Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Schröder (Jaap)

Violoniste néerlandais (Amsterdam 1925).

Formé au Conservatoire d'Amsterdam, il arrive en 1948 à Paris où il travaille avec Jacques Thibaud, et étudie la musicologie à la Sorbonne. De 1950 à 1963, il est violon solo de l'Orchestre de chambre de la Radio néerlandaise et, parallèlement, se spécialise dans la musique baroque jouée sur instruments d'époque. De 1960 à 1968, il anime le Quadro Amsterdam puis le Concerto Amsterdam, le Quatuor Esterhazy de 1973 à 1981, et le Quatuor Smithson depuis 1982. Chef d'orchestre, il enregistre les symphonies de Mozart avec l'Academy of Ancient Music de Londres, et aborde Bach, Vivaldi et Leclair. Enseignant à la Schola cantorum de Bâle et, depuis 1982, à la Juilliard School de New York, il mène de front une carrière de soliste et de chef d'orchestre de musique baroque.

Schroeder-Devrient (Wilhelmine)

Soprano allemande (Hambourg 1804 – Cobourg 1860).

Elle étudia le chant avec son père, le baryton Friedrich Schroeder, et la comédie avec sa mère, la tragédienne Antoinette Sophie Bürger. Elle débuta, en 1821, dans le rôle de Pamina de la Flûte enchantée, où on lui reprocha ses inégalités vocales, mais triompha l'année suivante dans Agathe du Freischütz, sous la direction de Weber, puis dans Léonore de Fidelio. Elle chanta de 1823 à 1847 à Dresde, où on la célébra comme une « tragédienne cantatrice », emploi nouveau dans l'histoire de l'opéra. Dans le même temps, elle fit une carrière internationale, paraissant à Paris et à Londres, où elle faisait sensation dans Léonore, Donna Anna de Don Giovanni et Euryanthe. Elle fut également remarquée pour ses interprétations de Rossini et de Bellini Otello et I Capuletti, où son génie dramatique parvenait à compenser certaines faiblesses techniques. Wagner l'admirait particulièrement et écrivit pour elle le rôle travesti d'Adriano dans Rienzi, celui de Senta dans le Vaisseau fantôme et celui de Vénus dans Tannhäuser. Elle créa les trois, bien que, en 1845, lorsque fut donné le dernier de ces ouvrages, ses moyens vocaux aient été en baisse certaine. Sa voix, d'une étendue exceptionnelle, était plus émouvante que belle. On l'avait surnommée « la Reine des larmes ». En 1823, elle avait épousé l'acteur Devrient, dont elle divorça en 1828.

Schröter

Famille d'exécutants et de compositeurs allemands.

 
Corona Elisabeth Wilhelmine, cantatrice et compositrice (Guben 1751 – Ilmenau 1802). Élève de Hiller, elle bénéficia de l'admiration et de l'appui de Goethe, qui la fit engager à Weimar. Elle se produisit également beaucoup à Leipzig. On connaît d'elle des mélodies et les airs du singspiel Die Fischerin (« la Pêcheuse », 1782). Elle fut la première à mettre en musique Erlkönig de Goethe (1786).

 
Johann Samuel, pianiste, organiste et compositeur, frère de la précédente (Guben v. 1752 – Londres 1788). Il travailla à Leipzig puis émigra en 1772 avec son père, auparavant hautboïste à la cour de Dresde, avec son frère et sa sœur en Angleterre, où il fut organiste de la chapelle allemande et maître de musique de la reine à la mort de J. C. Bach. Également pianiste, professeur et compositeur, on lui doit des concertos pour piano, des sonates pour clavecin et de la musique de chambre. Sa veuve Rebecca noua avec Haydn, lors des séjours à Londres de ce dernier, des relations très étroites.

 
Johann Heinrich, violoniste et compositeur, frère des précédents (Varsovie 1762 – ?). Il mena une vie itinérante et composa de la musique de chambre. On ignore à peu près tout de sa carrière.

Schubart (Christian)

Poète, journaliste et compositeur allemand (Obersontheim, Souabe, 1719 – Stuttgart 1791).

