Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PECK (Eldred Gregory, dit Gregory) (suite)

S'il est parvenu à animer pour Walsh de purs films d'aventures, Peck reste surtout lié à une nuance particulière du tragique, celle qu'entraîne un aveu longuement différé, qu'il doive concerner une faiblesse (la Cible humaine) ou une culpabilité (les Bravados). Minnelli donne une version comique de ce trouble dans la Femme modèle. Mais l'acteur, avec son rythme ralenti et son intensité soutenue ne peut guère réussir dans la comédie : il incarnera donc surtout les aventuriers tenus par la mauvaise conscience, mais décidés à bien faire malgré tout. Cette bonne volonté reflète d'ailleurs l'homme lui-même, connu pour ses engagements dans des œuvres de solidarité.

Le style de Peck s'attache à traduire visuellement un interminable discours intérieur. La posture assurée en marque la force, et le regard tendu matérialise une hauteur inflexible ; mais le scrupule et la lucidité s'expriment tour à tour dans les plissements du front, le sourcil levé, le serrement des lèvres. Vers la fin de sa carrière, dans des superproductions dogmatiques, la richesse et la discrétion de cette signification se perdront.

Gregory Peck s'essaie aussi à la production notamment pour le Plus Beau Jour de notre vie (Gordon Davidson, 1972), évocation courageuse des luttes contre la guerre du Viêt-nam. En 1978 il rédige son autobiographie : An Actor's Life.

Films  :

Days of Glory (J. Tourneur, 1944) ; les Clés du royaume (J. M. Stahl, 1945) ; la Vallée du jugement (T. Garnett, id.) ; la Maison du docteur Edwardes (A. Hitchcock, id.) ; Jody et le faon (C. Brown, 1947) ; l'Affaire Macomber (Z. Korda, id.) ; Duel au soleil (K. Vidor, id.) ; le Mur invisible (E. Kazan, id.) ; le Procès Paradine (Hitchcock, 1948) ; la Ville abandonnée Nevada (W. Wellman, id.) ; Passion fatale (R. Siodmak, 1949) ; Un homme de fer (H. King, id.) ; la Cible humaine (id., 1950) ; Fort invincible (Only the Valiant, G. Douglas, 1951) ; David et Bethsabée (King, id.) ; Capitaine sans peur (R. Walsh, id.) ; les Neiges du Kilimandjaro (King, 1952) ; Le monde lui appartient (Walsh, id.) ; Vacances romaines (W. Wyler, 1953) ; l'Homme au million (R. Neame, id.) ; les Gens de la nuit (Night People, N. Johnson, 1954) ; la Flamme pourpre (R. Parrish, id.) ; l'Homme au complet gris (Johnson, 1956) ; Moby Dick (J. Huston, id.) ; la Femme modèle (V. Minnelli, 1957) ; Bravados (King, 1958) ; les Grands Espaces (Wyler, id.) ; la Gloire et la Peur (L. Milestone, 1959) ; Un matin comme les autres (Beloved Infidel, King, id.) ; le Dernier Rivage (S. Kramer, id.) ; les Canons de Navarone (J. Lee Thompson, 1961) ; Du silence et des ombres (R. Mulligan, 1962) ; les Nerfs à vif (Lee Thompson, id.) ; la Conquête de l'Ouest (J. Ford, H. Hathaway, id.) ; le Combat du capitaine Newman (Captain Newman, M. D., D. Miller, 1964) ; Et vint le jour de la vengeance (F. Zinnemann, id.) ; Mirage (E. Dmytryk, 1965) ; Arabesque (S. Donen, 1966) ; l'Homme sauvage (Mulligan, 1969) ; l'Or de MacKenna (MacKenna's Gold, J. Lee Thompson, id.) ; les Naufragés de l'espace (J. Sturges, id.) ; le Pays de la violence (J. Frankenheimer, 1970) ; Quand siffle la dernière balle (H. Hathaway, 1971) ; Un colt pour une corde (T. Kotcheff, 1973) ; la Malédiction (The Omen, Richard Donner, 1976) ; Mac Arthur (id., Joseph Sargent, 1977) ; Ces garçons qui venaient du Brésil (F. Schaffner, 1978) ; Commando de Sa Majesté (The Sea Wolves, A. McLaglen, 1981) ; la Force du silence (Silent Voice / Amazing Grace and Chuck, Mike Newell, 1987) ; Old Gringo (id., Luis Puenzo, 1989) ; Larry le liquidateur (N. Jewison, 1991) ; les Nerfs à vif (M. Scorsese, id.).

