Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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STEVENS (George) (suite)

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il sert dans le service cinématographique de l'armée américaine, ce qui lui permet de filmer certains des événements chocs de l'époque : libération du Danemark, ouverture du camp de Dachau, prise du nid d'aigle de Berchtesgaden.

De retour à Hollywood, il s'oriente vers des sujets dramatiques et s'interroge sur les fondements de l'Amérique, sur ses grandes mythologies, avec Une place au soleil (mythe du self-made man), l'Homme des vallées perdues (aventure westernienne), et Géant, dernier film de James Dean, qui y incarnait un parvenu constatant, une fois fortune faite, l'échec de sa vie personnelle.

La critique européenne l'a longtemps méprisé comme étant un pur représentant du pire académisme hollywoodien, en dépit de son succès auprès de la critique américaine, du public et même de l'industrie cinématographique. On pourrait souscrire à une telle idée face au conformisme plat de ses derniers films, le Journal d'Anne Frank (1959), ou la Plus Grande Histoire jamais contée (1965), ou encore face au pompiérisme impavide de certaines séquences de Géant (1956).

Et pourtant, même s'il faut émettre des réserves, on peut se risquer à affirmer que George Stevens est un grand méconnu du cinéma, probablement parce que peu de cinéastes ont puisé leur inspiration si profondément dans la culture, la civilisation et la société américaines. À cet égard, même la Plus Grande Histoire jamais contée est passionnante comme une vision très américaine de la vie du Christ (avec John Wayne dans le rôle du centurion et Max von Sydow dans celui du Christ).

L'œuvre de George Stevens, dont la constante est un romantisme ouaté, idéaliste et manichéen, centré autour du thème de l'ascension sociale et de ses désillusions, se répartit également en comédies et en mélodrames. Dans ce dernier genre, son chef-d'œuvre reste Une place au soleil (1951), où, auprès d'une Elizabeth Taylor resplendissante, Montgomery Clift et Shelley Winters s'affrontent, dans un scénario adapté (très librement) du roman célèbre de Theodore Dreiser. Film ambigu, étrangement sulfureux et âpre, Une place au soleil, qui a valu à Stevens son premier Oscar, est sans doute un des films clés du cinéma américain des années 50.

Le ton spécifique des grandes réussites de Stevens réside dans un mélange de dérision et de mélancolie, oscillant constamment entre le rire et les larmes, qui fait, par exemple, tout le prix et toute la justesse de Pour un baiser (Quality Street, 1937), de la Chanson du passé (1941), la Justice des hommes (1942) ou Tendresse (1948). Peu productif quantitativement — son perfectionnisme est à la limite de la maniaquerie —, il reste très représentatif des bons professionnels de l'industrie hollywoodienne.

Films  :

The Cohens and the Kellys in Trouble (1933) ; Bachelor Bait (1934) ; Kentucky Kernels (id.) ; Laddie (1935) ; The Nitwits (id.) ; Alice Adams (id.) ; la Gloire du cirque (Annie Oakley, id.) ; Sur les ailes de la danse (Swing Time, 1936) ; Pour un baiser (Quality Street, 1937) ; Demoiselle en détresse (A Damsel in Distress, id.) ; Mariage incognito (Vivacious Lady, 1938) ; Gunga Din (id., 1939) ; Vigil in the Night (1940) ; la Chanson du passé (Penny Serenade, 1941) ; la Femme de l'année (Woman of the Year, 1942) ; la Justice des hommes (The Talk of the Town, id.) ; Plus on est de fous (The More the Merrier, 1943) ; Tendresse (I Remember Mama, 1948) ; Une place au soleil (A Place in the Sun, 1951) ; l'Ivresse et l'Amour (Something to Live for, 1952) ; l'Homme des vallées perdues (Shane, 1953) ; Géant (Giant, 1956) ; le Journal d'Anne Frank (The Diary of Ann Frank, 1959) ; la Plus Grande Histoire jamais contée (The Greatest Story Ever Told, 1965) ; Las Vegas, un couple (The Only Game in Town, 1970).

