Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FERNÁNDEZ (Emilio)

cinéaste et acteur mexicain (Mineral del Hondo, Coahuila, 1904 - Mexico 1986).

Ancien militaire, il débute par de petits rôles à Hollywood (The Western Code, J. P. MacCarthy, 1933), puis au Mexique, où il interprète notamment Janitzio (Carlos Navarro, 1934) et Adiós Nicanor (Rafael E. Portas, 1937), dont il écrit le scénario. Sa première mise en scène date de 1941 (La isla de la pasión), mais ce sont deux films tournés en 1943 qui font figure de manifeste esthétique : l'Ouragan (Flor Silvestre) et María Candelaria, primé à Cannes. La gloire internationale que Fernández procure au cinéma mexicain regorge de malentendus. On le prend pour un poète de l'authenticité et de la justice sociale. Il s'avère en fait politiquement naïf, et esthétiquement plutôt complaisant. Nationaliste, il pense, certes, que la révolution de 1910 a été nécessaire, mais elle n'en reste pas moins un cauchemar. Son héritage se réduit à un discours civique et patriotique simpliste, en accord avec le Mexique institutionnalisé et bourgeois de son temps (Río Escondido, 1947). Pourtant, son scénariste habituel, Mauricio Magdaleno, est à l'origine d'un film autrement plus lucide (El compadre Mendoza, F. de Fuentes, 1933). L'indigénisme de celui qu'on surnomme « el Indio » est à mi-chemin entre le romantisme du XIXe siècle et la revendication culturelle à laquelle procèdent des écrivains contemporains. Ses Indiens sont soumis, stoïques, insaisissables, mais, surtout, ils sont beaux. Leur hiératisme s'intègre à un cinéma marqué par un véritable complexe d'Eisenstein, où prédomine l'éclairage décoratif de Gabriel Figueroa. La structure mélodramatique se révèle typique des écrans mexicains, et la violence est devenue un ressort dramatique, presque abstrait, chez des personnages frustes mais emphatiques, qui prennent des allures d'archétype sous les traits de Pedro Armendáriz (ou d'autres). Ce lyrisme grandiloquent, cette photogénie rhétorique, ce populisme bucolique véhiculent une vision folklorique de la réalité, empreinte de conformisme et de fatalisme (La perla, 1945). On comprend qu'amateurs d'exotisme et partisans du « réalisme socialiste » se soient rejoints pour faire l'éloge de ces héros positifs empêtrés dans des amours malheureuses et des cataclysmes. Fernández donne aussi ses lettres de noblesse à la prostitution : récits édifiants où la maman et la putain sont les deux faces de la femme : les Abandonnées (Las abandonadas, 1944) ; les Bas-Fonds de Mexico (Salón México, 1948) ; Quartier interdit (Víctimas del pecado, 1950). Le pseudo-érotisme, dans le Filet (La red, 1953), annonce un déclin désormais irréversible. Il signe aussi Soy puro mexicano (1942), Bugambilia (1944), Pepita Jiménez (1945), Enamorada (1946), Maclovia (1948), Pueblerina (id.), la Mal-aimée (La malquerida, 1949), parmi une quarantaine de titres. Il a l'occasion de réapparaître à l'écran comme acteur, grâce à des rôles dans La cucaracha (1958), Los hermanos del Hierro (1961) d'Ismael Rodriguez et Au-dessous du volcan (1984) de John Huston.

FERNÁN GÓMEZ (Fernando)

acteur et cinéaste espagnol (Lima, Pérou, 1921).

Prolifique interprète de plus de 150 films de l'après-guerre, sa popularité initiale se fonde sur des fleurons de la production franquiste (Botón de ancla, Ramón Torrado, 1947 ; Balarrasa, J. A. Nieves Conde, 1950). Après avoir joué pour Bardem et Berlanga (le Couple heureux, 1951), il aborde la mise en scène. Parmi la vingtaine de titres réalisés, certains se situent parmi les meilleurs de cette phase du cinéma espagnol. Les comédies La vida por delante (1958) et La vida alrededor (1959) traitent avec finesse, brio et un pessimisme lucide les difficultés de la vie quotidienne. Après El mundo sigue (1963), mélodrame noir, Fernán Gómez tourne une œuvre insolite, féroce, sans égale dans la production espagnole d'alors : El extraño viaje (1964). Mais ces films passent à peine dans le circuit commercial : auteur maudit, il ne sera revalorisé que dix ans plus tard. Sa carrière d'acteur devient plus sélective et il peut ainsi donner la mesure de son talent, sous la direction de Carlos Saura (Ana et les loups, 1972), Víctor Erice (l'Esprit de la ruche, id.), Ricardo Franco (Los restos del naufragio, 1978), Manuel Gutiérrez Aragón (Maravillas, 1980 ; Feroz, 1983), ou Jaime de Armiñán (Stico, 1984 ; Mi general, 1986). Homme polyvalent, que les frustrations propres à sa génération n'ont pas apprivoisé, il s'est exprimé aussi à travers le théâtre, la poésie, le roman, la radio, l'opéra et la télévision (Juan Soldado, 1973). Au cours des années 80, il remporte un succès critique et public à la fois comme acteur et réalisateur dans Malbrough s'en va-t-en guerre (Mambŕu se fue a la guerra, 1986), El viaje a ninguna parte (1987) et El mar y el tiempo (1989). En mettant en scène Siete mil dias juntos (1994), il revient à l'humour noir. Il réalise ensuite Pesadilla para un rico (1996) et Lázaro de Tormes (CO J. L. García Sánchez, 2000), d'après le classique de la picaresque.

FERRARA (Abel)

cinéaste américain (New York, N.Y., 1952).

À la difficile lisière entre la production indépendante et les grands studios, Abel Ferrara s'est signalé à l'attention des cinéphiles vers les années 80, avec des films aussi peu « aux normes » qu'Angel of Vengeance / MS 45 (1981) ou China Girl (1987). Le film policier, nerveux et sanglant, aux résonnances symboliques voire mystiques, est dès lors le terrain d'élection du cinéaste : dans ce registre, la réussite de King of New York (id., 1989) est indiscutable. Il convie à ses expériences des acteurs « dans le système » mais « différents » : ainsi, Christopher Walken ou Harvey Keitel ont effectué chez lui certaines de leurs prestations les plus inspirées. La vision très personnelle et apocalyptique de l'Amérique contemporaine se traduit chez Ferrara dans un style dynamique, peu soucieux du bon goût. Bad Lieutenant (id., 1992) et dans une moindre mesure Snake Eyes (id., 1994) prolongent cette observation désabusée et parfois répétitive, mais le second se perd par instant dans un dolorisme nombriliste. L'excellence de la facture de Body Snatchers (id., 1993), troisième version d'un classique de la science-fiction horrifique, masque mal l'inconfort de Ferrara à travailler dans un cadre de production relativement traditionnel. Un film conventionnel, d'ailleurs remarquable, comme Nos funérailles (The Funeral, 1996), lente élégie funèbre dans une famille mafieuse, comble moins ses thuriféraires que des œuvres confuses et hybrides comme The Addiction (id., 1995), The Blackout (id., 1997) ou New Rose Hotel (id., 1999). On y sent un talent indiscutable mais trop englué dans ses démons personnels pour trouver un chemin vers le spectateur : choisissant toujours le prétexte du film de genre, Ferrara est de plus en plus proche d'un certain cinéma d'auteur quelque peu abscons, à l'européenne.