Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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LACOMBE (Georges)

cinéaste français (Paris 1902 - près de Cannes, 1990).

Après des études d'agronomie, il débute dans le cinéma comme assistant de René Clair et réalise en 1928 un petit film d'ambiance populiste, la Zone, qui lui vaut l'estime des cénacles d'avant-garde. Il tourne ensuite deux courts métrages, Bluff (1930, avec Albert Préjean) et Boule de gomme (1931, avec Raymond Cordy). C'est le début d'une carrière assez hétéroclite, qui va de l'adaptation de Maupassant (Ce cochon de Morin, 1932) à la comédie de boulevard (la Femme invisible, 1933), du tableau unanimiste (Jeunesse, 1934) au film à sketches (Café de Paris, CO Y. Mirande, 1938 ; Derrière la façade, id., 1939) et du mélodrame religieux à la gloire de l'Armée du salut (les Musiciens du ciel, id., son plus grand succès) au policier (le Dernier des six, 1941). Rien de génial dans tout cela, mais rien de déshonorant. Sous l'Occupation, Lacombe tourne sans désemparer, dirigeant aussi bien Édith Piaf (Montmartre-sur-Seine, id.) que Raimu (Monsieur la Souris, 1942) ou Pierre Fresnay (le curieux Escalier sans fin, 1943). Son film le plus ambitieux sera, en 1945, le Pays sans étoiles, mélange insolite de science-fiction et de poésie bucolique, d'après le beau roman de Pierre Véry, avec Jany Holt, Pierre Brasseur et, presque débutant, Gérard Philipe. Il échoue complètement à diriger le couple Jean Gabin-Marlene Dietrich dans Martin Roumagnac, 1946. Il sera plus heureux avec un autre « Gabin », La nuit est mon royaume (1951), mélodrame d'une rare justesse de ton. Ne citons que pour mémoire la Lumière d'en face en 1956 (avec Brigitte Bardot) et Cargaison blanche en 1958 (avec Françoise Arnoul), à l'érotisme désuet. Lacombe fera ensuite une carrière consciencieuse à la télévision.

LADD (Alan)

acteur américain (Hot Springs, Ark., 1913 - Palm Springs, Ca., 1964).

Alan Ladd est depuis longtemps déjà un figurant obscur et obstiné quand il est remarqué dans deux films de pirates, les Maîtres de la mer (F. Lloyd, 1939) et Capitaine Casse-cou (Richard Wallace, 1940). Hirsute, mais angélique, Ladd suscite bientôt l'engouement des bobby-soxers. Petit, le visage impassible, presque féminin, il appartient à la décennie qui commence et qui va se montrer sensible aux hommes vulnérables (John Garfield, Monty Clift). Dès 1942, dans Tueur à gages (F. Tuttle), avec celle qui va devenir sa partenaire, Veronica Lake, il crée un couple résolument moderne et impose son indéniable présence en tueur précis, taciturne et solitaire, avec un faible seulement pour les chatons. Notons que, avec celle de Tyrone Power, sa carrière d'acteur est une des rares à se développer pendant la guerre. Il offrait l'image d'une virilité à la fois cynique et fragile qu'on opposa souvent à l'acidité de Veronica Lake. Le film noir fut son terrain d'élection : la Clé de verre (S. Heisler, 1942) et, surtout, le méconnu Dahlia bleu (G. Marshall, 1946). On a minimisé à l'époque la finesse de son jeu et son intériorisation, trompé qu'on a été par son impassibilité de surface. Mais la mélancolie de son interprétation du Gatsby fitzgeraldien dans le Prix du silence (E. Nugent, 1949) pourrait être réévaluée. Quelques auteurs de westerns élégiaques et subtils surent voir au-delà des apparences, et il fut excellent dans l'Homme des vallées perdues (G. Stevens, 1953) et dans l'Aigle solitaire (D. Daves, 1954). Cependant, l'originalité de Ladd était intimement liée à sa juvénilité. Quand ses traits se creusèrent, il eut du mal à survivre. Si bien que son dernier film reste aussi son dernier grand rôle : idole de western fanée dans les Ambitieux (E. Dmytryck, 1964), il transcende un scénario à trois sous et nous adresse un pathétique adieu.

LAEMMLE (Carl)

producteur américain d'origine allemande (Laupheim, Wurtemberg, 1867 - Los Angeles, Ca., 1939).

Laemmle émigre en 1884, avec sa famille, d'origine juive allemande, aux États-Unis. De métier en métier, il en arrive à ouvrir une salle de type « Nickelodeon » à Chicago en 1906. Bientôt maître d'un important circuit affilié au trust MPP (Motion Pictures Patent Company), il s'en sépare pour fonder la société de production-exploitation IMP (Independant Motion Pictures), aussitôt engagée avec vigueur dans « la guerre des brevets » née des prétentions monopolistiques d'Edison. Dès 1910, conscient des pouvoirs de la publicité, il lève l'anonymat des acteurs jusqu'alors imposé par les firmes et révèle Florence Lawrence. Il débauche Mary Pickford de la Biograph rivale et donne le coup d'envoi à ce qui sera le star system. En 1912, il fond plusieurs petites sociétés dans la seule Universal Film Manufacturing Company ; trois ans plus tard, il ouvre Universal City, dont les studios se situent à Fernando Valley (Los Angeles). Laemmle, qui avait produit quelques films de Ince, met le pied à l'étrier au jeune Jack (John) Ford et révèle Stroheim avec Maris aveugles (1919). Lorsque le raide Stroheim s'engage avec Folies de femmes dans une réalisation prodigue, il se heurte à Irving Thalberg, appelé par Laemmle comme directeur de production. Le décor (le plus célèbre de l'histoire du studio), qui reconstituait Monte-Carlo, et diverses folies coûtèrent un million de dollars (1922)... Aussi prudent qu'entreprenant, Laemmle savait avancer avec le vent. Le premier long métrage tourné par l'IMP le fut à son corps défendant, car on ne croyait à l'époque qu'aux films de deux ou trois bobines, mais Traffic in Souls (G. L. Tucker, 1913), rapporte un demi-million de dollars pour 5 000 de mise : Laemmle décide aussitôt de faire du long métrage son cheval de bataille. Il invite plusieurs cinéastes européens à travailler pour Universal : Ewald A. Dupont, Paul Leni, et le chef opérateur Karl Freund, puis fonde une filiale allemande, la Matador. En 1930, le studio passe avec succès le cap du sonore grâce au film de Lewis Milestone À l'Ouest rien de nouveau. La production se diversifie : dans un fantastique de qualité avec Dracula (T. Browning, 1931), l'Homme invisible (J. Whale, 1933) ; dans le musical, en Technicolor (The King of Jazz, John Murray, 1930) ; le western (A House Divided, W. Wyler, 1932)... Le petit homme autoritaire, véritable fondateur d'Universal, self-made man par excellence, est alors accusé de népotisme flagrant. En 1936, il vend ses actions, contraint de passer la main, et se retire. Son fils, Carl Jr, assuma, entre autres membres de la famille, des fonctions de direction.