STEVENS (Leslie)

cinéaste américain (Washington, D. C., 1924 - Los Angeles, Ca., 1998).

À quinze ans, il vend au Mercury Theater d'Orson Welles sa première pièce The Mechanical Rat. Au cours des années 40, il est avant tout dramaturge, metteur en scène et producteur de plusieurs pièces de théâtre. Il aborde le cinéma à la fin des années 50 par le biais du scénario, signant en particulier celui du Gaucher (A. Penn, 1958). Passé à la réalisation, il surprend par quelques films insolites : Propriété privée (Private Property, 1960, où se révèle Kate Manx, son épouse qui se suicidera en 1964), Incubus (id., 1961, parlé en espéranto), Hero's Island (1962). L'insuccès commercial de ses films semble avoir détourné Stevens de continuer sa carrière au cinéma. Il se réfugie à la télévision et poursuit ses recherches au théâtre — une de ses pièces, The Lovers, sera adaptée à l'écran par Franklin Schaffner sous le titre le Seigneur de la guerre en 1965.

STEVENSON (Robert)

cinéaste américain d'origine britannique (Londres 1905 - Santa Barbara, Ca., 1986).

Cet élégant réalisateur s'était fait un nom dans son pays quand, en 1936, après quatre ans de carrière, il dirige avec succès un agréable film en costumes la Rose des Tudor (Tudor Rose, 1936). Il assied ensuite sa réputation par une bonne adaptation des Mines du roi Salomon (King Solomon's Mines, id.), le roman de H. Rider Haggard. David O. Selznick le prend sous contrat à Hollywood. Il s'y affirme excellent artisan en dirigeant Charles Boyer et Margaret Sullavan dans le beau mélodrame Back Street (id., 1941). Dans Jane Eyre (id., 1943), soutenu par Orson Welles, Joan Fontaine et par la musique de Bernard Herrmann, il met en valeur ses qualités d'illustrateur. Ses nombreux films ultérieurs sont souvent peu ambitieux, mais toujours réalisés avec compétence. Depuis 1956, il est sous contrat aux studios Disney, diversement inspiré, mais capable d'aimables fantaisies comme Mary Poppins (1964), le Fantôme de Barbe-Bleue (Black-beard's Ghost, 1968) ou l'Apprentie sorcière (Bedknobs and Broomsticks, 1971).

STEWART (Alexandra)

actrice canadienne (Montréal, Québec, 1939).

Parfaite bilingue, elle mène une carrière internationale aux États-Unis et en France. Sans accéder au vedettariat, elle obtient des rôles dans plus de 40 films. En France, elle est notamment l'interprète de Jacques Doniol-Valcroze (l'Eau à la bouche, 1959), Édouard Molinaro (la Mort de Belle, 1961), François Leterrier (les Mauvais Coups, id.), Roger Leenhardt (le Rendez-vous de minuit, id.), Louis Malle (Feu follet, 1963 ; Black Moon, 1975), François Truffaut (La mariée était en noir, 1967 ; la Nuit américaine, 1973), Michel Deville (Bye Bye Barbara, 1968), Philippe de Broca (Julie Pot de colle, 1977), Claude Lelouch (les Uns et les autres, 1981), Francis Girod (le Bon Plaisir, 1984), Claude Chabrol (le Sang des autres, id.) et surtout Pierre Kast, qui lui a donné son premier grand rôle dans le Bel Âge (1959) et qui utilise de film en film (la Morte-Saison des amours, 1960 ; les Soleils de l'île de Pâques, 1972 ; Un animal doué de déraison, 1976 ; le Soleil en face, 1980 ; la Guérillera, 1982) sa beauté limpide d'amazone apparemment inaccessible. Mais elle a tourné également aux États-Unis (Exodus, O. Preminger, 1960 ; Phobia, J. Huston, 1980), en Argentine (Hommage à l'heure de la sieste, L. Torre-Nilsson, 1962) et en Italie (l'Imposteur, L. Comencini, 1982). Elle incarne une figure privilégiée du discours de Kast sur l'amour : le passage du problématique à l'évidence, la réalisation de l'amour-goût quand l'objet des désirs se fait tendre séductrice.