PECK (Raoul)

cinéaste haïtien (Port-au-Prince, 1953).

Après des études en Allemagne, il réussit à brosser un portrait assez intense de certains dilemmes de l'exil politique dans Haitian Corner (1988), tourné à New York. Il fait preuve d'une même sensibilité lorsqu'il remémore Lumumba, la mort du prophète (1991), personnage sur lequel il revient, en passant du matériel d'archives à l'évocation dramatique (Lumumba, 2000). Jusqu'alors, sa démarche très marquée par le documentaire était nettement ancrée dans la diaspora haïtienne dont il est issu. Avec l'Homme sur les quais (1993), c'est par les armes de la fiction, à partir d'un flash-back et du point de vue d'une petite fille en proie à des souvenirs douloureux, que Peck évoque l'oppression de Haïti sous le règne des Duvalier et des « tontons macoutes ». Il n'en reste pas moins attaché à cerner les options du présent : Haïti, le silence des chiens (1994) est une confrontation entre le président constitutionnel, Jean-Bertrand Aristide, et son Premier ministre, Robert Malval, sous l'œil exigeant du réalisateur. Pour la télévision, il met en scène Corps plongés (1998).

PECKINPAH (Sam)

cinéaste américain (Madera County, Ca., 1926 - Inglewood, Ca., 1984).

Petit-fils d'un chef indien, élevé parmi les derniers témoins de la Frontière, il trouve tout naturellement sa voie dans le western. Après avoir été l'assistant de Donald Siegel, il crée les séries Rifleman (1958) et The Westerner (1960) à la télévision, puis débute au cinéma avec New Mexico (The Deadly Companions, 1961), surprenante contre-épopée où l'absurde le dispute à l'insolite. Dès ses premiers essais, il ébauche son thème de prédilection, celui des « perdants » : « Ils ont pris depuis longtemps des accommodements avec la mort et la défaite, ils n'ont plus rien à perdre, il ne leur reste plus une illusion. Aussi représentent-ils l'aventure désintéressée. » En contant la dernière chevauchée de deux shérifs anachroniques, Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country, 1962) sonne le glas de la mythologie humaniste. Le cinéaste y cerne ce qui sera désormais son univers : la prairie cadastrée, la frontière close, les pistes finissant en cul-de-sac, le règne lugubre de la loi et de l'ordre, l'avènement de l'ère industrielle.

Par son individualisme cabochard, son don-quichottisme, son goût des causes perdues, ses affinités avec un John Huston, Peckinpah appartient à la génération qui l'a précédé. Conscient d'être né trop tard (« Si seulement le monde pouvait être comme on nous l'avait dépeint quand nous étions enfants ! »), il s'est trouvé assurer la transition entre l'idéalisme romanesque des années 50 et le nouveau réalisme des années 70. Faute de pouvoir ressusciter le héros romantique d'antan, il lui revenait d'en prononcer l'oraison funèbre. Ainsi célèbre-t-il l'interminable agonie de l'homme de l'Ouest dansMajor Dundee (1965), la Horde sauvage (The Wild Bunch, 1969), Un nommé Cable Hogue (The Ballad of Cable Hogue, 1970) et Pat Garrett et Billy le Kid (Pat Garrett and Billy the Kid, 1973). Autant de lamentos dont la mise en scène, baroque, convulsive, consacre elle aussi l'irréversible déclin du classicisme. S'il décape la légende, s'il contribue à redonner au genre une conscience historique, il n'en crée pas moins une nouvelle mythologie qui substitue aux rituels de l'apprentissage la logique meurtrière de l'apocalypse. Son ressort principal est le pathétique : pathétique de la dégradation physique (ses perdants sont tous peu ou prou infirmes), de la mission accomplie à contre-cœur (aux prises avec des factions multiples, ils ne connaissent que combats douteux), de l'entropie et de l'autodestruction (ils courent à leur perte en reniant leur passé ou leurs anciens compagnons), de la prise de conscience tardive ou inutile (ils sont d'avance condamnés par les progrès de la technologie : automobiles, side-cars, mitrailleuses, bulldozers...).