Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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RAY (Emmanuel Rudnitsky, dit Man) (suite)

Aux États-Unis, de 1940 à 1951, il collabore en tant que coscénariste et acteur à l'un des épisodes du long métrage de Hans Richter Rêves à vendre (Dreams That Money Can Buy, 1946). On peut le voir enfin dans Dadascope, du même Richter (1956-1961).

RAY (Raymond Nicholas Kienzle, dit Nicholas)

cinéaste américain (Galesville, Wis., 1911 - New York, N. Y., 1979).

Interviewé en 1957 par les Cahiers du cinéma, l'auteur de la Fureur de vivre expliquait que son « label personnel » avait toujours été : « Je suis un étranger ici-bas », et il ajoutait : « la quête d'une vie remplie est — paradoxalement — solitaire. Je crois que la solitude est très importante pour l'homme, aussi longtemps qu'elle ne lui nuit pas ». Ce destin se réalisera, au-delà de toute espérance.

Né dans une petite bourgade du Wisconsin, il passe son enfance à La Crosse (où était né deux ans avant lui Joseph Losey) et manifeste très jeune des dons pour le théâtre, la musique et l'architecture. Il suit les cours de Frank Lloyd Wright, dont l'influence sur son œuvre sera déterminante (« il m'enseigna, dit-il, une façon particulière de poser le regard sur les choses »), et se lie d'amitié avec Elia Kazan, dont il est l'interprète, en 1935, pour une pièce intitulée The Young Go First. En 1944, il sera son assistant pour son premier film, le Lys de Brooklyn. Il travaille également avec John Houseman, alors directeur de la compagnie théâtrale La Phoenix. C'est ce dernier qui lui met le pied à l'étrier de la mise en scène cinématographique, en lui confiant, en 1947, la réalisation d'un premier film, les Amants de la nuit (They Live by Night), l'histoire d'un jeune couple traqué par la police, d'après le roman de Edward Anderson, Thieves Like Us, dont Robert Altman fera un remake en 1974. Tout Ray est déjà dans cette première œuvre : son romantisme fiévreux, son non-conformisme, son goût de la révolte, son aptitude à saisir l'épiderme des choses et, au-delà, cette espèce de feu intérieur qui consume les êtres vulnérables, et qui ne va pas tarder à l'embraser lui-même. Le film sera découvert et admiré en Europe avant de sortir, tardivement, aux États-Unis. Entre-temps, Ray a tourné un deuxième film, beaucoup moins personnel, A Woman's Secret (1949), et surtout en a mis en chantier deux autres, produits et interprétés par Humphrey Bogart : les Ruelles du malheur (id.) et le Violent (1950) ; ce dernier, vrai journal intime des rapports (houleux) de Ray et de sa vedette féminine, Gloria Grahame, qu'il épouse en secondes noces pour en divorcer presque aussitôt. Quelques travaux alimentaires encore, et aussi l'admirable Maison dans l'ombre (1952, avec R. Ryan et Ida Lupino), et c'est une succession de grandes réussites : les Indomptables (id.), ballade romanesque aux accents faulknériens, Johnny Guitare (1954), conte de fées camouflé en western flamboyant, deux « vrais » westerns : À l'ombre des potences (1955) et le Brigand bien-aimé (1957), enfin la rencontre au sommet Nick Ray/James Dean : la Fureur de vivre (1955), dont le succès et l'aura le dépasseront quelque peu. L'accord semble trouvé entre la poésie des intentions et la maîtrise de la réalisation. Mais l'équilibre est bientôt rompu : « derrière le miroir » de l'establishment plane le spectre de l'échec, ou des « amères victoires ». Ray jette ses derniers feux dans deux films au ton quasi testamentaire, d'un lyrisme échevelé : la Forêt interdite (1958), une œuvre qu'on a pu qualifier de tellurique, tant le cinéaste y semble aux prises avec les éléments premiers de l'univers ; et Traquenard (id.), sorte de tragi-comédie musicale baroque, avec le couple mythique Robert Taylor/Cyd Charisse. Ray s'y confirme comme un maître coloriste, maniant en virtuose le pourpre et l'or. C'est alors qu'on a l'idée saugrenue de lui confier des « grosses machines » commerciales. Ce n'est pas son registre. Il échoue, successivement, avec les Dents du diable (1960), le Roi des rois (1961) et surtout les 55 Jours de Pékin (1963, avec Ava Gardner). Pendant le tournage — mouvementé — de ce dernier film, il est victime d'un infarctus. Mis à la retraite anticipée par les producteurs, qu'indispose depuis longtemps son tempérament farouchement indépendant, il passera les quinze dernières années de sa vie dans une éprouvante solitude, aggravée par la maladie. Il ne sera « récupéré » in extremis que par un jeune admirateur, Wim Wenders, qui filmera — avec son accord — sa terrible agonie dans Nick's Movie/Lightning Over Water. Ce sera un film posthume, Ray succombant au cancer qui le ronge, le 17 juin 1979.

Sa « tendresse inquiète et meurtrie » (Henri Agel), ses « images traversées de nuit d'angoisse et de mort » (Jacques Siclier) ont suscité maintes exégèses. Aux yeux de Jean-Luc Godard, il personnifiait « le cinéma, et rien que le cinéma ». Il prend place dans la lignée des poètes maudits d'Hollywood, aux côtés de Griffith, de Stroheim et de Sternberg.

Films  :

les Amants de la nuit (They Live by Night, 1949) ; A Woman's Secret (id.) ; les Ruelles du malheur (Knock on Any Door, id.) ; le Violent (In a Lonely Place, 1950) ; Born to Be Bad (id.) ; les Diables de Guadalcanal (Flying Leathernecks, 1951) ; la Maison dans l'ombre (On Dangerous Ground, 1952) ; les Indomptables (The Lusty Men, id.) ; Johnny Guitare (Johnny Guitar, 1954) ; À l'ombre des potences (Run for Cover, 1955) ; la Fureur de vivre (Rebel Without a Cause, id.) ; l'Ardente Gitane (Hot Blood, 1956) ; Derrière le miroir (Bigger Than Life, id.) ; le Brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James, 1957) ; Amère Victoire (Bitter Victory, FR-US, id.) ; la Forêt interdite (Wind Across the Everglades, 1958) ; Traquenard (Party Girl, id.) ; les Dents du diable (The Savage Innocents, FR-GB-IT, 1960) ; le Roi des rois (King of Kings, 1961) ; les 55 Jours de Pékin (55 Days at Peking, 1963) ; Rêves humides (Wet Dreams, épisode : The Janitor, 1974) ; We Can't Go Home Again (1976) ; Nick's Movie/Lightning Over Water (CO : W. Wenders, 1979).

RAY (Satyajit)

écrivain, scénariste, musicien et cinéaste indien (Calcutta, Bengale, 1921 - id. 1992).