrer à nouveau dans les perforations. Simple et silencieuse, la griffe est le seul mécanisme employé pour les projecteurs d'amateur ainsi que pour les projecteurs 16 mm d'emploi occasionnel. En cinéma professionnel 35 mm, elle n'est employée que pour des applications spéciales (effets spéciaux, trucages par transparence ou par projection frontale ( EFFETS SPÉCIAUX) : le mécanisme griffe-contre-griffe ( CAMÉRA) procure en effet une meilleure fixité de l'image que la croix de Malte.

Dans les autres mécanismes, le film est entraîné, en sortie de couloir, par un tambour denté animé d'un mouvement de rotation intermittent.

Le mécanisme de la croix de Malte mécanique, d'invention contemporaine à celle du cinéma ( INVENTION DU CINÉMA) est schématisé planche 1. Le tambour denté est solidaire d'une pièce usinée – la « croix » – comportant quatre rainures en croix dans lesquelles vient s'engager un ergot placé à la périphérie d'une pièce tournant à vitesse constante : à chacun de ses tours, l'ergot fait tourner la croix de 90°. Pendant les phases où l'ergot n'entraîne pas la croix, un disque solidaire du plateau qui porte l'ergot vient s'appliquer contre les faces échancrées de la croix, ce qui garantit l'immobilisation de cette dernière. (On peut imaginer des croix de Malte à 3 branches, à 5 branches, à 8 branches, etc. ; la croix à 4 branches s'est révélée la plus satisfaisante du point de vue mécanique).

Bruyante, demandant un usinage très précis, la croix de Malte présente en revanche, par rapport au mécanisme de la griffe, de grands avantages pour le cinéma professionnel : robustesse et fiabilité (fort appréciables quand les projecteurs fonctionnent jusqu'à 10 ou 12 heures par jour) ; meilleur rendement lumineux (la phase d'immobilisation – donc d'éclairement de l'écran – représente 75 p. 100 d'un cycle, alors qu'il est difficile, avec la griffe, d'aller au-delà de 50 p. 100) ; moindre sollicitation du film (l'effort de traction étant réparti sur plus de perforations). Il a également existé un mécanisme à rampe, aujourd'hui abandonné.

Dans les années 80, le moteur pas à pas a été employé pour assurer l'avance intermittente du film, puis abandonné en raison de difficultés techniques au profit d'un système utilisant un moteur à courant continu à entraînement intermittent et contrôle par microprocesseur. Ce système a été commercialisé sous le nom de « croix de malte électronique » d'abord monté sur les projecteurs utilisés en auditorium (facilité du défilement en marche arrière et du défilement à grande vitesse jusqu'à 100 images par seconde, mais sans projection des images).

La croix de malte électronique équipe maintenant un nombre croissant de projecteurs d'exploitation.

Constitution d'un projecteur.

La projection de films s'est d'abord effectuée en conjuguant deux éléments distincts : une source de lumière ; un dispositif d'avance du film, éventuellement identique – comme sur le Cinématographe Lumière – au mécanisme employé pour la prise de vues. Les projecteurs actuels comportent une partie mécanique assurant l'entraînement du film, une lanterne de projection intégrant la source lumineuse.

Le chrono.

Le terme « chrono » (abrév. de Chronophotographe, nom de marque des premiers projecteurs Gaumont) est, en France, l'appellation consacrée de la partie mécanique du projecteur : moteur, mécanismes d'avance du film (croix de Malte), obturateur, etc.

Sur les premiers projecteurs, l'obturateur était un disque rotatif échancré placé devant l'objectif, tout à l'avant de l'appareil. Il est aujourd'hui placé entre la lanterne et le couloir, cette disposition permettant notamment d'éviter l'échauffement du couloir et du film pendant la phase d'occultation. Pour éviter le scintillement ( PRINCIPE DU CINÉMA), l'obturateur coupe le faisceau lumineux non seulement pendant la phase d'avance du film mais aussi au milieu de la phase d'immobilisation.

Outre le système d'entrainement intermittent du film et l'obturateur, le chrono comporte le couloir de projection où le film est maintenu en position par des presseurs, et derrière lequel se trouve la fenêtre de projection qui limite le champ d'image projeté à l'écran, l'objectif de projection monté sur un support ou une tourelle pour un changement de format automatique. Les supports de bobines font également partie du chrono, la bobine débitrice (supérieure) est montée sur un système de friction, et la bobine réceptrice (inférieure) sur un système d'enroulement à friction.

La lanterne.

Elle comporte une source lumineuse placée devant un miroir elliptique concave qui concentre les rayons lumineux sur la fenêtre de projection.