Après avoir occupé divers postes d'organiste, il fut banni du Wurtemberg à cause de sa vie dissolue (1773), et, en 1774, fonda à Augsbourg un périodique intitulé Deutsche Chronik et consacré à la politique, à la littérature et à la musique. Emprisonné en 1777 sur ordre du duc Carl Eugen de Wurtemberg dans la forteresse du Hohenasperg, il y dicta et y rédigea son autobiographie en 1778-79 (Leben und Gesinnungen, von ihm selbst im Kerker aufgesetzt, Stuttgart, 1791-1793), et, en 1784-85, ses Ideen zu einer Ästhetik der Tonkunst (Vienne, 1806). Beaucoup de ses compositions musicales datent également de ses années de prison. Libéré en 1787, il devint poète de cour et de théâtre à Stuttgart, et refit paraître sa revue sous le nom de Vaterländische Chronik. Ses écrits, dans lesquels il condamne le style galant et les italianismes et soutient l'Empfindsamkeit de Carl Philipp Emanuel Bach et des compositeurs de l'Allemagne du Nord, donnent une idée précise et complète de la vie musicale dans les pays germaniques dans le troisième quart du XVIIIe siècle. Il est l'auteur des paroles de la Truite de Schubert.

Schubert (Franz Peter)

  • Franz Schubert, Symphonie n° 9 en ut majeur, D. 944, dite « la Grande Symphonie » (1ermouvement, allegro ma non troppo)
  • Franz Schubert, Symphonie n° 4 « Tragique » en ut mineur D.417, Finale, allegro
  • Franz Schubert, Quatuor à cordes en ré mineur, D 810, « la Jeune Fille et la Mort » (1ermouvement, allegro)
  • Franz Schubert, Marguerite au rouet, D.118

Compositeur autrichien (Vienne 1797 – id. 1828).

Il est le troisième et dernier des grands musiciens classiques viennois, après Joseph Haydn et Mozart. Il naquit dans une maison à l'enseigne de l'Écrevisse rouge, dans le Himmelpfortgrund ­ la « Porte du Ciel » ­, aujourd'hui, Nussdorferstrasse 54, dans le 9e arrondissement, qui était à l'époque un faubourg. Le père de Schubert, Franz-Theodor (1763-1830), avait quitté sa ville natale de Neudorf en Moravie pour rejoindre son frère aîné vers 1780 et pour devenir, comme lui, instituteur à Vienne. La mère, Elisabeth Vietz, était silésienne ­ c'est-à-dire polonaise. Franz Schubert représente donc le type du Viennois issu des provinces non allemandes de l'Empire ; et cette diversité de ses origines jouera un rôle non négligeable dans la richesse et la versatilité de son art. Né le 31 janvier 1797 et baptisé le lendemain à la paroisse de Lichtenthal, il est déjà le douzième enfant de l'instituteur ; trois seulement de ses aînés sont toujours en vie, le plus âgé, Ignaz (1785-1844), adjoint de leur père, l'aidera aussi dans la première éducation de l'enfant, notamment en musique. Ils découvrent vite les dons exceptionnels du jeune Franz et, ne pouvant plus rien lui enseigner en cette matière, le confient dès sa huitième année à l'organiste de la paroisse, Michaël Holzer, qui lui donne sa première pratique de l'improvisation et du développement. En 1808, deux postes devenus vacants lui permettent d'entrer au Stadtkonvikt, école formant des petits chanteurs et rattachée à l'université. Si Franz y brille par la facilité de sa voix et par ses progrès étonnants en musique, il est moins assidu dans les matières d'enseignement général, et surtout souffre de la dure vie d'internat, qui exacerbe le côté indépendant de son caractère. D'un autre côté, il retire un bénéfice essentiel de cette communauté : les liens qu'il noue avec de nombreux camarades qui deviendront les plus sûrs appuis de son âge adulte et les partenaires des futures « schubertiades ».

Du Konvikt à la liberté

Le plus âgé d'entre eux, Josef von Spaun, futur juriste, fut le témoin privilégié des premiers essais de composition de Franz, et lui fournit même le papier, dont il faisait déjà grand usage en cachette (car son père ne souhaitait pas qu'il devînt musicien). Les premiers ouvrages qui subsistent datent de la treizième année, mais ils furent sûrement précédés de bien d'autres que le jeune garçon distribua ou détruisit. On conserve, de l'époque du Konvikt, près d'une centaine d'œuvres qui vont de la Fantaisie en « sol » D.1 à la Symphonie no 1 D.82, en passant par 2 autres fantaisies pour 4 mains, 10 quatuors à cordes (joués dans la maison paternelle), des trios, 1 octuor à vents, plusieurs ouvertures, de nombreuses danses, un fragment d'opéra (Der Spiegelritter), des pièces sacrées, mais relativement peu de lieder (le premier fut Hagars Klage, D.5). Schubert découvre bientôt non seulement les poètes classiques, mais également des auteurs de sa propre génération, comme le jeune Theodor Körner, chantre de la guerre de libération contre Napoléon et qui mourra au combat en 1813. Quant à sa formation théorique de compositeur, il l'a complétée auprès de Salieri. Ce maître assurera au jeune Franz une parfaite connaissance des fondements de son art, mais ne lui ouvrira pas encore les portes de la musique contemporaine la plus avancée. À seize ans, c'est-à-dire, à l'époque de son départ volontaire du Konvikt (nov. 1813), il jugeait Beethoven « excentrique » et « mêlant sans distinction le sacré et l'arlequinade » ! En revanche, il vénérait Mozart, et, grâce à Spaun, avait découvert le théâtre de Gluck.

   Ayant renoncé à sa bourse d'études, il acquiert tant bien que mal, l'année suivante, un diplôme d'instituteur à l'école Sainte-Anne, et, à l'automne de 1813, entre comme adjoint de son père à sa propre école. Il a la douleur de ne plus y retrouver sa mère (morte en 1812) ; sa belle-mère, Anna Kleyenböck, donnera le jour à cinq autres enfants. S'étant épris d'une jeune choriste de la paroisse, Thérèse Grob, Franz écrit pour elle et dirige lui-même une vaste Messe en « fa » majeur, D.105 ­ où l'on note déjà, comme dans toutes les suivantes, l'omission délibérée du fameux verset « Et unam sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam »… Cette Messe, grâce probablement à l'intervention de Salieri, est redonnée quelques semaines plus tard à l'aristocratique église des Augustins. À dix-sept ans, le jeune Schubert, qui vient de terminer son opéra Des Teufels Lustschloss, D.84 ­ une ambitieuse pièce en 3 actes ­, et qui a subi un choc esthétique décisif avec la création de la version définitive de Fidelio, où il a reconnu la grandeur de Beethoven, entre donc de plain-pied dans la vie musicale de la capitale. Hors de nouveaux quatuors à cordes pour l'usage familial, il donne le 19 octobre 1814 ce qui, plus tard, sera considéré comme l'acte de naissance du lied allemand : Gretchen am Spinnrade (« Marguerite au rouet »), suivi, en 1815, parmi une profusion de compositions de tous genres, du chef-d'œuvre absolu qu'est Erlkönig (« le Roi des aulnes »). On sait le peu de cas que fera Goethe de ces pages trop novatrices. Mais le cercle des amis du Konvikt et même le vieil organiste de la cour, Ruzicka, accueillent la pièce avec enthousiasme et ils se cotisent pour la faire imprimer.

   Schubert reste instituteur pendant quatre ans. La tentation de la liberté ne tardera pas à l'emporter sur l'obéissance filiale, et même sur l'amour de Thérèse Grob, qui rompt ses fiançailles en 1819. Dès 1816, le jeune compositeur a reçu 100 florins (plus de deux fois son salaire annuel !) pour une cantate : Prométhée, D.451, dont le sujet même était une véritable provocation et dont tout le matériel a disparu, mais qui fut alors exécutée en privé. Désormais il fournit régulièrement, et en abondance, des pièces de commande, si bien que, dès la fin de 1817, il envisage d'abandonner l'école, et, dans un premier temps, quitte le toit paternel pour s'installer chez son ami Schober. L'occasion de renoncer aussi à l'enseignement ne se fera pas attendre longtemps. Au printemps de 1818, il reçoit l'offre du prince Johann-Karl Esterházy de l'accompagner dans sa résidence d'été de Zseliz en Hongrie (aujourd'hui Zeliezovce, Slovaquie), comme maître de musique de ses filles Caroline et Marie. Il quitte Vienne au début de juillet et n'y rentrera qu'à la mi-novembre, mais ne rejoindra pas son poste d'instituteur, demandant d'abord un congé d'un an qui deviendra définitif. Schubert est ainsi le premier grand compositeur qui ait débuté en vivant uniquement de sa plume (et de quelques leçons) : Mozart ou Beethoven n'y avaient abouti que plus tardivement, et se produisaient aussi comme exécutants.